L’Algérie joue le rôle de «navire amiral» de la «flotte» chinoise en Méditerranée
Par Nabil D. – Dans une longue analyse consacrée à l’Empire du Milieu, intitulée «La Chine, une puissance impérialiste ou une puissance à projection impériale par effet d’aubaine ?» le journaliste René Naba souligne que la première puissance économique mondiale est le «premier partenaire de l’Afrique avec l’Algérie dans le rôle de navire amiral de la flotte chinoise en Méditerranée». Le membre du centre international contre le terrorisme ajoute que la Chine est, en effet, «depuis 2010, le premier partenaire commercial de l’Afrique, soixante ans après l’indépendance du continent noir, avec l’Algérie dans le rôle de navire amiral de la flotte chinoise dans la zone sahélo-saharienne».
«La montée en puissance de la Chine devrait, par contrecoup, valoriser le rôle de l’Algérie, le point d’articulation majeur de la Chine dans la zone et, à ce titre, objet d’une double tentative de déstabilisation, dans la décennie noire des années 1990 et lors du printemps arabe, en 2011», explique René Naba, qui note que l’Algérie, pays frontalier de sept pays – Maroc, Tunisie, Libye, Mali, Mauritanie, Niger et RASD – «occupe une position centrale au Sahara et ambitionne d’être au centre du jeu d’autant plus impérieusement qu’elle dispose d’une frontière commune de 1 800 km avec le Mali, soit infiniment plus que la totalité du métrage de la France avec ses pays limitrophes –Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Suisse».
Pour l’analyste, l’Afrique du Nord est «le segment sud […] de l’axe Chine-Europe qui constitue les deux extrémités de la vaste étendue continentale euro-asiatique, le centre de gravité pérenne de la géostratégie de l’histoire de la planète, matérialisée par la route de la soie, du parfum, de l’encens et tout dernièrement de la route de la drogue». «Ce partenaire de premier plan de l’Europe est une zone en situation de marché captif, un défouloir de la société occidentale pour son tourisme de masse, le glacis stratégique du pacte atlantique face à la percée chinoise en Afrique et son arrière-cour économique et sa basse-cour politique», relève encore René Naba, selon lequel «ce Maghreb-là constitue précisément la dernière digue avant le contournement complet de l’Europe par l’Afrique, selon le vieux principe maoïste d’encercler les villes par les campagnes».
«Si la Chine sortait vainqueur de son jeu de Go, la France, le maillon faible du dispositif du bloc atlantiste dans le secteur, sera immanquablement vouée au rôle de maillon manquant du directoire mondial de la planète en ce que le Maghreb, longtemps sa zone d’influence privilégiée, représente le principal gisement de la francophonie et la zone de sous-traitance de l’économie française, gage du maintien de sa compétitivité», souligne l’écrivain libanais, qui fait remarquer que les Occidentaux seront incapables d’«entraver» la «politique [chinoise] de contournement par un endiguement du continent noir».
«Sous couvert de grands principes – l’ingérence humanitaire et la guerre contre le terrorisme –, à l’aide de sigles abscons, d’Africom au Maghreb, de Recamp dans l’Afrique francophone ou d’Eufor, dans le centre du continent, voire même de Barkhane, le quadrillage occidental de l’Afrique s’est fait en douceur, à l’arrière-plan d’une féroce bataille engagée pour la maîtrise des réserves stratégiques sur le flanc méridional de l’Europe», explique ce spécialiste du monde arabe qui parle d’un «renversement de tendance sans précédent de l’histoire», en ce que «la rive sud de la Méditerranée est en passe d’enregistrer un surplus démographique par rapport au Nord européen».
«Dans moins d’une génération, vers l’an 2050, la population de quatre pays européens membres de l’Union européenne, la façade méditerranéenne de l’Union européenne – France, Italie, Espagne, Portugal – aura à peine augmenté pour compter 250 millions de personnes, alors que la population des autres pays du pourtour – Egypte, Algérie, Turquie, Maroc, Tunisie, Syrie, Libye, Liban, Gaza-Palestine –, se sera accrue de 70% pour avoisiner les 400 millions d’habitants, induisant une nouvelle pesanteur sur l’écologie politique et économique du bassin méditerranéen», conclut le fondateur de Madaniya.
N. D.
Comment (4)