Pierre Daum : «L’instrumentalisation de la guerre d’Algérie est ravivée de façon dangereuse»
Par Houari A. – «Je suis un peu sceptique face à la politique mémorielle du président Macron», a affirmé le journaliste français Pierre Daum. Invité par France 24 à s’exprimer sur la commémoration des Accords d’Evian, le journaliste et écrivain français a estimé que déjà le simple terme d’apaisement des mémoires qu’il ne cesse de répéter depuis quelques années pose problème. «Je ne sais pas de quelle mémoire il parle», a-t-il expliqué, en soulignant qu’en France «il n’y a aucune guerre des mémoires», mais que «par contre, il existe une instrumentalisation politique de la guerre d’Algérie, qui est très ancienne et qui, aujourd’hui, est ravivée de façon extrêmement dangereuse, négative par l’extrême-droite française, et même la droite».
«Ce qui est terrifiant, a-t-il soutenu, [dans] ce à quoi on assiste aujourd’hui, c’est que les blessures issues de la guerre d’Algérie n’ont pas été suffisamment travaillées et, surtout, en arrière fond, il y a un manque de la part des responsables politiques français, et Emmanuel Macron lui-même, de savoir dénoncer la colonisation comme un crime qui se trouve à l’origine de toutes ces souffrances d’aujourd’hui.» «Comment peut-on condamner aujourd’hui l’agression d’un pays étranger, l’Ukraine, si on ne condamne pas la France qui, en 1830, a envahi militairement l’Algérie, en massacrant des populations civiles ?» a-t-il interrogé, en notant que «c’est complètement contradictoire».
«Pour revenir à la politique française, le problème, si on voulait vraiment calmer le jeu, [il faut] avoir des mots forts, comme le candidat Macron les a eus il y a cinq ans, et savoir dénoncer la colonisation comme un crime en elle-même, qui a provoqué toutes les souffrances, chez les pieds-noirs, chez les harkis et chez le peuple algérien qui, in fine, est celui qui a le plus souffert», a-t-il poursuivi, en insistant sur le fait que «la droite instrumentalise le passé colonial en considérant que la France et les Français n’ont pas à regretter le passé colonial».
A la question de savoir si la France doit faire un effort supplémentaire vis-à-vis de cette question mémorielle, Pierre Daum a répondu qu’«il faut évidemment aller plus loin» et qu’«il faut posément décrire les choses et éventuellement envisager des excuses et, surtout, une justice face à cette agression scandaleuse».
H. A.
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