Quand l’historien Belkadi répondait aux déclarations «oiseuses» de Driencourt
L’historien et anthropologue Farid Belkadi nous a fait parvenir une lettre qu’il a adressée à l’ancien ambassadeur de France à Alger Xavier Driencourt et que nous publions dans son intégralité. La lettre a été rédigée en février 2012, «suite à ses déclarations oiseuses concernant les têtes de résistants algériens qui sont conservées au Muséum de Paris, dont il ne fait pas cas dans son livre L’Enigme algérienne, paru le 16 mars dernier», explique son auteur qui veut, ainsi, «lui rafraîchir la mémoire».
A propos de têtes de gueux célèbres,
Lettre à l’ambassadeur de France à Alger,
Monsieur l’Ambassadeur,
J’ai appris par voie de presse vos propos atterrants, le lundi 6 février [2012], devant une salle comble, décorée à la manière d’un conte des mille et une nuits, au forum des «Mille et une News», au siège du quotidien Algérie News.
Ces paroles concernent les restes mortuaires des résistants algériens à la colonisation qui sont conservés au MNHN de Paris depuis les années 1880. Ces âmes ardentes et nobles, d’une vaillance légendaire ont poursuivi la lutte de l’Emir Abdelkader contre la barbarie du corps expéditionnaire français et ses relais collaborationnistes (Ben Ali Cherif, Al-Mokrani) jusqu’à leur souffle ultime.
Je lis ceci dans le journal Algérie News : «Sans apporter plus d’explications sur le risque que ferait courir une telle restitution, M. Driencourt a estimé que si les crânes et autres restes mortuaires d’étrangers conservés dans des musées de France devaient être restitués, cela ouvrirait la voie à la réclamation de la Joconde ou l’obélisque de la Place de la Concorde (Paris), par exemple.»
Vous assimilez, Monsieur l’Ambassadeur, en filigrane, avec une légèreté insolite, les restes mortuaires de ces chevaliers de la résistance algérienne à la Joconde, cet objet d’art de Leonardo di Piero da Vinci, et l’obélisque de Louxor – don du vice-roi d’Egypte à la France, Mehmet Ali, un non-Egyptien, né en Grèce, de parents albanais, désigné le 18 juin 1805 par le gouvernement ottoman comme pacha d’Egypte – à tous les objets artistiques qui sont entreposés dans les musées de la France, parfois issus de rapines celées.
Vous assimilez, Monsieur l’Ambassadeur, les restes mortuaires de nobles résistants algériens à des œuvres d’art. A de simples choses qui n’ont pas été confiées à la France par les populations ou les pays intéressés.
J’ignore, pour ma part, quel est le nom de cette muse qui patronnerait cette forme de cruauté – des têtes algériennes décapitées conservées dans un musée – que vous incorporez bien singulièrement au patrimoine artistique de la France. A ma connaissance, cette égérie n’est pas répertoriée parmi les neuf muses de la mythologie grecque.
L’art, qui nécessite habilité et talent, style, patte et entregent n’a rien à voir avec cette affaire affligeante, funeste et sinistre, lugubre même, des 37 têtes algériennes du MNHN de Paris. Tout cela n’est pas à l’honneur de la conception universelle de l’être humain, que l’on attribue charitablement à la France.
Monsieur l’Ambassadeur,
Les restes mortuaires de ces héros de l’Algérie sont, pour vous, un «butin de guerre», cela a été rapporté par le journaliste qui vous a interviewé. Pour moi, il s’agit de glanes coloniales inavouables.
Quelqu’un a écrit : «L’homme aime à se fabriquer des mythes et à se laisser mystifier par ses propres mythes et ceux des autres.» Voilà pour ces choses-là, artistiques.
Butin de guerre ou rapine ? Le cas Edouard Weisgerber
Monsieur l’Ambassadeur, Excellence,
Je vous livre un exemple de rapine, mû en prise de guerre, actuellement partie intégrante du patrimoine inaliénable de la France. Edouard Weisgerber, médecin de formation, fut chargé vers la fin du XIXe siècle, par le ministre des Travaux publics, d’accompagner la mission envoyée dans le sud de l’Algérie pour y étudier le tracé d’une ligne de chemin de fer entre Laghouat, El-Goléa, Ouargla, Touggourt et Biskra.
Les travaux ne furent jamais entrepris. Weisgerber se convertit instantanément en préhistorien, spécialisé dans le ramassage de silex taillés. «Nous en avons ramassé, dit-il un jour dans une de ses lettres, un grand nombre, dont j’ai eu l’honneur de présenter un certain nombre d’échantillons à la Société préhistorique, qui confirme ce que l’on avait déjà dit de l’existence dans le Sahara d’une population ancienne assez dense.»
Voyant que ses excursions préhistoriennes n’étaient pas suffisamment gratifiantes, Weisgerber se recycla dans le pillage de tombes. Parmi ses dons à la Société d’anthropologie de Paris figurent des crânes chapardés dans des tombes – un butin de guerre, selon vous Monsieur l’Ambassadeur – dont l’un d’entre eux est répertorié sous le numéro 33735 dans la base de données du MNHN de Paris. Ce crâne qui est «entré» au Musée NHN (Paris) en 2008, auquel manque le maxillaire inférieur, est attribué à un sujet «Chaâmba Mouadhis», du nom d’une tribu saharienne qui nomadisait dans ces temps-là entre El-Goléa et le M’zab.
Dans une de ses lettres concernant les restes mortuaires qu’il récupérait de manière peu chrétienne dans les tombes d’un simple cimetière tribal, E. Weisgerber, ce sinistre profanateur de tombes, écrit : «Cette tombe est située auprès d’un ancien cimetière dont j’ai rapporté deux squelettes complets, un vieillard et une jeune femme, et un crâne de femme avec ses cheveux, une clavicule et un humérus, et dont je fais hommage à la Société. Ces squelettes me paraissent appartenir aux Chambas.»
Le Dr Weisgerber – contemporain de Robert Louis Stevenson auteur de la célèbre nouvelle Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde – affable et délicat avec ses confrères savants et civilisés, affranchi de toute obligation déontologique, mû en anthropologiste expert en petites et grandes malices, faisait ses petites emplettes scientifiques dans les tombes des cimetières sahariens, avant de les envoyer au Muséum de Paris à titre honorifique.
Un mot sur ces tombes chaâmbas : elles ressemblent à de petits murs d’étai, du fait de l’amoncellement de leurs pierres qui sont élevées sur la roche, le défunt est simplement étendu sur quelques poignées de sable. L’austérité des rituels funéraires, la simplicité des tombes qui sont surmontées de deux épaisses pierres, l’une au niveau des pieds, l’autre à la tête – une pierre supplémentaire étant placée au niveau du ventre pour signaler que la tombe est celle d’une femme – ont permis au Dr Weisgerber d’avoir un accès facile à ces vestiges humains.
Parfois, pour ces mêmes raisons très peu scientifiques, le Dr Weisgerber vieillissait les ossements en les attribuant à l’antiquité lointaine. C’est comme si on déterrait un Auvergnat mort au début du XIXe siècle dans la région de Vichy pour attribuer délibérément sa dépouille à quelque lointain guerrier celtique du premier millénaire avant l’ère chrétienne.
Ces maraudages honteux, parés d’inventions scientifiques séduisantes, nourrissaient les conjectures savantes issues du siècle des Lumières. Ces mêmes lumières dont les ex-colonisés hommes et femmes, enfants et vieillards ont durant longtemps attendu, en vain, les efflorescences éblouissantes. Aux Algériens n’échurent que les obscurantismes opaques.
N’est-ce pas Jules Ferry qui disait des petits indigènes d’Algérie, et cela était également valable pour les pays d’outre-mer, les Asiatiques et les Noirs : «Gardons-les (à l’école) jusqu’à l’âge de 14 ans, c’est assez, bien assez puisque nous ne voulons pas leur rendre familiers nos beaux programmes d’enseignement primaire, que nous ne voulons leur apprendre ni beaucoup d’histoire, ni beaucoup de géographie, mais seulement le français, le français avant tout, le français et rien d’autre.» (Jules Ferry cité par M.-C. Duchet. Les Temps modernes, num. 123, mars-avril 1956.)
Qu’est-ce qu’un musée ?
Une ex-ministre de la Culture et de la Communication, dont les Français ont égaré le souvenir, dit ceci à propos des collections humaines détenues au Muséum de Paris : «Les collections publiques expriment notre histoire et les relations que nous avons entretenues depuis des siècles avec d’autres peuples (…) La force actuelle des mouvements de patrimonialisation identitaire ne saurait, pour compréhensible et légitime qu’elle soit, évidemment, mettre en péril la vocation universaliste de nos musées.»
Le terme Muséum, qui s’écrit sans accent en latin, est dérivé du grec Mouseîon. Le Conseil international des musées (ICOM) a élaboré une définition adoptée par la communauté internationale. «Un musée est une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l’homme et de son environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notamment les expose à des fins d’études, d’éducation et de délectation.»
En vertu de quoi et de quelle manière des têtes de martyrs algériens peuvent-elles être au service de la société et de son développement ? Peut-on se délecter, de manière publique ou privée, de têtes décapitées exposées à des fins d’études ou d’éducation dans les travées des musées ?
Le peintre Horace Vernet
Un autre exemple, Monsieur l’Ambassadeur, est celui du peintre Horace Vernet. Des fresques taboues de ce célèbre peintre sont furtivement conservées dans les réserves du Musée de Versailles. Ces œuvres d’Horace Vernet n’ont jamais été exposées dans les salles publiques. Pour ne pas scandaliser la sensibilité raffinée des gens cultivés. En particulier une étonnante toile, gigantesque, toute en longueur, qui représente des tombes algériennes béantes, les marbres et l’albâtre fracassés, profanées par les soldats du corps expéditionnaire français, brandissant, excités, des restes de cadavres algériens au bout de leurs baïonnettes. Il m’a été permis d’avoir accès à cette fresque et de l’étudier dans le cadre de mes travaux, grâce à la sollicitude d’un responsable du musée de Versailles.
Depuis des décennies, aucun conservateur du musée de Versailles n’a eu la vaillance de montrer au public ces œuvres d’art du grand Horace Vernet. Ces fresques sont depuis toujours en (état permanent de) restauration… On ne montre pas au public cette représentation forcenée de monceaux de ruines et ces cadavres mutilés par des soldats français. La présence française civilisatrice en Algérie s’y oppose. C’est Attila dans les champs Catalauniques, version siècle des Lumières. Dans ces œuvres qui apportent leur écot à l’histoire, la barbarie coloniale notoire est vérifiable et palpable, elle brise le cœur.
Il faudrait organiser une exposition de ces œuvres d’Horace Vernet à Alger, à des fins d’études, d’éducation et de délectation publiques pour flatter la sensibilité artistique des Algériens ? «Si tu n’as pas honte, fais ce qui te plaît», dit un enseignement du Prophète de l’islam.
Revenons aux têtes décapitées, ce «problème sensible» (comme l’appellent les spécialistes) qui s’énonce de plus en plus comme une saillie fâcheuse dans les discours officiels à venir. Cette affaire côtoie le refoulement, tel qu’il est exposé par S. Freud dans ses leçons sur la psychanalyse.
«Je crois qu’il est utile que certaines choses soient dites, et qu’il est désormais de mon devoir de les raconter. Avant de tourner la page, il faut bien que la page soit lue et donc, écrite.» Ces propos sont ceux du général sanguinolent mais, néanmoins, surprenant de franchise, Aussaresses, qui n’est plus à présenter.
Monsieur l’Ambassadeur,
Ces restes mortuaires de résistants algériens décapités dans le cadre d’une guerre atroce que leur livraient les soldats français ne sont pas ceux d’un groupe d’hommes ayant vécu sur terre il y a plusieurs milliers d’années. Il n’y a pas de problème à exposer dans les musées ou ailleurs, même à de petits enfants dans les écoles maternelles, les sépultures de l’homme de florès, de l’homme de Neandertal ou de Mechta Al-Arbi. Les momies égyptiennes, beaucoup moins tolérées par le public du fait de la présence de chair dans les restes de corps entourés de bandelettes.
Une tête figure parmi ces restes mortuaires algériens détenus au MNHN de Paris, sur laquelle subsiste toujours de la peau, desséchée. Il s’agit du vrai visage momifié du résistant Al-Hamadi. Ce visage est bouleversant. Il ressemble à une tête maorie sans les tatouages.
La Déclaration des Nations unies
Une collection constituée d’éléments du corps humain n’a rien d’artistique ; elle ne saurait être assimilée à un quelconque patrimoine. Le droit pénal français réprime l’homicide, les coups et blessures, les tortures, les actes de barbarie, cela n’a pas empêché l’armée coloniale de sévir impunément à travers les époques contre des populations algériennes désarmées.
La France, à travers ses musées, a adhéré à la résolution qui a été adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 13 septembre 2007. Celle-ci enjoint aux Etats (européens), dans ses articles 11 et 12, à accorder réparation aux peuples autochtones. L’article 12 précise que «les Etats veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces, mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés». Des vœux pieux qui n’ont jamais été suivis d’effets.
Le code de déontologie de l’ICOM (Conseil international des musées), aboutissement de six années de révisions, a été formellement approuvé lors la 21e Assemblée générale à Séoul en octobre 2004. Il a largement abordé cette question de ce qui est encore pudiquement appelé «le matériel culturel et sensible». Un certain nombre de principes ont été fixés pour favoriser les retours des restes humains éparpillés dans les musées à travers le monde. De nombreux pays ont déjà répondu favorablement à ces demandes.
La France ne bouge pas. Sauf en ce qui concerne les restes maoris, depuis quelques semaines. Elle refuse de reconnaître le caractère colonial de ses collections.
Vous semblez dénier à la Déclaration des droits de l’Homme, dont s’enorgueillit la France depuis 1789, de parler au nom de l’être humain. Cette proclamation, qui s’adresse à l’homme dans sa souveraineté primitive, devrait concerner en filigrane les morts, au même titre que les tombes lorsqu’elles sont profanées en France par des groupuscules irresponsables.
Les Chouans
Ces chefs insurgés algériens dont les têtes gisent au MNHN de Paris ont lutté jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour que vive leur pays. Toutes proportions gardées, c’est comme si des dizaines de têtes tranchées de combattants chouans, qui se sont dressés contre l’oppression dans l’ouest de la France en 1793, parmi eux les officiers Boisguy, Bonteville, Pontbriand, Boishamon, Angenard, Rossignol gisaient dans des boîtes dans quelque musée en Algérie.
Vous dites : Les conservateurs de musées et de patrimoine (…) «régulièrement mettent en garde les pouvoirs publics sur le risque qu’il y a à restituer que ce soit des ossements à l’Algérie, des manuscrits coréens ou mexicains». Si les crânes et autres restes mortuaires d’étrangers conservés dans des musées de France devaient être restitués, cela ouvrirait la voie à la «réclamation de la Joconde ou l’obélisque de la Place de la Concorde (Paris)», par exemple.
Homère écrit dans L’Iliade que dans la maison de Zeus, il y avait deux jarres, l’une enfermant les biens, l’autre les maux. Le régime juridique français, concernant ce domaine, est embarrassé. Il s’appuie sur l’inaliénabilité des collections. Là où il faudrait parler de règles éthiques et morales, des principes impliquant la bonté et la charité chrétiennes. Cela, les pays anglo-saxons l’ont bien compris.
Vous mettez dans le même panier, en vrac, des manuscrits coréens ou mexicains, des têtes décapitées, l’Obélisque de Louxor et la Joconde. Le Chérif Boubaghla, le Cheikh Bouziane, Moussa Al-Darkaoui, Al-Hammadi ont été exécutés avant d’être décapités par les soldats français, aidés parfois de leurs alliés indigènes. Le nom de ces résistants algériens à la colonisation figure dans d’innombrables livres d’histoire. Ce sont les trophées indus d’une guerre injuste, honnie par les consciences équitables de notre époque. L’état de belligérance entre l’Algérie et la France est pourtant terminé, il a été déclaré officiellement clos lors de l’indépendance de ce pays, survenue le 5 juillet 1962. Pourtant, ces reliques de la colonisation française sont toujours là. Ces «pièces» que certains esprits retors continuent de travestir d’une terminologie scientifique, voire même culturelle approximative, proviennent d’actes de barbarie inavouables. Ces restes mortuaires accumulés subrepticement au cours du XIXe siècle par des musées français constituent désormais, selon certaines lois partisanes, des biens propres, patrimoniaux de l’Etat français.
Les crânes maoris ont été rendus aux autochtones de l’Australie. Les situations sont différentes, entre les Algériens qui ont subi des actes de barbarie et de cruauté durant la colonisation française de leur pays (1830-1962), et les upoko tuhi, têtes tatouées maoris, Saartjie Baartman la Vénus hottentote, les têtes réduites Jivaro, les crânes dits «surmodelés» d’Océanie, les restes qui agrémentent divers objets, tels que les flûtes en os de fémur ou les crânes tambours du Tibet.
Dans le cas présent, il s’agit de restes mortuaires, d’intrépides et vaillants guerriers algériens. Il faut que ces restes mortuaires humains soient restitués à l’Algérie et aux Algériens.
Têtes de choix et gueux célèbres
La tête de Bouziane (num. 5941 au MNHN de Paris) fut coupée et fixée au bout d’une baïonnette à la fin du siège de Zaâtcha. Elle a été conservée comme celles de Boubaghla (num. 5940 au MNHN de Paris) et du chérif Bou Kedida (num. 5943 au MNHN de Paris), qui fut tué dans un combat livré sous les murs de Tébessa par le lieutenant Japy. Ces restes mortuaires font partie depuis 1880 de la collection Vital du Muséum de Paris.
C’est V. Reboud qui les a envoyées à ce musée. Il le dit dans une lettre. Chacune des têtes était accompagnée d’une étiquette, longue bande de parchemin, portant le nom du chérif décapité, la date de sa mort, le cachet du bureau politique de Constantine. Reboud dit avoir réuni «une série de têtes de choix et d’une bonne conservation», provenant en grande partie du Coudiat-Aty, autrement dit le Musée de Constantine à ses débuts. En 1855, la municipalité de Constantine, qui venait d’acquérir la collection punique de Costa Lazare, porta son choix sur le plateau de Coudiat-Aty, pour la réalisation du musée, sur l’emplacement d’une nécropole punique.
Auparavant, ce musée avait l’air d’un cagibi. Les têtes réunies par Reboud, qui étaient mêlées aux bracelets, lampes lacrymatoires et à d’autres autres objets hétéroclites entreposés dans ce réduit, furent remises au naturaliste A. de Quatrefages. Reboud, avant de clouer la caisse pour l’envoi au Muséum de Paris, demanda à René Vital, le frère du collectionneur Dr Edmond Vital :
– Pourriez-vous enrichir mon envoi au Muséum de quelques crânes intéressants… ?
Le Dr Vital venait de décéder et sa famille ne savait plus quoi faire des restes mortuaires des résistants algériens qui étaient entreposés dans de la poudre de charbon, dans les combles du domicile de Vital.
Le frère du Dr Vital répondit :
– Prenez tout ce que mon frère a laissé, vous y trouverez des têtes de gueux célèbres (sic) et vous ferez le bonheur de mes servantes, qui n’osent monter au galetas parce que l’une de ces têtes a conservé ses chairs fraîches, et que malgré la poudre de charbon dans laquelle elle est depuis de nombreuses années, elle répand une odeur sui generis.
Grâce à René Vital, le Muséum de Paris s’enrichit ce jour-là d’une vingtaine de nouvelles têtes d’Algériens célèbres.
Les revendications de rapatriement des ossements de ces résistants algériens sont tout à fait légitimes.
Il ne s’agit pas d’une question d’art, de patrimoine ou de lois. Il s’agit de la conscience de la France. De nœuds à défaire avec lucidité, cœur et probité par les responsables français, dans les contreforts de leur conscience.
Faut-il vous rappeler que le long voyage des Algériens dans la nuit coloniale a pris fin depuis bientôt cinquante ans, Monsieur l’Ambassadeur.
Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de ma considération parfaite.
Ali Farid Belkadi
Histoire, anthropologie
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