Aliénation musicale : Johnny Hallyday, du bras d’honneur à l’honneur bradé
Une contribution de Khider Mesloub – Après une vie trépidante et surtout enivrante de succès éthylique, Johnny Hallyday s’en fut allé comme il avait vécu. Il s’était propulsé vers le firmament de la célébrité grâce à la jet-set. Et il s’envola vers le ciel du trépas dans son jet privé.
Véritable statue de la chanson française, élevé à la stature de Dieu par ceux qui ne croient même pas en leur personne tant leur médiocre existence leur a ôté tout amour de soi, placé en leur vedette, et privé de tout statut social, immolé sur l’autel du capital, Johnny Hallyday, en 2017, année de l’élection de l’autre enfant gâté de la France bourgeoise décadente et raciste, tira sa révérence et afficha sa préférence.
La star populaire dévoila ses affinités électives, même au-delà de sa défection définitive. Il vécut richement, de toutes parts honoré, loin de ses admirateurs, et il fut bourgeoisement enterré, proche de ses congénères spéculateurs et exploiteurs.
Il s’enrichit grâce à l’argent de ses fans toujours prompts à acquérir toutes les babioles à l’effigie de leur idole, et il les laissa comme ils avaient toujours vécu : désargentés, orphelins de la vie. Heureusement, ils peuvent se consoler de la disparition de leur coqueluche, en écoutant sa musique de peluche.
On l’a souvent oublié : cette bête de scène n’aura joué durant sa vie que des scènes de bête. S’il a su composer richement sa vie, en revanche il n’a jamais su composer sa musique (à l’instar de Macron, cette bête de la politique qui aura, durant son quinquennat, transformé la scène publique en espace de la politique des bêtes. De même il aura chichement décomposé la France sociale et recomposé richement les fortunes françaises).
Cet esclave de la scène avait à sa disposition des nègres. Toutes ses chansons furent fabriquées par ses proches pour lui permettre de se remplir artistiquement ses poches. Johnny sut donner pauvrement de la voix, et se frayer richement sa voie. Il sut drainer des foules pour l’écouter sur scène soûl. Remplir les stades pour se déhancher sur les estrades.
De même, il épousa fougueusement la vie. Au reste, Johnny enchaîna les épousailles en convolant plusieurs fois en noces. Mais surtout déchaîna contre lui la justice. Non pour ses fresques musicales. Mais pour ses frasques fiscales. En effet, il avait subi plusieurs redressements fiscaux pour avoir dissimulé ses revenus musicaux. Et finir pour opter pour l’exil fiscal pour se soustraire à l’impôt hexagonal.
En dépit de ses turpitudes nationales, Johnny eut les honneurs de la nation hexagonale. Et la vénération de ses admirateurs, ces adorateurs d’astres béotiens. D’aucuns comparèrent l’hommage national réservé à cet accroc musical et escroc fiscal à celui rendu au grand écrivain Victor Hugo. Si tel est le cas, la France vraiment décline.
Incontestablement, sur scène Johnny se dépassait sans se la raconter, dans la vie aussi il dépensait sans compter. Selon les informations, il n’était pas avare de ses dépenses. Johnny eut un train de vie princier, puisqu’il dilapidait jusqu’à 400 000 euros par mois pour ses frais (plaisirs) personnels. Quand on sait que tous ses fans étaient issus des classes populaires, voire pauvres, on ne peut qu’être interpellés, voire scandalisés. Il avait ainsi défrayé les chroniques judiciaires. Il n’avait frayé qu’avec ses fortunés congénères. Et il nous avait effrayés par ses dépenses dispendieuses et grossières.
Pour reposer en paix loin de ses idolâtres importuns, Johnny Hallyday opta pour un enterrement classe première, transporté dans un cimetière situé dans une lointaine contrée exotique, à 6 500 kilomètres de la métropole, sur l’île de Saint-Barthélemy, colonie française des Caraïbes, véritable petit paradis fiscal français où il possédait trois villas (estimées à 40 millions d’euros, en plus des dizaines d’autres propriétés et biens dans plusieurs pays).
Pauvres fans prolos. Après vous avoir ignorés de son vivant par sa vie de nabab, en signe de bras d’honneur post-mortem, il vous réserva un souverain mépris de sa tombe inaccessible. Vous n’aviez pas pu le côtoyer de son vivant, il ne vous offre même pas l’occasion d’approcher sa sépulture. Il n’alla sûrement pas permettre à des gueux venir se recueillir sur son mausolée. Salir sa tombe. Souiller sa personne, même décomposée au fond du cercueil.
Même mort, Johnny Hallyday aura opté pour l’exil sépulcral afin de ne pas honorer ses obligés, comme il avait opté pour l’exil fiscal pour ne pas honorer ses obligations. En revanche, ses amis fortunés s’offriront le luxe de fleurir sa tombe. Même dans l’au-delà… de la mer. Sous le capitalisme, le paradis terrestre n’est réservé qu’aux nantis.
Scandaleusement, une fois enterré, y compris d’outre-tombe, Johnny Hallyday continue à défrayer la chronique par ses frasques pécuniaires et ses escroqueries testamentaires. Johnny Hallyday dévoile surtout sa véritable personnalité mercantile et cynique. Après avoir trahi ses fans, en les privant de sa dépouille entreposée dans une contrée exotique inaccessible au commun des mortels au compte bancaire famélique, dernier coup de théâtre ou bras d’honneur, il aurait également dépouillé ses enfants des premiers lits, flanqués dans de beaux draps, contraints à laver le linge sale familial en public, sous le feu des projecteurs enflammés des plateaux télé.
En effet, ce personnage controversé versé dans le filoutage, avant de tirer sa révérence, avait organisé la spoliation de ses admirateurs de leur part d’héritage mémoriel de recueillement sur sa sépulture délibérément transplantée. Mais, comme on le découvrit au lendemain de son enterrement, avant de trépasser il avait également procédé à la spoliation de sa progéniture par la rédaction d’un litigieux testament dans lequel il aurait exprimé sa volonté de les déshériter.
Ainsi, en l’espace de quelques semaines, il aura dévoilé son vrai visage. Un visage façonné par la cupidité, couvert de vilenie, dévoré par la vérole mercantile, hérissé de félonies. Décidément, même d’outre-tombe, il continue de faire un bras d’honneur, cette fois à sa famille. Ça en dit long sur la moralité douteuse de ce lugubre individu longtemps adulé.
Dire que la France avait élevé cet éthylique personnage au firmament des grandes étoiles. Elle lui avait réservé des obsèques nationales dignes des grands hommes de lettres françaises et des géants hommes politiques tricolores. En vérité, ce mercenaire de la chanson est à l’image de cette France décadente. Particulièrement de sa frange dominante, sa classe dirigeante débilitante, son élite qui se délite, sa classe politique couverte de crasse politique. De cette France où l’argent est devenu indécemment roi et le peuple socialement nu. De cette France macronisée, nécrosée, où la bourgeoisie est bien financièrement arrosée.
Une France qui a intronisé un adolescent politique attardé au sommet de cet Etat défaillant. Croulant de dettes. De cet Etat dépouillant. En effet, cet Etat français en faillite qui, pour renflouer son budget tari par ses permanentes interventions militaires impérialistes, se met à flouer son peuple, à dépouiller la classe populaire déjà misérable.
La ressemblance entre ces deux éternels adolescents benêts de la musique et de la politique, Hallyday et Macron, est frappante. Le premier a kidnappé sa femme au berceau. Le second, c’est sa femme qui l’a séduit à l’école maternelle. Johnny, analphabète de son état, avait été fabriqué par ses producteurs de musique à fric. Macron, jouet de son Etat, a été propulsé au sommet du pouvoir par ses souteneurs banquiers des puissances financières. Le premier avait su, par sa fourberie mise en musique, détrousser son public en le transformant en acheteur compulsif des babioles à l’effigie de son idole et en spectateur fidèle de tous ses concerts au ticket d’entrée vendu au prix exorbitant. Le second avait pu, par sa démagogie politicienne mise en discours par ses maquereaux financiers, convaincre la masse moutonnière électorale française à lui apporter son suffrage.
A peine élu haut la main, Macron s’était empressé à faire main basse sur le portefeuille déjà ratatiné du peuple miséreux, par sa politique de démolition des services publics et de suppression des «acquis sociaux». Mais bien sûr, à ses amis, les rois de la finance, il avait offert les caisses de l’Etat. Caisses qu’ils continuent de siphonner à leur guise, en particulier depuis la pandémie politiquement instrumentalisée, par la politique généreuse de distribution de subventions étatiques décrétée par Macron.
Enfin, cette histoire de famille où les héritiers, sur la dépouille à peine enterrée, déterrent la hache de guerre pour régler leurs comptes bancaires bancalement répartis, illustre la décrépitude de cette société capitaliste où l’argent est devenu la valeur suprême.
Autrefois foyer affectif de la société, la famille est devenue une simple société à but lucratif. Un grand écrivain, André Gide, dans son livre Les Nourritures terrestres, avait noté : «Familles, je vous hais.» Pour ma part, dans ce monde de pourritures terrestres, j’ajouterai pour le compléter : Société capitaliste, je t’abhorre.
K. M.
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