Un institut américain nuance les propos de Blinken et refroidit le régime de Rabat
Par Kamel M. – «Au milieu de nouvelles tensions, la diplomatie peut-elle débloquer un processus de paix longtemps bloqué avec le Maroc et l’Algérie ?» s’interroge l’United States Institute of Peace, dans une analyse publiée ce jeudi. «Après des années de stagnation du conflit du Sahara Occidental, la guerre russe contre l’Ukraine et d’autres événements récents pourraient créer des ouvertures pour faire avancer les efforts de paix au Sahara Occidental, longtemps bloqués», prédit l’organisme relevant du Congrès américain, qui s’appuie dans sa prospective sur les visites parallèles «sans précédent» des deux principaux diplomates américains au Maroc et en Algérie le mois dernier.
Ces déplacements «suggèrent que les Etats-Unis explorent cette nouvelle ouverture», souligne l’institut qui estime que Washington «devrait saisir fermement toute nouvelle chance de mettre fin à ce conflit souvent oublié, qui contribue à créer les conditions de l’extrémisme et de la criminalité transnationale, empêche une croissance économique indispensable et qui risque d’aggraver l’instabilité de la région méditerranéenne à la région sahélienne de l’Afrique». «Alors que l’administration Biden n’a montré aucun enthousiasme pour revenir sur la reconnaissance par le président Trump des revendications de souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental, le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, a publiquement fait part d’une approche plus nuancée», observe l’auteur de l’analyse, qui explique que la déclaration faite par Blinken à Rabat n’est pas aussi claire sur le supposé soutien au plan d’autonomie.
La déclaration du secrétaire d’Etat américain «implique que les Etats-Unis pourraient soutenir d’autres options, y compris le référendum parrainé par l’ONU», nuance l’United States Institute of Peace, selon lequel «la référence du département aux aspirations du peuple du Sahara Occidental peut être interprétée comme un soutien américain à l’autodétermination». Le think tank américain qualifie de surprenant le regain d’intérêt que portent les Etats-Unis au conflit sahraoui. «On ne se souvient pas de la dernière fois où le Maroc et l’Algérie ont reçu une telle attention diplomatique de haut niveau. Bien que le contenu des discussions soit encore inconnu, nous savons qu’elles comprenaient le Sahara Occidental», croit savoir l’auteur de l’article, qui indique que la reconnaissance par les Etats-Unis des revendications marocaines sur le Sahara Occidental a créé une tension dans les relations entre Washington et Alger. «Blinken et Sherman ont peut-être espéré atténuer cette tension», ajoute l’Institut américain pour la paix qui se demande pourquoi les Etats-Unis «cherchent à améliorer les relations avec l’Algérie maintenant». Cela a un rapport avec deux problèmes liés : l’énergie et l’Ukraine, conjecture l’analyste américain spécialiste des questions nord-africaines.
«L’Algérie, développe-t-il, a fourni à l’Espagne et au Portugal plus de 50% du gaz naturel que ces deux pays consomment […]. Alors que les prix de l’énergie en Europe ont augmenté en raison de la guerre russo-ukrainienne, l’accès à l’énergie algérienne est vital, notamment en tant que substitut pour les pays européens dépendants de la Russie. Il est possible que Blinken et Sherman aient espéré persuader l’Algérie de rouvrir le gazoduc traversant le Maroc vers l’Europe et encourager davantage d’exportations d’énergie vers d’autres alliés américains, comme l’Italie», présume-t-il, avant de s’interroger sur la contrepartie que les Etats-Unis auraient proposée à l’Algérie et ce que cette dernière aurait exigé. Sans doute l’annulation de la reconnaissance par Washington de la marocanité du Sahara Occidental, décrétée de façon unilatérale par l’ancien locataire du Bureau ovale.
«En tout état de cause, aucun accord sur ces questions n’a été annoncé. Les visites des deux plus importants diplomates américains au Maroc et en Algérie sont si rares qu’il n’est pas crédible qu’il ne puisse s’agir que de rencontres diplomatiques de routine. Quelque chose d’important a été discuté. Nous devrons attendre plus d’informations pour savoir ce qu’était ce quelque chose», conclut l’organisme fondé par le très influent Congrès américain.
K. M.
Comment (20)