France : un troisième tour électoral et militariste ou social et émancipateur ?
Une contribution de Khider Mesloub – Après la réélection de Macron, deux Frances entrent en lice : la France légale, autrement dit légaliste et électoraliste, celle du scrutin financier, et la France légitime, autrement dit populaire et subversive, celle du peuple mutin. La France institutionnelle et la France insurrectionnelle. La France d’en haut et la France d’en bas.
La première, asservie aux institutions bourgeoises, est représentée par Mélenchon et son parti de gauche entièrement soumis au capital national, qu’il défend avec patriotisme. En particulier dans ce contexte géopolitique et économique marqué par les tensions inter-impérialistes et la récession. La France Insoumise, en parti nationaliste, ne prône-t-elle pas la défense du capital national ? «Pour promouvoir la paix et la coopération, retrouver une voix indépendante, assumer l’indépendance de la France dans le monde», proclame le parti de Mélenchon. L’histoire nous enseigne que la rhétorique chauviniste pacifiste déblaie toujours le champ des futures confrontations guerrières. «Si tu veux la paix, prépare la guerre» est la devise des va-t-en-guerre camouflés en pacifistes.
En bon soldat à la solde du capital national français, le sergent recruteur Mélenchon interpelle sentencieusement la population : «La France peut, et doit, se défendre elle-même, en dehors de toute alliance militaire permanente quelle qu’elle soit. Pour cela, la défense doit être l’affaire de la nation tout entière» (après la militarisation de la société instituée par le pouvoir macronien à la faveur de la pandémie de Covid-19, Mélenchon prône la mobilisation militaire générale de toute la population. Pour la France Insoumise, dirigée d’une main de fer par l’indéboulonnable et irascible oligarque Mélenchon, le prolétariat ne constitue qu’une masse vouée à servir de chair-à-voter et/ou de chair-à-canon).
Pour ce faire, le futur Premier ministre autoproclamé compte «stopper les privatisations des industries d’armement et des missions de défense nationale, puis les réintroduire dans le secteur public. Prioriser l’acquisition de matériel militaire français dans l’armée. Ouvrir la possibilité d’un service militaire comme composante optionnelle du service citoyen obligatoire. Mobiliser l’espace numérique et la réalité spatiale pour installer des systèmes défensifs et non létaux contre les agressions et pour la paix. Adapter le matériel militaire et l’équipement de nos soldats à la nouvelle donne climatique (le parti de Mélenchon est un partisan de guerres propres, menées chirurgicalement sous le label écologique). Lancer un plan d’adaptation des infrastructures militaires vulnérables». En matière de sécurité intérieure, le parti de Mélenchon rivalise également d’ingéniosité pour moderniser les techniques de répression nationale. Les propositions de La France Insoumise sont abondamment pléthoriques, notamment en matière de «défense nationale» du renseignement (pour traquer quel ennemi : extérieur ou intérieur ?), de l’antiterrorisme (moyen d’instrumentalisation de l’Etat et paravent au nom duquel sont votées des lois liberticides), de l’augmentation et de perfectionnement de la police de proximité, de l’emploi de techniques de répression plus «républicaines» au service de l’Etat (des riches).
Dans cette période marquée par la débâcle des deux principaux partis historiques de gauche, le PCF et le PS, La France Insoumise (LFI) se pose désormais comme l’unique «force de gauche» alternative. Elle s’érige comme principale pôle d’opposition de gauche. Voire principal pôle d’attraction gauchiste (de distraction marxisante pour les bobos citadins et les islamo-gauchistes banlieusards). Elle proclame être la seule organisation politique capable de lutter contre le «libéralisme», le «pouvoir de l’argent». Contre la politique antisociale du pouvoir macronien. Contre la menace du péril «fasciste» du Rassemblement national.
A l’instar du Parti Socialiste Unifié (PSU) en son temps, érigé en parti de gauche radicale alternative, voire révolutionnaire, La France Insoumise se présente aujourd’hui comme le parti, au moins de «l’espérance d’un avenir meilleur» (dans le meilleur des mondes abjects de la France bourgeoise sénile), sinon du «Grand Soir» (de la nuit capitaliste, car sa révolution citoyenne par le vote ne compte pas sortir des ténèbres du capital belliqueux). Autrement dit, l’unique force (farce ?) d’opposition à la société capitaliste.
Au vrai, avec son slogan proclamant qu’«un autre monde est possible», il faut clairement traduire qu’«un même Etat national chauvin et militariste est possible». La preuve, au lendemain de son échec d’accession au second tour de l’élection présidentielle, l’apparatchik Mélenchon, ce rebelle institutionnel entièrement soumis au capital national, dévoré d’ambition, de manière éhontée, s’est empressé d’appeler, non à la mobilisation révolutionnaire contre le capitalisme, mais à la mobilisation électorale lors des prochaines élections législatives en vue de «contraindre» le va-t-en-guerre Macron, ce président de la finance honni par la majorité de la population, à le nommer Premier ministre. Pour appliquer quel programme ? En tout cas, pas celui des travailleurs et des classes populaires. Hormis la même antienne idéologique martelée par La France Insoumise, symbolisée par les leitmotive «partage plus juste des richesses» et de «faire payer les riches», Mélenchon n’aura rien à proposer sinon de «nouvelles» recettes fiscales, notamment le rétablissement du dérisoire impôt sur les grosses fortunes, l’augmentation de la vénielle taxation sur les propriétés immobilières, dans le cadre du capitalisme.
Au vrai, le programme de Mélenchon n’est pas original, ni innovateur. C’est une partition programmatique modernisée des fallacieuses alternatives socialisantes propagées, depuis un siècle, par les formations de gauche réformistes et parlementaires. En tout état de cause, depuis l’amère expérience mitterrandienne initiée en 1981, le prolétariat français est immunisé contre les fausses alternatives de gauche. Force est de constater que, quel que soit le parti de gauche intronisé au pouvoir, il s’applique toujours à poursuivre la même politique antisociale du capital, à aggraver l’exploitation et l’oppression des travailleurs, à détériorer leurs conditions de vie, à réprimer leurs luttes sociales. Et le parti de Mélenchon ne dérogera pas à ce «déterminisme du capital».
La France Insoumise, héritière de la social-démocratie européenne collaborationniste du capital, ne fait que recycler un vieux programme réformiste périmé, censé constituer une alternative au capitalisme. Or, l’histoire nous enseigne que les partis de gauche, socialistes (réformistes) et communistes (staliniens) furent toujours les meilleurs défenseurs du capitalisme (libéral ou d’Etat). Responsables des massacres de masse des ouvriers, des déclenchements de guerres. En particulier, dans les périodes de crise, d’exacerbation de concurrence économique capitaliste et de tensions guerrières impérialistes, comme celle que nous vivons actuellement. (Pour Mélenchon, dans la guerre actuelle d’Ukraine, «il n’y a pas d’autre coupable que Vladimir Poutine», autrement dit, il s’aligne sur la position occidentale, c’est-à-dire celle de l’OTAN).
Si Mélenchon accède au pouvoir, il appliquera le programme du capital national, autrement dit, dans cette période de crise multidimensionnelle, celui de l’économie de guerre, de la guerre économique capitaliste contre le travail.
A cet égard, dans son programme, La France Insoumise prône l’indépendance économique par une politique volontariste de relocalisation. Or, dans le cadre du capitalisme, comment compte-t-elle appliquer cette politique de «relocalisation des productions essentielles, engager (ce) plan de reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France dans les domaines stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, etc.) et pour soutenir la bifurcation écologique», comme elle le soutient dans son programme, sinon par le recours massif à l’endettement (que devront supporter les travailleurs par l’augmentation des impôts et des taxations) et, surtout, pour pouvoir soutenir la concurrence, en vertu des lois imparables du capital, par la réduction drastique des coûts de production au niveau national, la détérioration des conditions sociales ? Autrement dit, par le nivellement par le bas des conditions sociales des travailleurs, alignées sur celles des pays émergents concurrents. Tel est l’horizon politique capitaliste indépassable proposé par le parti de Mélenchon : celui de la poursuite de l’exploitation et de l’oppression, sous les couleurs de la gauche cocardière.
Sans nul doute, aujourd’hui, LFI, parti de la gauche du capital, est l’ultime force d’embrigadement idéologique du prolétariat de France. Elle est devenue la force de dilution de la conscience de classe, de la stérilisation du rôle révolutionnaire du prolétariat, par sa politique de dévoiement symbolisée par son programme démagogique d’égalitarisme citoyen «garanti par l’Etat républicain» (bourgeois et impérialiste) français.
Une chose est sûre : galvanisée par son succès électoral obtenu au premier tour de l’élection présidentielle, la France Insoumise entend s’imposer comme le pivot d’une gauche recomposée en rassemblant, sous la même famille réformiste électoraliste, toutes les composantes des formations socialisantes et sociétales, depuis le NPA jusqu’au PCF, en passant par les Verts et le PS. En l’espèce, il s’agit d’une tentative de reconstitution de «l’Union de la gauche», pourtant politiquement discréditée pour sa compromission avec le «libéralisme», sa gouvernance exercée au service du capital.
Quant à la France légitime, celle du prolétariat, celle de la majorité politiquement silencieuse, elle va clairement faire entendre sa voix, imposer sa voie. Ni la voix électorale à la Mélenchon, ni la voie capitaliste, toujours à la Mélenchon. Le troisième tour social que ce prolétariat réserve à la France légale sera autrement plus triomphal que la triviale et pitoyable victoire remportée électoralement (financièrement) par Macron, sans débordement d’enthousiasme, ni festivités enchanteresses.
Le troisième tour emportera l’adhésion de l’ensemble du peuple d’en bas, résolu à en découdre avec la France d’en haut. A recoudre sa conscience de classe déchiquetée par les chiens de garde du capital, notamment les partis de gauche, notamment La France Insoumise (LFI). A raccommoder sa combativité politique depuis longtemps émiettée par des organisations gauchistes, adeptes des luttes sectorielles et sociétales, notamment la France Insoumise (LFI).
Pour pouvoir parler d’une période révolutionnaire, «il ne suffit pas que les ouvriers ne veuillent plus être exploités, il faut encore que les capitalistes ne puissent plus régner comme auparavant». Or, aujourd’hui, la classe dominante française ne peut plus gouverner avec la même arrogance et assurance.
Aussi, le troisième tour social, plébiscité par le prolétariat, fera trembler sur ses bases le pouvoir macronien. Il précipitera dans l’arène de la lutte émancipatrice des millions de prolétaires, déterminés à jeter dans l’urne de l’Histoire le régime de la bourgeoisie française décadente et sa domesticité politicienne, y compris La France Insoumise de Mélenchon.
M. K.
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