Cet impact direct de la crise gazière entre Alger et Madrid sur toute l’Europe
Par Abdelkader S. – Un pays qui détient l’atout des énergies fossiles jumelées à des forces armées équipées et entraînées, prêtes à riposter à toute tentative d’agression extérieure, détient la puissance qui lui permet de négocier en position de force en cas de contentieux, comme celui qui a cours actuellement entre l’Algérie d’un côté et l’Espagne et le Maroc de l’autre. C’est en cela que l’Europe tout entière est impactée par la décision des autorités algériennes de fermer le robinet du pipeline qui transitait par le voisin de l’Ouest et menacé de faire de même si Madrid se hasardait à revendre du gaz algérien au régime de Rabat avec lequel le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez s’est découvert de subites affinités, malgré l’invasion de Ceuta et Melilla en mai 2021, lorsque quelque 10 000 Marocains ont envahi les deux enclaves à la nage, sur instigation des services secrets de Mohammed VI, avant d’être refoulés manu militari.
Près de six mois après la décision de l’Algérie de ne pas renouveler le contrat du Gazoduc Maghreb-Europe (GME) et quelques semaines après le rappel de son ambassadeur à Madrid suite à la soudaine culbute du président du gouvernement espagnol, l’Europe commence à ressentir l’onde de choc de la mauvaise stratégie adoptée par un de ses membres et des retombées néfastes de la politique belliqueuse du Maroc vis-à-vis de son voisin de l’Est. «Alors que l’Union européenne cherche à réduire sa dépendance au gaz russe, la présidente de la Commission européenne a de nouveau appuyé en faveur du projet MidCat, qui permettrait à Bruxelles de faire transiter les importations de GNL par l’Espagne, mais la crise diplomatique entre l’Algérie et le Maroc fragilise la relance de ce projet lancé en 2013 et abandonné en 2019», commente La Tribune.
Le journal français note, en effet, que ce point «vient fragiliser la reprise du projet destiné à faire entrer en France le gaz provenant d’Espagne». «Depuis octobre, l’Algérie, en conflit avec le Maroc au sujet de l’épineux dossier du Sahara Occidental, a cessé d’approvisionner son voisin via le gazoduc qui relie l’Espagne à l’Algérie. Or, la décision de l’Espagne de permettre au Maroc d’acheter du GNL sur les marchés internationaux, de se le faire livrer en Espagne où il sera regazéifié avant d’être acheminé au Maroc via le GME, a provoqué la colère de l’Algérie. Alger a menacé, fin avril, Madrid de rompre le contrat de fourniture de gaz qui lie les deux pays si Madrid venait à l’acheminer vers une destination tierce, une référence implicite au Maroc. Pour tenter de calmer son fournisseur, l’Espagne s’est voulu rassurante, affirmant qu’en aucun cas le gaz acquis par le Maroc ne sera d’origine algérienne», écrit La Tribune.
«Au-delà de la crise diplomatique à laquelle l’Espagne se retrouve mêlée, l’Europe devra aussi s’atteler au renforcement du réseau gazier intérieur français afin de pouvoir livrer aux autres pays de l’UE le gaz venu d’Espagne», constate le quotidien économique, qui estime que «tous les moyens sont bons pour tenter de réduire la dépendance européenne à l’énergie russe», en indiquant que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, «a relancé le débat autour du projet d’interconnexion gazière entre la France et l’Espagne» qu’elle a jugé «crucial» au regard de son «importance géopolitique».
Il n’y a pas de doute, l’Algérie est en position de force et la pertinence de ses décisions concernant le Maroc et le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez font qu’elle ne doit pas fléchir car si projet d’interconnexion il y aura en Europe, les pays européens ne sont pas du tout d’accord sur la contribution des uns et des autres à cette alternative, l’Espagne exigeant que «le coût des travaux ne soit pas supporté par les contribuables espagnols, étant donné qu’il s’agit d’un projet destiné aux consommateurs du reste de l’Europe», nous apprend La Tribune.
D’ici là, le gaz algérien continuera d’être une «arme quasi atomique» pour reprendre l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, qui a utilisé cette métaphore en évoquant l’accord de 1968 portant sur les droits préférentiels des immigrés algériens en France.
A. S.
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