Incidences sur l’Algérie de la stratégie chinoise de la Route de la soie (II)
Une contribution d’Abderrahmane Mebtoul – Le deuxième projet ayant des incidences géostratégiques sur l’Algérie est la Route de la soie initiée par la Chine, où autant pour le gazoduc Nigeria-Europe, dont le choix final sera décidé par l’Europe, principal client, soit le Maroc ou l’Algérie, le projet chinois de la Route de la soie auquel les deux pays ont adhéré, le premier en 2017, le second en 2018, vise à améliorer les liaisons commerciales entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique, passant par la construction de ports, de voies ferrées, d’aéroports et de parcs industriels. Ceci expliquerait, en partie, la relative neutralité marocaine dans le conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine. La même attitude de neutralité est adoptée par l’Algérie et réaffirmée récemment par la voix du chef d’état-major de l’ANP.
La majorité des échanges économiques de la Chine se fait avec l’Occident, Etats-Unis et Europe, à hauteur de plus de 60%, tandis que la Russie représente moins de 15%. On observe un changement dans les relations qu’entretient la Chine avec les pays du Maghreb et de l’Afrique. Si celles-ci étaient jusqu’à il y a environ deux décennies centrées sur une proximité idéologique, donc très peu de nature économique, le pragmatisme a pris le dessus et la balance s’inverse, accélérant les échanges commerciaux. Au carrefour de l’Europe et de l’Afrique, possédant une place stratégique au cœur de la Méditerranée, disposant de réserves en matières premières conséquentes, le Maghreb, composé de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie, de la Libye et de la Mauritanie, se situe ainsi aux croisements des intérêts stratégiques, économiques et politiques de demain.
Selon une étude de l’Ecole de guerre économique française, élaborée en 2020, deux possibilités pour la Route de la soie sont envisagées par la Chine : une première, en partance d’Alger, traversant Alger-Tamanrasset et finissant sa course à Lagos ; la seconde suivrait les côtes méditerranéennes jusqu’au port de Tanger, se servant du couloir mauritanien pour atteindre l’Afrique. Pour l’instant, la Chine n’a pas fait un choix définitif pour le passage. Vu que, dans le cadre des relations internationales il n’y a pas de sentiments, l’Algérie devra être attentive à cette nouvelle stratégie chinoise qui risque de modifier l’équilibre des rapports géostratégiques au niveau de la région. La Chine demeure le principal fournisseur de l’Algérie avec une moyenne annuelle, depuis 2013, de 8 milliards de dollars d’exportations vers l’Algérie, alors que ses importations depuis notre pays, constituées essentiellement d’hydrocarbures, se sont chiffrées à seulement 14,7 milliards de dollars. On note donc un déficit commercial de l’Algérie avec la Chine de plus de 61 milliards de dollars depuis 2010.
Force est de reconnaître que la dimension économique n’est pas en corrélation avec les relations excellentes sur le plan politique. Idem avec la Russie, allié stratégique, où les exportations algériennes n’ont pas dépassé 200 millions de dollars. L’Algérie et la Chine entretiennent des relations solides qui sont antérieures à l’indépendance, en 1962. La Chine a été l’un des premiers pays à reconnaître le Gouvernement provisoire de la République algérienne naissante qui partageait avec le régime communiste une culture révolutionnaire. Pékin a financé et armé, pendant des années, le FLN via l’Egypte de Nasser. Sur le plan international, la Chine et l’Algérie ont des positions complémentaires concernant le règlement des conflits régionaux et les enjeux internationaux.
A. M.
Demain : Les enjeux sécuritaires des cyberattaques et de la guerre de l’eau sur l’Algérie
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