Multiplication des maladies et dégradation de l’état hygiénique en Occident
Une contribution de Khider Mesloub – Au rythme de la dégradation des conditions de vie relevée en Grande-Bretagne, sixième économie mondiale, les Anglais finiront par socialement s’«algérianiser». Avec le recul alarmant des conditions de vie de pans entiers de population anglaise, à l’évidence la grande puissance économique anglaise rejoint doucement, mais sûrement, la petite nation algérienne en matière d’existence sociale marquée par le sous-développement. Sans conteste, l’Angleterre arrime son régime économique à celui de l’Algérie, reconnue mondialement pour son infrastructure productive industrielle désertique, son modèle social atrophique et son système de santé anémique. Cet alignement économique régressif, impulsé dans une conjoncture de crise systémique du capitalisme, pourrait être défini comme un nivellement social mondial par le bas.
C’est le développement dans le sous-développement. Le progrès dans la régression économique. La marche en avant politique vers la marche-arrière sociale. Le retour aux sources du capitalisme primitif, à l’époque préindustrielle, à l’âge archéologique du capital, l’âge préhistorique du monde bourgeois caractérisé par la dépossession totale du prolétariat réduit à l’esclavage salarié, sans statut professionnel ni couverture sociale, livré à la jungle capitaliste, voué à périr dans la force de l’âge à force d’exploitation et de paupérisation absolue, sur fond d’une longévité raccourcie et une physionomie rabougrie, autrement dit une vie abrégée et un corps ravagé par le paupérisme.
Selon les récentes informations, dans l’Angleterre du XXIe siècle, l’espérance de vie recule. En effet, dans une grande majorité de régions du Royaume-Uni, pour la première fois depuis un siècle, l’espérance de vie baisse. Elle baisse au rythme de l’augmentation vertigineuse de la pauvreté. Et la pauvreté progresse à la vitesse de la diminution des budgets sociaux. En Angleterre, pays où l’austérité a fait reculer l’espérance de vie et accéléré l’exclusion sociale, on désigne ce phénomène sous le nom de «shit life syndrom», littéralement «le syndrome d’une vie de merde» (syndrome connu depuis longtemps des Algériens pour qui, existence, à l’ère du libéralisme débridé et des libertés bridées, rime avec désespérance, problématique sociale devenue la thématique essentielle de nombreux chanteurs qui se font musicalement l’écho de la détresse psychologique algérienne).
A l’instar de nombreuses villes anglaises, Hartlepool, en proie à la chute de l’espérance de vie, est une ville très pauvre. La majorité des entreprises de cette ville sont mortes en pleine maturité et puissance économique, trépassées en vertu des douces et généreuses lois du capitalisme sénile. En effet, les chantiers navals, les mines, les usines chimiques, les aciéries de Hartlepool sont décédées de leur belle mort capitaliste. Toutes ces entreprises ont fermé depuis bien longtemps le couvercle du cercueil sur leur existence productive prématurément abrégée, économiquement saccagée par l’impitoyable faucheuse capitaliste, cette entité belliqueuse de destruction massive.
Aujourd’hui, à la mort des entreprises en pleine santé économique vient s’ajouter le décès des habitants emportés en pleine jeunesse. Effectivement, depuis quelques années, un nouveau phénomène est venu se greffer sur le corps social meurtri des Anglais : les gens meurent plus jeunes. Pour la première fois depuis un siècle, au Royaume de la première puissance économique de l’histoire du capitalisme, l’espérance de vie diminue.
Si dans quelques grandes villes prestigieuses du Royaume-Uni l’espérance de vie se maintient timidement encore, la tendance s’est inversée dans des dizaines de régions paupérisées. «Dans le quartier, si vous atteignez 60 ans, c’est déjà pas mal», déclarait un dirigeant d’une association caritative installée dans l’un des quartiers les plus pauvres de Hartlepool. Selon les données démographiques, les habitants de certaines communautés du nord de l’Angleterre ont une espérance de vie inférieure à 27 ans par rapport aux résidents de Londres et des comtés bourgeois limitrophes. Ces écarts de longévité reflètent les écarts de revenus, donc de niveau de vie. L’austérité économique et le manque d’investissement dans le système de santé sont responsables de cette dégradation des conditions de vie des classes populaires, donc de la chute de leur longévité.
«Ici, pendant les vacances scolaires, beaucoup d’enfants qui bénéficient de repas à la cantine gratuits ne sont pas vraiment nourris le midi. Souvent, leur seul vrai repas est un take-away le soir venant du kebab du coin», ajoutait le dirigeant de l’association caritative. La malnutrition mène souvent à l’obésité, ouvrant un cycle vicieux de problèmes de santé. Faute de pouvoir s’offrir une nourriture saine car trop onéreuse, la majorité des Anglais pauvres s’alimentent avec des produits de mauvaise qualité, responsable de leurs problèmes de santé. On voit ces problèmes de santé se traduire dans les statistiques. Les causes directes de la baisse de l’espérance de vie sont les cancers, les maladies cardiovasculaires et respiratoires (ces «pathologies covidales» structurelles engendrées par le capitalisme mortifère, pour lesquelles aucun plan ORSEC n’a jamais été déclenché pour les enrayer comme ce fut le cas avec le banal virus grippal – Covid-19 – politiquement instrumentalisé par les gouvernants).
Mais derrière cela se trouve le mode de vie : l’alcool, la cigarette, l’obésité. L’espérance de vie saine (sans maladie chronique) n’est que de 55 ans pour les femmes, à peine plus chez les hommes. Autrement dit, autant que dans les pays du tiers-monde. C’est la tiers-mondialisation du Royaume-Uni.
A l’image de beaucoup de villes européennes frappées de plein fouet par la crise économique et la baisse de l’espérance de vie, Hartlepool héberge un nombre élevé de personnes affligées de multiples handicaps. «Regardez au centre-ville, on voit partout des fauteuils roulants, des gens avec des béquilles, des handicapés mentaux», indiquait un responsable de la mairie de Hartlepool. Au pays de l’anachronique monarchie où règne l’anarchie capitaliste chronique, les gens sont de plus en plus désocialisés, défilialisés, médicalisés, psychiatrisés, «cimetierisés» (étant devenus des cadavres ambulants, des spectres hideux, menant une vie d’outre-tombe).
Et le directeur de la santé publique de la mairie de Hartlepool, une ville du nord-est de l’Angleterre, de préciser : «C’est vrai : ces gens sont malades parce qu’ils ont une vie de merde, qui va en empirant. Ils n’ont pas d’emploi, pas d’espoir et trouvent consolation en allant boire des bières, fumer des cigarettes, et ils s’abîment la santé.»
De manière générale, la chute de l’espérance de vie s’explique par la conjonction de la pauvreté, du problème d’accès aux soins, du mode de vie, des logements insalubres, etc. A la faveur de la pandémie de Covid-19, la baisse de l’espérance de vie s’est encore accentuée. Au demeurant, avec la crise sanitaire et économique, les coupes budgétaires se sont traduites par la fermeture de certains services d’urgence des hôpitaux. Résultat : la liste d’attente pour voir un médecin s’est considérablement allongée ; l’attente peut atteindre des semaines, voire des mois. De même, les budgets des villes ont considérablement baissé ces dernières années. Résultat : les aides sociales ont été amputées.
Conséquences directes de la baisse drastique des budgets sociaux : la multiplication des maladies et la dégradation de l’état hygiénique.
Partout, le visage profondément ridé et les dents abîmées illustrent cette vie difficile des Anglais. Phénomène, aujourd’hui, très répandu en Europe démocratique et moderne où des millions de personnes survivent par le recours aux banques alimentaires, où le nombre de travailleurs pauvres ne cesse de croître. Par ailleurs, la population la plus touchée et la plus fragile est celle des personnes âgées qui ne peuvent souvent pas se payer une alimentation correcte, du fait de la flambée des prix, de la diminution de leurs pensions. Alcoolisme, consommation compulsive de psychotropes, suicides causés par l’isolement social et la marginalisation économique : les seniors décèdent de plus en plus prématurément en Europe. Et ce phénomène de paupérisation va continuer en s’amplifiant. Tout comme son corollaire : la baisse de l’espérance de vie.
Outre Atlantique, aux Etats-Unis, première puissance mondiale, on observe le même phénomène d’érosion de l’espérance de vie. Selon les informations, dans certaines régions de l’Amérique, l’espérance de vie est plus basse qu’au Bangladesh et au Vietnam. Aux Etats-Unis, pays le plus riche du monde, avec les plus hauts revenus par habitant, une part importante de la population vit dans des conditions sociales déplorables, au point d’entraîner une baisse importante de son espérance de vie. La première puissance économique mondiale détient le record de la pauvreté. Près de 45 millions de personnes sont considérées comme « pauvres». D’après les sources officielles internationales, parmi les 40 pays de l’OCDE, les Etats-Unis arrivent en quatrième position pour le taux de pauvreté avec 18% des Américains dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté.
En outre, en Occident, en particulier aux Etats-Unis et en Europe, on assiste à l’augmentation des mères célibataires. A l’expansion vertigineuse de la consommation de la drogue. «La drogue est vraiment difficile à éviter dans le quartier. A tous les coins de rue, on voit des dealers. Skunk, une forme dure de marijuana, héroïne, cocaïne, tranquillisants, toute la pharmacopée est disponible. Avant, il y avait trois ou quatre groupes de soutien pour les problèmes de drogue. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un seul», indiquait un responsable associatif.
Ainsi, depuis quelques années, dans un monde marqué par l’accélération du temps et l’obsolescence programmée, on vieillit beaucoup plus vite en Occident affligé de sénescence. On meurt trop jeune en Occident gangrené par la détresse psychologique. Comme si la vie, outrée par la déliquescence morale des habitants de la terre et scandalisée par la pénurie d’humanité au sein de ce monde mercantile et consumériste, était pressée de s’en aller de cet enfer terrestre capitaliste pour trouver un meilleur refuge au Ciel parmi les anciens trépassés, auprès desquels elle est assurée de s’approvisionner en vitalité et en bonté, de côtoyer des hommes et des femmes authentiquement humains, nobles et vertueux, dotés d’une longévité morale éternelle, d’une sociabilité immortelle, d’une sensibilité impérissable.
K. M.
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