Le Libyen Jalloud révèle : «Hassan II m’a dit que le Sahara n’est pas marocain !»
Par Kamel M. – Voilà un livre qui va mettre le Makhzen sens dessus dessous. L’ancien numéro deux et homme fort de la Jamahiriya vient de publier ses mémoires intitulés Al-Malhama (l’épopée), dans lesquels il revient sur un certain nombre d’affaires secrètes auxquelles il était directement mêlé en tant que bras droit de Mouammar Kadhafi dont il se détachera en 1992, suite à un désaccord profond sur la gouvernance unilatérale que l’ancien «Guide de la révolution» a voulu adopter en se maintenant au pouvoir ad vitam aeternam.
Abdessalam Jalloud a évoqué, dans un entretien accordé à France 24, une série de rencontres qu’il a eues avec l’ancien roi du Maroc Hassan II et le dictateur espagnol Francisco Franco au sujet du Sahara Occidental. «Lorsque nous avons déclaré la création du Front Polisario, en 1972, le président Boumediene était présent à la cérémonie. Il était surpris et nous a lancé un sourire narquois car il n’y croyait pas trop», raconte le commandant Jalloud. «Après cela, je me suis rendu chez le roi Hassan II et lui ai dit que nous venions de créer le Front Polisario et que nous sollicitions son appui pour militer pour la libération du Sahara. Il m’a répondu en m’affirmant qu’il avait déjà assez de bombes à désamorcer comme ça et que, de toute façon, le Sahara n’est pas marocain», a-t-il révélé.
«En 1973, j’ai rencontré Franco en Espagne. La rencontre a duré six heures. Je lui ai dit qu’il était une personnalité importante et qu’il lui fallait déminer au maximum pour ne pas laisser des bombes politiques à son peuple, au premier rang desquelles le problème sahraoui. Il m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit que le Sahara n’était pas un manteau qu’on porte quand cela nous chante et qu’on retire quand bon nous semble», a ajouté l’ancien dirigeant libyen. «Laissez-moi le temps de préparer l’opinion publique espagnole pour accepter cette décision», a poursuivi Franco, toujours selon Jalloud.
Sur un autre plan, l’ancien homme fort du régime libyen raconte sa rencontre furtive avec un officier du renseignement américain. «Alors que je me trouvais au bord d’une piscine dans un hôtel, un colonel de la CIA m’a abordé, a décliné son identité et sa fonction et m’a expliqué que l’agence américaine pour laquelle il travaillait voulait m’aider à renverser Kadhafi, je lui ai répondu sèchement que j’étais un dirigeant politique et que je ne traitais pas avec la CIA», a-t-il dit, en expliquant son soutien à l’intervention de l’OTAN dans son pays en 2011 par le fait que la situation en Libye avait atteint un point de non-retour et que le statu quo était devenu intenable. Il fallait que les choses changent, selon lui, d’autant que son ancien compagnon de lutte comptait faire hériter le pouvoir à ses fils.
Sur la Syrie, Abdessalam Jalloud parle de 200 millions de dollars payés cash par le régime libyen au frère de Hafez Al-Assad qui préparait un coup d’Etat quand ce dernier avait eu des problèmes de santé. «Le président syrien, à qui j’avais rendu visite à l’hôpital, souffrait à la fois de sa maladie et de l’attitude de son frère Rifaat. Nos chars et les siens se font face, nous avons retiré trois divisions du Golan pour l’affronter, je sais qu’il ne réussira pas mais la Syrie sera détruite, la Libye est le seul pays qui peut sauvegarder l’intégrité et la stabilité de notre pays», a affirmé l’ancien dirigeant libyen, en expliquant qu’il a fait part à Rifaat Al-Assad de la position libyenne et que ce dernier a demandé 200 millions de dollars pour pouvoir quitter le pays avec les quarante-huit membres de sa famille. Il obtiendra cette somme et s’envolera pour l’ex-URSS avant de se rendre dans un pays occidental, a encore indiqué Jalloud, dont le livre, assure-t-il, contient de nombreuses informations jusque-là inconnues du grand public.
K. M.
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