Quand une faute de grammaire n’accorde plus aucun gramme de chrétienté
Une contribution de Khider Mesloub – Elle pèse lourd cette erreur de formulation en matière des pronoms personnels. Notamment sur la conscience du prêtre américain, auteur d’une traîtrise lexicale liturgique, qui lui a valu sa prêtrise. Pour avoir employé, pendant des années, le mauvais pronom, en l’espèce le «nous» en lieu et place du «je», consacré par l’institution catholique, lors de ses séances de baptêmes, un prêtre a dû présenter sa démission. Résultat des courses de ce péché véniel grammatical : des milliers de baptêmes ont été invalidés. Comme le définit le catéchisme de l’Eglise catholique : «On commet un péché véniel quand on n’observe pas dans une matière légère la mesure prescrite par la loi morale, ou bien quand on désobéit à la loi morale en matière grave, mais sans pleine connaissance ou sans entier consentement.»
Avec ce péché lexical, on est loin de la désobéissance à la loi religieuse, de l’entorse morale. Pourtant, cette vénielle faute pronominale a ébranlé la communauté catholique de la paroisse du Phoenix. Communauté désormais débaptisée, privée de sa qualité de chrétienne par le lapsus linguae commis par son prêtre.
«Nous vous baptisons au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.»
C’est par cette formule liturgique que le prêtre catholique américain Andres Arango avait baptisé, pendant vingt ans, des milliers de fidèles dans sa paroisse. Or, la formulation est erronée. Selon les canons catholiques, toujours chargés d’obus excommunicateurs contre tout abus de langage et contre tout manquement aux règles grammaticales élémentaires liturgiques, le père Arango aurait dû énoncer «je vous baptise» au lieu d’utiliser le pronom «nous vous baptisons».
En amour, le «je» est un pronom possessif. Est-ce pour éviter l’expression d’un amour possessif et intrusif inapproprié à l’égard de ses ouailles que le prêtre préférait employer le «nous», plus conforme à l’esprit communautaire, et plus adapté au jeu des interactions sociales égalitaires dénuées de narcissisme ? Toujours est-il que pour cet écart de langage, le prêtre aura été écarté de sa paroisse. Quelle poisse ! Depuis, il angoisse.
«Cela m’attriste d’apprendre que j’ai effectué des baptêmes invalides tout au long de ma carrière de prêtre en utilisant régulièrement une formule incorrecte», a déclaré le prêtre Andres Arango dans un message public. «Je regrette profondément mon erreur et comment cela a affecté de nombreuses personnes dans votre paroisse et ailleurs.» En attendant, pour sa rédemption, le prêtre s’est engagé à aider les milliers de personnes qui ont été victimes de ses baptêmes jugés erronés.
Quant à l’évêque du diocèse de Phoenix, Thomas Olmsted, il a déclaré dans un communiqué adressé aux paroissiens que «le problème avec l’utilisation de nous est que ce n’est pas la communauté qui baptise une personne, c’est plutôt le Christ, et lui seul, qui préside à tous les sacrements, et c’est donc le Christ Jésus qui baptise».
Selon la règle épiscopale catholique, le baptême, rite par lequel le nouveau baptisé intègre la communauté de l’Eglise, constitue le premier sacrement. Or, du fait de l’invalidation des baptêmes organisés par le prêtre Andres Arango, l’ensemble des sacrements devront également être réalisés à nouveau.
Afin de venir en aide aux personnes «victimes» de cette mauvaise formulation, le diocèse a mis en place un site internet pour faire part des différentes interrogations des fidèles et prendre rendez-vous pour un nouveau baptême.
En attendant, les catholiques débaptisés sont dans un statut funambulesque. Suspendus sur un fil de chrétienté invisible aux yeux de leur communauté comme du regard profane peu rompu à la grammaire épiscopale, ils sont menacés de chute spirituelle. Et la chute spirituelle, pour tout croyant, est plus traumatisante que la chute corporelle.
Car, dans les traditions chrétiennes et certaines autres religions, un «ange» déchu est un ange exilé ou banni du Paradis.
K. M.
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