Les conséquences directes sur l’Algérie dans le cas où elle adhérerait aux BRICS
Une contribution d’Ali Akika – L’intérêt d’un pays à adhérer à une organisation régionale est une décision avant tout politique car elle peut attirer des inimitiés, sinon de l’hostilité de la part de puissances qui perdent un marché ou un vote à l’ONU par exemple. Une telle décision doit nécessairement entraîner des conséquences économiques bénéfiques pour l’adhérent et pour les pays qui l’accueillent. Tout un chacun, sans qu’il soit un spécialiste de la géopolitique, peut voir clairement que les BRICS (1) sont à la fois des puissances politiques et économiques. Chaque adhérent vient donc avec son plus beau cadeau à mettre dans le panier du mariage. Comme on a affaire à de grandes puissances où le politique et l’économique sont intimement liés, les pays n’obéissent pas aux règles mesquines de la comptabilité mais à la plus haute stratégie. On tient compte de la faiblesse passagère de chacun et de son présent lus et analysés avec des lunettes du futur.
L’étude et les projections du futur mettent en exergue les potentialités économiques, militaires, géopolitiques et géostratégiques des membres de l’association. Tous les membres des BRICS remplissent une ou plusieurs cases de ces atouts. Ainsi, les BRICS, organisation à caractère philosophico-politique (mettre fin au rapport maître/esclave dans les relations internationales) a travaillé le champ économique qui, ô paradoxe, a attiré au début les grandes banques internationales qui ont senti l’odeur de l’argent comme le loup affamé est attiré par l’odeur de la chair fraîche. D’ores et déjà, les BRICS recouvrent la moitié de la population mondiale, sont situés dans quatre continents et sur le plan économique occupent une place non négligeable. Quant aux matières premières, la Russie et le Brésil ont des atouts à mettre sur la table, notamment à l’égard de l’Europe grande puissance économique. Les BRICS, pour arriver à de pareils résultats, ont travaillé dur.
La politique mise en place pour assurer la réussite des BRICS
Si les banques internationales ont investi dans les économies des BRICS, c’est qu’il y avait des profits à amasser, donc une économie qui produit de la richesse et pour produire de la richesse, il faut réparer, améliorer l’appareil de production du pays pour avoir des marchandises à exporter, selon les normes et les goûts des clients et de leurs dollars. Car avant de se passer du dollar comme le font certains pays actuellement, il faut avoir une monnaie pas loin de la puissance du dollar. A l’heure actuelle, seule la Chine possède le yuan, devise internationale, suivie de la Russie grâce ou à cause de l’erreur des «sanctionneurs» qui ont cru que le papier dollar que leur pot de fer «vaincra» le pot de terre du pétrole-gaz. Ils ont oublié une chose capitale en économie, c’est la richesse matérielle qui crée l’argent et ont oublié aussi que la Russie a le blé pour se nourrir, le pétrole/gaz pour faire cuire ses repas et faire tourner ses usines et se chauffer l’hiver. Quand on ajoute à ces atouts sa puissance militaire, on comprend l’erreur de l’Occident d’avoir cru à son isolement diplomatique.
La bataille en cours pour faire des BRICS le rival redouté du G7
On sait que la Russie a été exclue du G7 constitué uniquement de puissances américano-européennes + le Japon. L’exclure du G20, ce fut l’échec car les BRICS et les Non-Alignés étaient présents pour tenir la dragée haute aux «protecteurs» de l’Ukraine. La bataille pour faire des BRICS un acteur dont on ne peut se passer de son accord sur les affaires du monde marque des points mais elle est loin d’être finie et gagnée. Cela dépend de la nature de l’issue de la guerre en Ukraine qui va engendrer des conséquences sur le cours des batailles qui restent à mener. Créer une devise internationale qui rivalise d’égale à égale avec le dollar, sans reproduire les calamités du dollar, est une tâche titanesque mais pas impossible. On pense à un panier de devises des économies solides sans l’hégémonie politique «narcissique» d’un pays, d’une part.
D’autre part, imaginer une solidarité avec les pays plus fragiles en cas de décision douloureuse exigée par une variable inconnue due à la guerre ou à une catastrophe de la Nature. En clair, une sorte d’euro sans les «maladies» infantiles de cette Europe qui se déchire actuellement et dont chaque pays veut se chauffer l’hiver sans se soucier du voisin enclavé ou qui n’a pas de solides amitiés avec quelque cheikh du pétrole. Ainsi, à côté de ces problèmes économiques et financiers assez ardus, il ne faut pas oublier les bouleversements géostratégiques que l’on ne peut contourner car il est parfois plus facile de contourner le dollar que les murailles de la politique internationale. On pense à la géopolitique, à ces routes stratégiques de la Nature ou de la main de l’homme, comme un canal, un gazoduc sous-marins un tuyau d’Internet, etc. Toutes ces contraintes devenues des casse-têtes quand on voit l’énergie dépensée pour faire sortir un bateau de blé du port d’Odessa. Quand on voit la «chance» de la Turquie qui bénéficie d’un rôle démesuré en possédant un petit détroit reliant en deux mers.
Et l’intérêt de l’Algérie à adhérer aux BRICS ?
Son intérêt est à rechercher du côté de son histoire et dans les visions du monde qui structurent et encadrent les relations internationales. C’est donc simplement l’aspiration comme tous les peuples d’être vaccinés contre la domination et son cortège d’humiliation. Il y a ensuite la volonté de protéger sa souveraineté politique pour ne pas céder ou être embarquée dans aventures politiques à l’extérieur que l’on finit par payer tôt ou tard (2). Il se trouve donc que l’Algérie entretient depuis la Guerre de libération des liens amicaux qui sont alimentés qui, plus est, par des relations économiques et militaires indispensables par les temps qui courent. Mais aussi par d’autres considérations et autres contraintes que les pays des BRICS n’utilisent pas comme arme de pression politique, contrairement à ces pays qui ont intérêt à vous maintenir dans une relation de dépendance. Et on le sait, la dépendance crée des obligations, pour ne pas dire fait courber l’échine.
Tous les facteurs énoncés ici sont importants et jouent un rôle dans la construction d’une économie qui protège la souveraineté d’un pays. Il est un imprévu, ou bien une circonstance qui prend de court un pays mais qui ne le désarme pas. Ledit pays saute sur cette occasion pour fouetter l’énergie d’un peuple furieux contre l’auteur de cette atteinte à sa souveraineté. Cet imprévu ou cette circonstance a pour nom embargo, sanctions qui renferment une forme de hogra (déni de droit), une sorte de lâcheté car on donne des coups en étant armé et harnaché alors que la victime est enchaînée. On l’utilise contre Cuba et autres petits pays mais contre la Russie ou l’Iran, c‘est une autre paire de manches. Ces pays rendent coup pour coup mais en ont profité pour fortifier leurs économies.
La Russie sous embargo agricole en 2014 a révolutionné son agriculture et est devenue première exportatrice de blé. L’Iran a réussi à vendre son pétrole et à développer son industrie militaire qui interdit à la première puissance du monde de pointer son nez dans les eaux territoriales iraniennes. Et pourquoi l’Algérie ne sauterait-elle pas sur l’occasion pour mettre en route la machine d’un développement qui ne produit pas un trou dans la raquette pour ensuite désigner le même et éternel coupable. Pour les uns, on paie la colère de Dieu ; pour d’autres, c’est la faute à la loi de l’offre et de la demande, l’économie vue du bout de la lorgnette.
Je fais ce petit glissement en direction des problèmes des pesanteurs sociales et des archaïsmes culturels. Il n’y a pas d’économie qui n’obéit pas à la politique. Cela pour dire que le pays ne manque pas de richesses dans le sol et le sous-sol, ne manque pas de bras, ni de cerveaux quand ils ne s’exilent pas. Ce qui freine ici comme ailleurs, hier comme aujourd’hui, c’est de l’huile dans les rouages entre les moyens techniques de production et les rapports sociaux dans la société. C’est-à-dire la nature des lois votées par une Assemblée pleinement représentant la souveraine du peuple, la culture épanouie et largement diffusée, bref une architecture sociale et culturelle qui donne du sens à une vie où la femme, l’homme profitent des fruits de leur travail qui nourrissent l’imaginaire.
Un mot pour conclure, avec les futurs bouleversements de la guerre de l’Ukraine qui a fait sortir le monde de sa torpeur et révéler l’importance des problèmes économiques, géopolitiques et géostratégiques, il me semble que le pays doit faire bonne figure pour être accepté dans les BRICS. Faire bonne figure signifie simplement faire le plein de connaissances pour éviter que des charlatans polluent l’air que nous respirons. Comme dit le philosophe (Montaigne) mieux vaut une tête bien faite que bien pleine.
A. A.
1- Pays adhérents des BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.
2- Je pense à ces «stratèges» qui nous expliquaient les bénéfices en termes de bonne image et de sagesse diplomatique que retiraient le pays en envoyant l’armée ramener la paix dans des pays pour le compte d’intérêts qui sont étrangers à ceux du pays.
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