Bidonvilles en ville : des cités hideuses par les extensions illicites greffées aux immeubles
Une contribution d’Amar Djerrad – Une construction illicite est définie comme une construction qui n’est pas conforme aux règles d’urbanisme. Elle est illégale parce que soit construite sans permis, soit qu’elle n’ait pas respecté les prescriptions du permis. Dans ces cas, des actions contentieuses peuvent être menées. Les bidonvilles érigés sur des terrains publics et les constructions ajoutées par des particuliers sans permis entrent dans cette catégorie.
Ce qui est insolite en Algérie – dans notre cas particulier à Sétif –, c’est que ce genre de construction atteignent les cités sans que les autorités locales interviennent pour y mettre fin, bien informées pourtant de la situation, puisque cela dure depuis des années. La presse en fait état constamment du danger, mais à qui s’adresse-t-elle ? Malgré les lois réprimant ce genre de pratique, les citoyens, conscients ou inconscients, continuent à maçonner comme ils l’entendent sans inquiétude.
Une véritable catastrophe urbanistique qui défie la logique, la raison, l’architecture, l’environnement et… l’Etat. Ils cherchent un logement pendant des années, mais dès qu’ils l’obtiennent, ils s’arrogent le droit de mettre en pratique leurs idées saugrenues, jusqu’à accaparer les aires collectives, les concavités d’immeubles pour greffer des «excroissances» (surtout les appartements des rez-de-chaussée), anéantissant tous les efforts des spécialistes (architectes, urbanistes et aménagistes, etc.)
Qui pour aménager une cour, un «jardin», un débarras, qui pour bâtir un garage, qui pour «agrandir» son local, etc., rendant les immeubles hideux. C’est bien les bidonvilles «éradiqués» ailleurs qui sont reproduits en pleine cité à l’intérieur des villes. En effet, de véritables bidonvilles transplantés en pleine ville avec tous les désagréments imaginables que cela cause à l’environnement et aux habitants. Chacun tente de s’approprier «une parcelle», étant assuré que son voisin qui l’a déjà fait quelques mois ou années auparavant n’a jamais été inquiété. Il a été constaté que même les nouveaux immeubles n’ont pas été épargnés par ces dégradations.
Même l’intérieur des logements fait toujours l’objet de transformation continue ; qui pour transformer le balcon en cuisine et la cuisine large en chambre ; qui pour détruire une partie du mur porteur et «agrandir» le salon ; qui pour ouvrir une fenêtre en trouant une structure ; qui pour transformer en «appartement» le local prévu pour le commerce, etc. Certains poussent la sottise, voire l’affront, plus loin se permettant des choses graves pour la santé publique : installer des basses-cours avec des poules et des coqs, d’autres élèvent des chiens qui aboient toute la nuit. C’est la pagaille.
Nous avons dénoncé ce fléau régulièrement depuis au moins une dizaine d’années. Les autorités locales sont au courant, malheureusement rien n’y fait, cela continue en s’aggravant faute de prise en charge sérieuse du problème. Un fléau grave jusque-là négligé par les services concernés pour des raisons incompréhensibles. Les lois, les instructions, les directives, etc., existent mais qui attend qui et quoi pour les appliquer ? Que l’ordre vienne du ministre ou même du président de la République ?
Les mentalités du «statu quo», hostiles aux changements, entravent toute action politique novatrice. La cause principale reste la persistance de la bureaucratie, de la routine et de la médiocrité.
L’incompétence avec sa corolaire la bureaucratie peuvent neutraliser toute bonne volonté, en rendant inopérantes toutes les actions et initiatives aussi «intelligentes» qu’elles soient ! Un fonctionnaire local peut faire échouer tout le processus en s’abstenant simplement d’appliquer à son niveau les textes. On ne comprend pas que des responsables, des administratifs, dont c’est la mission, qui se prélassent dans le confort de leurs bureaux, négligent ce désastre urbanistique. Incompétence ? Paresse ? Manque de volonté ? Défaitisme ? Si on accepte une responsabilité, on doit l’assumer, sinon on se retire ! Attendent-ils le couperet ?
«L’autorité doit aller de pair avec la responsabilité», dit-on. Si cette dernière est défaillante, l’autorité devient fragile et le désordre s’installe ! Pourquoi attendre que les choses s’aggravent et s’embrouillent pour arriver à des interventions douloureuses et coûteuses alors qu’il suffit d’appliquer la réglementation de manière constante et stricte.
A un citoyen à qui l’on a fait remarquer que ce qu’il fait est interdit et illégal, nous avons entendu cette arrogante réplique regrettable «n’har twa’liw dawla» (le jour où vous deviendrez un Etat).
Les autorités locales doivent reprendre les choses en main, au plus vite, en commençant par obliger ces inconscients de détruire ce qu’ils ont illégalement construit tout en sanctionnant sévèrement tout récalcitrant.
Ce qui est sûr, c’est que lorsque l’autorité de l’Etat se manifeste de façon intransigeante et permanente, rares sont ceux qui osent ces graves écarts.
A. D.
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