L’Union européenne veut faire pression sur Alger pour obtenir du gaz à bas prix
Par Abdelkader S. – L’Europe appréhende un hiver rude. Les discours se voulant rassurants des dirigeants européens cachent mal les difficultés auxquelles ces derniers devront faire face pour éviter à leurs citoyens de devoir choisir entre chauffage et nourriture au regard de la flambée des prix de l’énergie. C’est donc tout naturellement que l’Union européenne se tourne vers le fournisseur le plus proche pour tenter de le convaincre de voler à son secours. C’est pour cette raison que la commissaire européenne à l’Energie se rendra en Algérie le 10 octobre prochain pour «demander du gaz bon marché», croit savoir El-Economista.
«La visite s’inscrit dans le cadre des contacts politiques pour lancer la centrale d’achat», explique le journal économique espagnol, qui précise que le déplacement de Kadri Simson vise à «évaluer la situation de l’approvisionnement en gaz de l’Europe après s’être rendue en Egypte ainsi qu’en Azerbaïdjan». «La visite a lieu au milieu du processus de négociation que Naturgy maintient sur les prix que l’Espagne devra payer pour le gaz algérien et après que l’entrée du gaz de l’Algérie vers l’Italie a été renforcée», souligne El-Economista, selon lequel «l’intention de Simson est de faire pression sur le gouvernement algérien sur la possibilité d’obtenir de meilleurs prix pour l’achat de gaz naturel grâce à la plate-forme d’achat conjointe que la Commission européenne lance».
Dans une récente rencontre avec la presse algérienne, le nouvel ambassadeur de la Fédération de Russie à Alger avait expliqué que son pays comprenait la position de l’Algérie et que la fourniture de quantités supplémentaires de gaz à l’Europe ne dérangeait pas Moscou dont les partenaires sont «libres» de profiter de la situation actuelle induite par la guerre en Ukraine, les prix du gaz ayant connu une envolée jamais égalée. Cependant, rappellent des sources proches du dossier, «la plus belle femme ne peut donner que ce qu’elle a, comme dit l’adage». Comprendre que les capacités de production de cette énergie fossile par l’Algérie sont limitées et aucun pays ne pourra pallier la réduction drastique, voire l’arrêt des approvisionnements via Nord Stream, le système de deux gazoducs reliant la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique. Cela, les responsables russes ne le savent que trop bien.
Les pays européens, qui se sont engagés dans une guerre qui n’est pas la leur – des manifestations ont eu lieu en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, en Tchéquie et ailleurs pour demander un changement radical dans la politique russe de l’Union européenne –, cherchent des alternatives au gaz russe, en réactivant les centrales nucléaires, en recourant à nouveau au charbon et en procédant à des interconnexions pour échanger l’électricité et le gaz entre Etats membres de l’UE. «Du rafistolage», craignent des experts qui font un parallèle entre la pandémie du Covid-19 et la crise du froid, les responsables politiques adoptant le même modus operandi en matière de communication. «Comme durant la crise sanitaire mondiale, ils ont commencé par rassurer leurs populations puis ont fini par leur imposer les restrictions les plus compliquées au point que la société s’est fragmentée entre soutiens et opposants aux mesures gouvernementales, contraignantes et liberticides», estiment-ils, en prédisant le même processus s’agissant de la grave crise énergétique dont les graves conséquences se profilent à l’horizon à l’approche de la saison hivernale.
L’attitude de l’Algérie, prompte et ferme, envers le Maroc auquel elle a fermé les vannes du Gazoduc Maghreb-Europe (GME) et l’Espagne qui a vu le Traité d’amitié suspendu de façon unilatérale immédiatement après le revirement soudain du gouvernement espagnol dans le dossier sahraoui, démontre que celle-ci n’acceptera aucune pression et qu’elle agira en fonction de ses intérêts propres. Aussi la commissaire européenne à l’Energie risque-t-elle de connaître la même mauvaise fortune que le président français, Emmanuel Macron, reparti à Paris bredouille après une visite surmédiatisée.
Dans l’intervalle, le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, et son ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, se relaient pour faire part de leur désir de se rendre à Alger et d’aplanir le différend né d’une décision hasardeuse de Madrid. Cependant, à en croire des sources informées, ce n’est pas demain la veille que les relations perturbées entre les deux pays redeviendront normales.
A. S.
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