Liber ou la liberté de lire face à une sournoise aliénation
Une contribution de Kaddour Naïmi – En latin, «liber» a la double signification de «livre» et de «liberté». On comprend, alors, pourquoi Baldur von Schirach, chef des jeunesses hitlériennes, reprit à son compte l’expression d’un personnage d’une pièce de théâtre : «Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver !» (1). Ainsi, le parti nazi organisa les bûchers de livres et emprisonna les intellectuels libres dans des camps de concentration. Auparavant, d’autres agirent de la même manière : les premiers chrétiens brûlèrent tous les livres de la Grèce antique qui contrariaient leur foi ; le premier empereur chinois, non seulement brûla les livres mais fit ensevelir vivants leurs auteurs. C’est dire combien «livre» et «liberté» se supposent l’un l’autre. Bien entendu, il s’agit des livres qui permettent d’acquérir ou d’améliorer les principes de liberté, d’égalité et de solidarité, éléments dialectiquement unis.
Actuellement, l’humanité est entrée dans la phase la plus dangereuse : non pas brûler les livres et tuer leurs auteurs, mais empêcher les citoyens de lire, au moyen d’une méthode «soft», très sournoise : les occuper avec leurs télévisions et, surtout, avec leurs téléphones portables et les réseaux «sociaux» dont les propriétaires engrangent des profits financiers faramineux à travers la publicité.
Bien des années avant l’apparition des plates-formes de réseaux sociaux, Zbigniew Brzezinski, idéologue de l’oligarchie états-unienne mondialiste, proposa la recette qu’il appela «Tittytainment». En anglais, «titty» signifie «sucer» (le lait du sein maternel) et «tainement» : entretenir, distraire. Donc, un mélange composé d’alimentation pour le corps et de divertissement pour le cerveau. Le but est évident : empêcher l’existence de citoyens conscients et responsables afin de disposer d’un troupeau aisément manipulable, au profit de l’oligarchie mondialiste dominante.
Venons-en à l’Algérie. Ce «tainement» fonctionne non seulement avec les citoyens les plus ordinaires mais même avec ceux qui ont une certaine culture. Ajoutons à cela l’insuffisance d’activités de qualité dans les maisons de la culture, le manque de librairies, de réseaux de distributions de livres, d’émissions littéraires de qualité, de production nationale de livres.
La production cinématographique, théâtrale, télévisuelle, musicale nécessite une nette amélioration. La patrie des moudjahidine manquerait-elle de citoyennes et citoyens éthiquement honnêtes et professionnellement compétents, au pays et dans la diaspora, pour contribuer au progrès culturel du peuple ?
Il serait injuste d’attribuer l’entière responsabilité de cette situation uniquement à l’absence de volonté politique. En effet, j’ai rencontré en Algérie trop de personnes qui, dans leur domaine d’activité, se croient culturellement préparées, parfois même à des postes de responsabilité, mais qui, en réalité, ignorent leurs regrettables carences ; pis encore, ces personnes méprisent ou haïssent celui qui, en toute délicatesse, essaie de les aider à prendre conscience de la nécessité d’améliorer leurs connaissances : «Quoi ?! s’exclament-elles, indignées. Tu crois m’enseigner quelque chose ?!» Le concept d’«al- ijtihâd al-kabîr» (le grand effort) gagnerait à être appliqué ; il enseigne que la connaissance est un processus qui ne s’arrête qu’avec le dernier soupir.
Voilà donc un chantier pour l’Algérie nouvelle. Il est d’une importance extrême, car un peuple cultivé sait mieux résoudre ses problèmes intérieurs et, donc, mieux se prémunir contre les agressions extérieures.
Dans la phase historique actuelle, ces dernières ne sont pas uniquement d’ordre militaire : le programme de «transhumanisation» du Forum de Davos, formulé publiquement par les idéologues de l’oligarchie mondialiste, considère nécessaire une «quatrième révolution» qui, à lire attentivement les textes officiels, est la réduction de l’humain à un robot totalement contrôlable, pour augmenter le profit des multinationales dont les propriétaires sont 1% de la population mondiale. Comme jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité, le national et le mondial se conditionnent l’un l’autre. La soi-disant «pandémie» sanitaire et la guerre en Ukraine le démontrent.
Au niveau national comme à celui mondial, l’époque est à la solidarité des forces qui défendent la dignité humaine. Durant toute l’histoire, les envahisseurs, pour justifier leur action, ont traité leurs victimes de «barbares». Il est temps de leur montrer que les barbares, ce sont eux ! Et cela se manifeste également par la culture.
K. N.
1- En réalité, la phrase exacte est : «Quand j’entends le mot culture, j’enlève le cran d’arrêt de mon Browning», dans la pièce intitulée Schlageter de Hanns Johst.
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