La menace nucléaire russe : un pas vers la Troisième Guerre mondiale ?
Une contribution de Khaled Boulaziz – «La guerre est la somme de tous les malheurs.» (Thomas J. Jackson, général sudiste, guerre civile américaine.) Le passage de la guerre conventionnelle au nucléaire, au cas où son armée subirait des pertes dans l’arène, fait partie de la doctrine militaire russe. Cette idée est basée sur le fait que la Russie possède le plus grand arsenal nucléaire du monde dont plus de 2 000 ogives atomiques de petites armes, dites tactiques.
Les Etats-Unis, en revanche, ont un plus petit nombre de bombes nucléaires (6 550 pour l’Amérique contre 6 850 pour la Russie), et leur arsenal d’armes atomiques de petite taille en Europe ne dépasse pas les 100, en raison des complications politiques et des protestations populaires contre le stockage de ces arsenaux dans les pays de l’OTAN.
Cependant, se fier uniquement aux chiffres pour déterminer la possibilité pour un belligérant à remporter une guerre nucléaire est une logique trompeuse. La décision d’y recourir est une violation d’un tabou militaire majeur qui conduirait certainement à une réaction parallèle et équivalente, et légitimera la transformation de la guerre de positions actuelle entre la Russie et l’Ukraine en un conflit global avec les pays de l’OTAN.
Le président russe, Vladimir Poutine, a déclaré dans son discours d’hier, dans lequel il a pratiquement averti d’utiliser des armes nucléaires, que sa menace est réelle, qu’il faut la prendre avec sérieux.
Les risques étaient déjà palpables pour une telle escalade, suite à l’exposition de la centrale nucléaire de Zaporijia en Ukraine il y a quelques jours aux bombardements des forces locales. Il a, par ailleurs, ajouté aussi dans un autre commentaire sur cette même question que les Russes auraient «leur place au paradis parce qu’ils seront des martyrs».
Ces actions et déclarations mettent le monde au bord d’un gouffre nucléaire et incitent à croire que Poutine peut franchir cette ligne interdite.
Les dernières menaces, ainsi que l’annonce de la mobilisation partielle de plus de 300 000 réservistes russes sont liées aux pertes subies récemment par l’armée russe en Ukraine.
La mobilisation générale vise à repousser la menace actuelle de l’avancée ukrainienne qui a remporté un succès symbolique dans le contrôle d’une petite zone de Lougansk, qui s’est déclarée une république indépendante.
Les armes nucléaires sont la prochaine carte que Moscou brandit au cas où Kiev avec l’aide évidemment de l’OTAN parviendrait en fait à infliger des défaites majeures à l’armée russe, même après l’entrée des réservistes.
Moscou s’est préparée à ce scénario en poussant les zones sous son contrôle à organiser des référendums urgents qui auront lieu dans les prochains jours au cours desquels leurs populations annonceront leurs demandes d’adhésion à la Russie.
Ainsi, la défense de ces zones deviendra une défense de la grande Russie elle-même et non de régions séparatistes qui lui sont fidèles. Conséquemment, les centaines de milliers de réservistes russes seront impliqués dans la défense de la terre russe et non pas dans une guerre étrangère.
Ces déclarations récentes ne sont pas liées à l’humeur suicidaire du président russe, mais plutôt à des calculs politiques clairs. Relever le plafond de la confrontation du traditionnel au nucléaire et déclarer une mobilisation partielle couvrira l’incident des pertes sur le terrain et donnera au président de la Russie la forme qui lui convient : l’apparition d’un attaquant capable de changer les règles du jeu dont les faits et dires seront terribles.
Bien sûr, Poutine connaît le prix énorme de toute utilisation, aussi minime soit-elle, de l’arme nucléaire. Une partie de ses menaces est dirigée contre les Russes eux-mêmes, pour les convaincre des grands sacrifices qu’ils encourent en raison de l’actuelle guerre en Ukraine, et l’autre partie est une offre politique aux Ukrainiens et à leurs alliés de l’OTAN : quittez les zones loyalistes pour arrêter la guerre !
K. B.
Comment (11)