Le juteux business des visas pour un ancien consul général de France à Alger
Par Nabil D. – Il semble n’y avoir rien d’illégal dans le filon des visas découvert par l’ancien consul général de France en Algérie, mais l’approche paraît quelque peu amorale aux yeux de ses compatriotes. C’est le journaliste d’investigation indépendant Michael Pauron qui en fait la révélation dans son livre paru récemment et intitulé Les Ambassades de la Françafrique, l’héritage colonial de la diplomatie. L’auteur dévoile le «commerce» des visas dans les pays africains où il est constaté une forte demande, notamment en Algérie, pays qui compte la plus grande communauté musulmane étrangère en France.
«Michel Dejaegher est nommé consul général en Algérie. Que fait-il en arrivant ? Il privatise le service régalien [en charge] de la gestion des demandes de visa et le confie au français TLS Contact. Puis vient l’âge de la retraite : à 65 ans, le consul crée sa boîte», révèle le journaliste. «Quand je suis passé devant la commission de déontologie [de la fonction publique], on m’a demandé de ne travailler ni avec l’Algérie ni avec TLS Contact pendant trois ans, ce que j’ai respecté à la lettre», a assuré l’ex-consul. «En revanche, rien ne l’empêche de travailler pour d’autres clients : il est aujourd’hui l’un des consultants de VFS Global, leader mondial du secteur. Pour eux, il participe aux négociations avec le gouvernement français, intervient en cas de problème au grand siège de la sous-direction des visas, France-Visas, à Nantes. Son domicile – siège de sa société – n’est qu’à quelques minutes à pied», indique Michael Pauron.
«Dejaegher est un lobbyiste qui a accès au cœur de l’Etat», nous apprend le transfuge de Jeune Afrique, selon lequel le «mouvement lancé» par Michel Dejaegher «ne va pas chômer» et «les affaires marchent plutôt bien». «En 2018, VFS Global remporte le marché du centre d’Alger au détriment de TLS, qui conserve les centres d’Annaba et d’Oran», fait remarquer l’auteur du livre paru en septembre dernier.
«En raison du nombre de demandeurs annuels, l’Afrique est particulièrement touchée par la privatisation des services consulaires. En 2018, sur les 4 millions de demandes de visa court séjour pour la France – les plus demandés –, 1,5 million provenaient du continent africain. Depuis quelques années, les principaux marchés de la France en Afrique ont été privatisés, dont l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Gabon et l’Afrique du Sud. En 2019 ont suivi le Togo, le Bénin, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, portant à 25 le nombre de pays africains concernés», écrit le cofondateur du journal Afrique XXI.
N. D.
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