Le maréchal Philippe Pétain est-il inhumé au Panthéon ?
Une contribution d’Ali Farid Belkadi – Faisant suite à la déclaration du Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, ce 9 octobre 2022, prononcée en marge de la visite effectuée par la Première ministre française, Elisabeth Borne, en Algérie, dans le cadre de la réunion du cinquième Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), qui exprime la pleine satisfaction de l’Algérie «quant aux résultats positifs du groupe mixte de travail en charge d’identifier les crânes des résistants algériens, alors conservés dans des musées français, et qui a permis le rapatriement de 24 crânes en juillet 2020 (…) Il faut continuer le travail suivant le calendrier et les rendez-vous bilatéraux (…)», je m’interroge si M. Aïmene Benabderrahmane est informé que trois supplétifs-harkis sont inhumés au Carré des martyrs d’El-Alia depuis le 5 juillet 2020. Ils sont portant mentionnés dans un article de l’agence gouvernementale APS, paru deux jours avant leur enfouissement en terre algérienne.
Contrairement à ce qu’indique l’APS dans sa dépêche du vendredi 3 juillet 2020, reprise par la plupart des journaux à Alger, tous les crânes sont identifiés et nommés sur le document ci-joint du MNHN de Paris. Selon l’article de l’APS, un certain nombre de crânes rapatriés ce jour-là n’ont toujours pas été identifiés. Cela est inexact.
Voici la liste fournie par l’APS :
1- La tête momifiée d’Aïssa Al-Hamadi, compagnon de Chérif Boubaghla
2- Le crâne de Chérif Boubaghla dit le borgne
3- Le crâne de Bouziane, chef de la révolte de l’oasis des Zaâtchas
4- Le crâne de Si Moussa, compagnon de Bouziane
5- Le crâne de Cherif Boukdida dit Bouamar Ben Kdida
6- Le crâne de Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui
7- Onze autres crânes de résistants algériens à la colonisation française ont été identifiés par le comité scientifique mis en place. Il s’agit du :
8- crâne de Saïd, un marabout décapité en 1841 à Bab Elloum, Alger-Centre
9- crâne non identifié d’une personne décapitée en 1841
10- crâne d’Amar Bensliman, Alger-Centre
11- crâne de Mohamed Ben El Hadj, âgé entre 17 et 18 ans, de la grande tribu de Beni Menacer
12- crâne de Belkacem Ben Mohamed El-Djenadi
12- crâne de Ali Khelifa Ben Mohamed, 26 ans, décédé à Alger le 31 décembre 1838
13- Keddour Ben Yettou
14- crâne de Essaid Ben Delhis de Beni Slimane
15- crâne de Saadi Ben Saad de la région de Collo
16- tête non identifiée
17- crâne de Lahbib Ould… (nom incomplet), né en 1844 dans la région d’Oran.
Neuf autres crânes n’ont pas pu être identifiés à l’heure actuelle par le comité scientifique qui poursuit, néanmoins, son travail en vue de leur identification.»
Cette liste est infirmée par un document officiel du MNHN que je publie plus bas.
Les trois supplétifs-harkis inhumés le 5 juillet 2020 au Carré des martyrs d’El-Alia, en même temps que les chefs de la résistance à la colonisation, portent les références suivantes dans ce document officiel et confidentiel du MNHN qui comporte 3 pages (1, 2 et 3).
Numéro 4 dans l’inventaire, page 5/8
MNHN-HA-296. Amar Ben Sliman, tirailleur au service de la France.
Numéro 6 dans l’inventaire, page 6/8
MNHN-HA-300. Belkacem Ben Mohamed El Djennadi, tirailleur au service de la France.
Numéro 4 dans l’inventaire, page 5/8
MNHN-HA-3860. Ali Kalifa Ben Mohammed, soldat aux Zouaves (né à Constantine en 1812, d’un Arabe et d’une négresse).
Aucun détail n’évoque l’appartenance de ces soldats à l’armée coloniale, dans la liste de l’APS qui assimile les trois supplétifs Amar Ben Sliman, Belkacem Ben Mohamed El Djennadi et Ali Kalifa Ben Mohammed aux résistants.
A propos de ce document «Annexe 1, liste des objets (sic) déposés», j’ai reçu le mail suivant le 30 septembre 2020 de la part d’un responsable du MNHN de Paris qui a refusé de me le communiquer, sous prétexte que le document n’a toujours pas été remis officiellement à l’Algérie. Cela signifie-t-il que la partie algérienne n’est pas au courant de ce qui s’est tramé derrière son dos ?
«Cher Monsieur,
Le rapport produit par le comité d’experts n’a toujours pas fait l’objet d’une remise officielle aux autorités des deux pays et nous sommes donc tenus à la confidentialité de son contenu.
Sincères salutations.» (signé responsable MNHN).
Par contre, le comité d’experts dont il est question inclut les Algériens, qui étaient donc au courant du coup fourré, selon ce message.
Mes travaux au MNHN ont toujours été consacrés exclusivement aux résistants algériens décapités par le corps expéditionnaire colonial et ses alliés supplétifs indigènes, qui combattaient pour la sauvegarde de l’Algérie française. Dans aucun de mes inventaires je ne me suis intéressé à ces supplétifs.
En conclusion
Le Carré des martyrs d’El-Alia ne saurait être le lieu de repos éternel de ces alliés du corps expéditionnaire colonial dont on sait les génocides perpétrés en Algérie de 1830 à 1962.
En France, le maréchal Pétain et ses collabos au service de l’Allemagne nazie ne sont pas inhumés place du Panthéon à Paris. Son encombrante tombe se trouve au cimetière de Port-Joinville à l’île d’Yeu, très loin, une île du côté atlantique français.
A.-F. B.
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