Quand une journaliste française révélait l’implication de Dhina dans le terrorisme
Par Nabil D. – L’article de Sarah Daniel remonte à 1997. Les faits qu’elle y rapporte, en faisant parler un ancien policier suisse, sont accablants. Pourtant, le terroriste Mourad Dhina coule des jours heureux à Genève d’où il s’adonne à l’activisme intégriste à visage découvert. «Le flic, les islamistes et l’Algérie», titrait la journaliste française, qui donnait la parole à un inspecteur des Renseignements généraux «écœuré de voir la justice helvétique fermer les yeux sur les trafics des islamistes algériens réfugiés en Suisse» et sanctionné pour avoir «livré leurs noms et leurs réseaux aux services de sécurité algériens», après avoir perdu espoir qu’ils fussent poursuivis sur le territoire suisse.
«J’ai commencé à m’occuper de cette enquête en novembre 1993, lorsque mon chef m’a confié une liste des activistes islamistes résidant en Suisse, liste transmise par la DST française», avait affirmé le policier. Sur la liste, un nom émerge : «Un certain Mourad Dhina, habitant Saint-Genis.» «Dhina est un physicien affecté depuis 1990 au CERN. C’est aussi un ami d’Anouar Haddam, ex-porte-parole du FIS passé au GIA et actuellement […] à Washington. Ce Dhina se trouve au cœur du réseau européen du FIS. Echappant de peu au coup de filet, l’homme se réfugie en Suisse et charge des amis de récupérer ses affaires à Saint-Genis. Trop tard. La PAF a mis la main sur un agenda électronique, des listings et des relevés bancaires. Pendant six mois, la DST va exploiter le carnet d’adresses de Dhina, ce qui la conduit à l’arrestation d’un certain M. B. Dans le coffre de la Mercedes de M. B., on retrouvera 130 kilos de matériel militaire», rapportait Sarah Daniel.
«Dans l’agenda figurent également les preuves de relations commerciales avec une société de vente d’armes, Cannet Technologies Group, des relevés de comptes à l’UBS de Lausanne et aux chèques postaux de Zurich, et aussi les noms des responsables du massacre de sept marins italiens, égorgés en juillet 1994 à Jijel, à l’est d’Alger», ajoutait la journaliste. Pas assez convaincant pour les autorités suisses ? Non, puisque le fondateur du FIDA, responsable de l’assassinat de cent vingt journalistes algériens continue de bénéficier de la protection judiciaire suisse. «Tous ces renseignements sont transmis à l’inspecteur Léon J. Après six mois de filatures et d’écoutes téléphoniques, ce dernier en arrive à la conclusion que Dhina est impliqué dans un vaste trafic d’explosifs achetés en Slovaquie et acheminés à Alger, via Bâle et Marseille», nous apprenait Sarah Daniel.
Au début de l’année 1994, le policier suisse en charge de l’enquête «s’estime prêt à intervenir», mais «ne comprend pas pourquoi on tarde tant à arrêter Dhina, d’autant que de l’autre côté de la frontière, la police française n’est pas restée les bras croisés». «Les écoutes téléphoniques de Dhina ont permis l’arrestation à Milan de Djamel Lounici, l’homme clé du réseau armé du FIS en Europe», précisait-on, en s’interrogeant : «Si Dhina est le cerveau de l’affaire, pourquoi ne l’arrête-t-on pas ?»
Près de trente ans plus tard, on se pose toujours la même question.
N. D.
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