Industrie automobile : ce modèle périmé que l’Algérie doit absolument éviter
Une contribution d’Abderrahmane Mebtoul – On entend beaucoup de discours et de fausses analyses sur, à la fois, les importations de voitures d’occasion de moins de trois ans, dont il faudra attendre les modalités dans la loi de finance 2023 pour une appréciation objective, notamment l’importation au cours officiel du dinar ou au cours sur le marché parallèle qui risque de flamber, et quelles seront, par catégorie, les taxes à la douane ainsi que sur l’éventualité d’installation d’usines de voitures en Algérie par des groupes étrangers.
Pour ne pas commettre les erreurs du passé, comment ne pas rappeler les scandales financiers où ces usines de montage sans véritable intégration servaient de couverture pour les transferts illicites de devises et que les lettres d’intention annoncées n’étaient pas des contrats définitifs mais seulement des promesses sans aucun engagement ? Les Algériens ont assisté à de nombreuses promesses de ministres, sans concrétisation depuis des années, alors que les prix des voitures d’occasion ont plus que doublé avec une pénurie de pièces détachées dont le prix a plus que triplé.
Dans cette conjoncture, nous assistons à des restructurations importantes de cette filière avec une concurrence et des ententes entre grands groupes pour contrôler des espaces régionaux. Pour atteindre le seuil de rentabilité, il faut au minimum une production oscillant entre 250 000 et 300 000 unités par an, avec les actuelles restructurations s’orientant vers 400 à 500 000 unités par an pour les voitures individuelles et plus de 150 à 200 000 par an pour les camions et bus. Par ailleurs, pour pouvoir exporter, il faut s’adapter aux nouvelles mutations technologiques mondiales, devant favoriser les voitures hybrides ou solaires, sinon ce sera, à terme, la faillite. Aucun pays dans le monde n’a 10 à 20 constructeurs ; c’est une aberration unique dans l’histoire. Les Etats-Unis et les pays européens et asiatiques ont entre 3 et 5 constructeurs.
La situation du marché mondial de voitures est évolutive. C’est un marché oligopolistique, il est fonction du pouvoir d’achat, des infrastructures et de la possibilité de substitution d’autres modes de transport, notamment le collectif, spécifique à chaque pays selon sa politique. Ce marché a connu, depuis la crise d’octobre 2008, d’importants bouleversements. Les fusions ont succédé aux rachats et aux prises de participation diverses.
Nous observons deux tendances opposées qui sont en train de se produire en même temps : la localisation de la production sur certaines zones géographiques et sur certains pays, et la délocalisation. Pour ce qui est de la localisation de la production automobile mondiale, elle se concentre régionalement sur trois zones : l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie. De plus, sur chacune d’elles, la fabrication est localisée sur certains pays. Ainsi, en Europe, les principaux fabricants sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie, appartenant tous à l’Union européenne. En Amérique du Nord, la production se concentre majoritairement sur les Etats-Unis et, en Asie, elle se trouve au Japon et en Corée du Sud.
Pour les exportations mondiales d’automobiles, la concentration est encore plus élevée, puisqu’elle est limitée principalement à deux zones : l’Europe et l’Asie et que, dans un futur proche, avec la perte de compétitivité de certains pays au profit d’Etats émergents – Russie, Inde, Chine et Brésil –, nous devrions assister à la réorganisation de la production mondiale de véhicules et, de toute évidence, les usines qui se maintiendront dans chaque pays seront les plus compétitives. Les priorités des dirigeants sont orientées vers la technologie, l’innovation, l’approche collaborative, de meilleures stratégies de succès et l’environnement.
L’industrie automobile doit s’inscrire dans le cadre d’une véritable planification stratégique politique. Cette filière connaît une profonde restructuration au niveau mondial. Les exportations dominantes entre 2025 et 2030 concerneront les voitures hybrides et électriques et, au-delà de 2030, elles fonctionneront à l’hydrogène. Les nouvelles technologies influent sur les chaînes de production qui créent de moins en moins d’emplois, en raison de la robotisation qui conduit à la baisse des coûts.
L’Algérie devra éviter de perpétuer un modèle périmé qui remonte aux années 1970 à 2000, largement déconnecté des réalités mondiales. On ne rappellera jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside dans la recherche et développement, que le capital argent n’est qu’un moyen et que sans une bonne gouvernance centrale et locale et l’intégration de l’économie de la connaissance, aucune politique économique n’a d’avenir. C’est l’entreprise sans aucune distinction, publique ou privée, nationale et internationale, dans le cadre des valeurs internationales, qui crée la richesse, à condition qu’elle soit appuyée par le savoir qui permet l’innovation permanente.
A. M.
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