Le mensonge des tribus berbères judaïsées
Une contribution de Khaled Boulaziz – «Je suis un juif berbère.» (Eric Zemmour.) De nos jours, un certain nombre de gratte-papiers affublés de titre d’«historiens» ont concocté à des fins non-avouées une élucubration, fruit de leur esprit malade, une prétendue existence de tribus berbères judaïsées d’Afrique du Nord, résumée comme suit : nombreuses étaient les tribus berbères qui seraient converties au judaïsme avant l’arrivée de l’islam au Afrique du Nord au cours du VIIIe siècle ; les juifs qui vécurent en Afrique du Nord au cours des derniers siècles sont les descendants en partie de ces prosélytes berbères.
En premier, ces afféteries ne tiennent pas du fait qu’aucun grand texte juif disponible écrit avant le XXe siècle ne fait référence à cette supposée conversion massive des Berbères d’Afrique du Nord au judaïsme. D’autre part, un nombre d’auteurs musulmans de l’époque fournissent des informations qui peuvent être pertinentes, directement ou indirectement, pour la problématique du second énoncé cité plus haut.
La première référence vient de la plume d’Al-Idrîsî, géographe arabe du XIIe siècle, qui mentionna l’existence dans l’Antiquité de tribus juives en Afrique du Nord. Un autre auteur, Ibn Abî-Zar qui vécut durant le premier quart du XIVe siècle rapporte qu’à l’époque de la fondation de la ville de Fès à la fin du VIIIe siècle, deux tribus berbères Banû Zanâta, vivaient dans la région de Fès, dont l’une était composée de musulmans et un autre de chrétiens, de juifs et de païens.
A noter qu’aucun de ces deux auteurs ne parle de prosélytes. Leurs textes ne sont pertinents dans ce contexte que dans la mesure où ils font référence non pas à des juifs individuels, mais à des membres de tribus professant le judaïsme.
Le troisième auteur, Ibn Khaldûn (1332-1406), historien avéré de cette partie du monde mais qui, pourtant, resta prudent sur ce fait. A peine s’il avança le récit des Jarâwa, peuple des monts des Aurès (aujourd’hui dans l’est de l’Algérie), et celui des Nafûsa (aujourd’hui à l’ouest de la Libye), des Fandalâwa, Madyûna, Bahlûla, Ghayâta, et Banû Fazâz (tous du Maghreb occidental, présentement le nord-ouest de l’Algérie et du Maroc).
Juste avant l’arrivée de l’islam, les Berbères du Maghreb oriental et occidental professaient la religion chrétienne. Ibn Khaldûn narra également l’histoire d’une femme, surnommée Al-Kâhina, la reine des Jarâwa (une des tribus précitées) qui fut l’élue de sa tribu parmi d’autres tribus berbères qui étaient chrétiennes et en partie païennes.
D’autre part, les recherches récentes en linguistique montrent que l’origine berbère d’un prénom et de plusieurs dizaines de patronymes juifs du Maroc, ainsi que de quelques patronymes de l’est de l’Algérie est indubitable.
Pourtant, la géographie de ces noms berbères utilisés par les juifs correspond parfaitement à la géographie de l’implantation des groupes de populations musulmans berbérophones en Afrique du Nord.
On sait aussi qu’à l’époque moderne, des juifs vivaient dans les territoires en question. En conséquence, ces noms sont apparus dans les communautés juives qui utilisaient un idiome berbère comme langue vernaculaire.
Rien n’indique que ces patronymes existaient déjà au Moyen-Âge. Tous les arguments onomastiques suggérés par les partisans de la pseudo-théorie des judéo-berbères tentant de lier ces noms – et de nombreux autres, en réalité sans rapport avec les Berbères – aux prosélytes berbères du judaïsme, sont indéfendables.
Il est juste de conclure que les deux énoncés de la pseudo-théorie des judéo-berbères sont simplement insoutenables. En fait, l’un d’eux ou même les deux à la fois ne sont que des contrevérités éhontées. En essence et cela pour raison citée : les arguments onomastiques considérés par divers historiens comme des «corroborations» de cette pseudo-théorie sont simplement des élucubrations.
Aujourd’hui, nos connaissances concernant la première hypothèse de cette pseudo-théorie ne sont pas significativement plus riches que les informations connues d’Ibn Khaldûn au cours du XIVe siècle.
En effet, aucun élément historique, archéologique, linguistique ou onomastique n’a été découvert depuis son époque qui corroborerait l’existence de tribus berbères judaïsées en Afrique du Nord ainsi que leurs noms exacts.
Et qui plus est, aucune information en notre possession ne permet d’affirmer que certains prosélytes berbères du judaïsme doivent ou non être comptés parmi les ancêtres des juifs ayant vécu en Afrique du Nord au cours des derniers siècles.
Et il n’est pas sans intérêt ici de rappeler que La Revue africaine, parue en 1859, avait publié un rapport de l’interprète militaire Alphonse Meyer titré «L’origine des Kabyles selon la tradition orale et les connaissances locales» et dans lequel il s’était basé sur les témoignages des aînés respectés de la région qui affirmèrent avoir la conviction d’être d’origine arabe, à l’exception de la tribu des Fraoussen qui serait d’origine perse.
Enfin, la considération du corpus des prénoms et des particularités linguistiques des dialectes judaïques témoigne fondamentalement, et sans équivoque, de l’absence du substrat culturel berbère dans ce corpus et les idiomes en question.
Et finalement, le judaïsme en tant que religion a banni le prosélytisme, se considérant comme la propriété des juifs, transmis par parenté.
Cette divagation historique concernant les juifs d’Afrique du Nord, gribouillée par des écrivaillons ressemble beaucoup plus à de la littérature fantaisiste qu’à de l’érudition intellectuelle, relevant à la limite d’une falsification intentionnelle. Une conjuration où la majorité de ces faussaires de l’histoire excelle.
Jadis, les chantres du colonialisme ânonnaient que les Gaulois furent nos ancêtres. Aujourd’hui, ces nouveaux faux mages bêlent à tue-tête la perfidie de leur pharisaïsme sur les prétendues tribus berbères judaïsées d’Afrique du Nord.
K. B.
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