Un Sommet arabe apolitique : le rendez-vous d’Alger évite les sujets qui fâchent
Par Abdelkader S. – Finalement, le Sommet arabe sera apolitique. C’est en quelque sorte ce que le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a laissé deviner dans sa conférence de presse, ce lundi. Aux questions sur les points d’achoppement qui empêchent le consensus sur de nombreuses questions sensibles, le chef de la diplomatie algérienne a répondu que le choix a été fait de ne pas soulever ces problèmes pour atteindre l’objectif assigné à la réunion d’aujourd’hui et celle de demain. Il sera donc question d’économie et de finances, outre la question palestinienne, sujet central qui ne saurait être élagué, en dépit des divisions profondes qu’il provoque, notamment depuis la décision d’un certain nombre de pays arabes de normaliser leurs relations avec l’entité sioniste.
Deux points compliqués auraient fait capoter le Sommet s’ils avaient été intégrés à l’ordre du jour. Ceux des relations avec l’Iran et la Turquie. D’ailleurs, une des raisons essentielles qui ont fait que l’ensemble des dirigeants des pays du Golfe, hormis l’émir du Qatar, isolé, n’ont pas fait le déplacement à Alger, réside précisément dans cette problématique. Les pétromonarques, qui ont délégué des représentants, ne pouvaient pas signer une Déclaration d’Alger dans laquelle Israël serait montré comme une entité colonisatrice et un régime violant le droit international, alors que le processus d’établissement de relations bilatérales se poursuit en catimini. En effet, le candidat aux prochaines législatives israéliennes, Benyamin Netanyahou, a révélé récemment s’être déplacé en Arabie Saoudite dans la perspective d’un rapprochement officiel entre Riyad et Tel-Aviv. Une révélation qui a déplu aux responsables saoudiens qui auraient réagi en rétropédalant sur leur décision de permettre aux aéronefs israéliens de survoler leur espace.
De même, l’entrisme de la Turquie et ses visées nostalgiques de l’empire ottoman dérangent les pays du Golfe qui voient d’un mauvais œil ce qu’ils considèrent être une tentative de bousculer l’ordre établi et d’ôter à l’Arabie Saoudite et à ses alliés émiratis leur rôle dominant dans la région. La présence turque en Libye a faussé tous les calculs, et toutes les tentatives de déboulonner l’homme fort de Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, au profit d’un Premier ministre à la solde du Caire, d’Abu Dhabi et de Riyad se sont avérées vaines. Les incursions de Fathi Bachagha, le Premier ministre coopté par les services égyptiens, dans la capitale de l’Ouest libyen n’ont échoué que grâce à l’intervention directe d’Ankara qui a utilisé des drones pour repousser l’offensive des milices envoyées de l’Est, armées par l’Egypte et les Emirats.
L’interminable conflit libyen se serait donc invité au Sommet d’Alger, après que la Syrie a mis les dirigeants arabes à l’aise, en déclinant l’invitation dès l’annonce de sa tenue, il y a de cela plusieurs mois, Damas estimant que les conditions ne sont pas réunies pour permettre son retour à la Ligue arabe. Ce qui n’est pas faux.
Sécurité alimentaire, sérieux ennuis financiers au Liban et en Tunisie – deux pays au bord de la faillite –, risques de famine au Yémen, crise au Soudan induite par l’instabilité interne, etc. prendront le dessus lors du Sommet d’Alger sur les crises géopolitiques sous-jacentes – guerres au Yémen et en Syrie, ingérences étrangères en Libye, guerre froide entre l’Algérie et le Maroc, crispation entre l’Egypte et l’Ethiopie autour de l’or bleu du Nil, influence iranienne en Irak et au Liban, etc. Or, sans le règlement de ces crises, aucun problème soulevé ne trouvera une solution pérenne.
A. S.
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