Le Makhzen assimile l’exercice militaire algéro-russe à… l’invasion de l’Irak
Par Kamel M. – Les fantasmes marocains n’ont décidément pas de limite. L’exercice militaire algéro-russe qui se déroule dans le sud-ouest du pays donne libre court à l’imagination débordante des analystes et des médias marocains ou pro-marocains, dont certains vont jusqu’à y voir une copie de la Tempête du désert, c’est-à-dire l’opération conduite par les Etats-Unis et qui s’est soldée par l’invasion de l’Irak. Un de ces médias s’interroge : «Rabat doit-il s’inquiéter des exercices militaires algéro-russes ?» et répond que si la manœuvre en cours en Algérie porte le nom de Bouclier du désert, ce n’est forcément pas un hasard.
Au Maroc, on estime que cet exercice conjoint entre les armées algérienne et russe serait une «réponse aux manœuvres militaires de l’alliance maroco-américano-israélienne». On en veut pour preuve le fait qu’il intervienne quatre mois après l’African Lion «qui a regroupé 7 500 soldats, 13 pays, 80 avions de soutien et nécessité un budget de 36 millions de dollars cette année». Bien que les manœuvres algéro-russes n’aient pas mobilisé plus de 200 militaires, les supputations vont bon train chez nos voisins de l’Ouest qui se perdent dans des comparaisons complètement disproportionnées. Ce qui inquiète le plus à Rabat, c’est le «choix géographique» qui est «loin d’être anodin», expliquent des sources marocaines à Jeune Afrique. «Ces exercices militaires terrestres rassemblent environ cent soldats algériens et autant d’hommes côté russe – essentiellement des parachutistes –, au terrain d’entraînement de Hammaguir, à Béchar, à moins d’une centaine de kilomètres de la frontière algéro-marocaine, fermée depuis août 2021», lit-on.
«Les manœuvres militaires actuelles de la Russie et de l’Algérie s’apparentent à des exercices de simulation visant à rechercher, détecter et détruire des groupuscules armés en milieu sahélien à l’aide de drones, d’armes légères russes et de blindés algériens», relativise-t-on, cependant, en précisant que «l’organisation d’un tel exercice militaire en terre algérienne est une première», mais «s’inscrit dans une longue série, inaugurée dès 2017, de manœuvres militaires conjointes visant au renforcement de la coopération militaire entre l’Algérie et la Russie, dans le contexte d’une «guerre froide» qui oppose Alger et Rabat et de course à l’armement qui fera de l’Algérie, bientôt, «le premier importateur d’armes russes au monde devant deux mastodontes, l’Inde et la Chine».
Jeune Afrique précise que si le gouvernement marocain a alloué un budget à la défense en hausse pour 2023, celui-ci «représente moins de la moitié du budget algérien». La stratégie du Makhzen «est de s’appuyer sur son partenaire israélien pour obtenir des armes défensives et offensives moins chères qu’ailleurs et mettre en place une industrie de l’armement sur son propre sol, notamment pour fabriquer des drones», souligne-t-on, en rappelant que le régime marocain «[a] établi une nouvelle zone militaire dans l’est du pays l’été dernier et [a] par conséquent grandement augmenté le nombre d’équipements d’alerte et de défense à ses frontières avec l’Algérie».
«Voilà pourquoi la tenue de manœuvres militaires russo-algériennes à quelques dizaines de kilomètres de la frontière avec le royaume constitue une forme de message politique envoyé par Alger à Rabat, et ce même si la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, nie toute attaque envers un pays tiers, donc le Maroc», indique Jeune Afrique qui vit dans toute action de l’Algérie une volonté de «contenir la montée du Maroc en tant que puissance régionale dans la région nord-africaine».
K. M.
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