L’époque arabo-islamiste orientale vit son ultime épisode historique en Algérie
Une contribution de Khider Mesloub – Dès l’indépendance, des décennies durant, tous les Algériens ne juraient pieusement que par l’Orient. Et injuriaient copieusement leurs racines algériennes. Tous les pays arabes étaient encensés. Car censés disposer d’une brillante civilisation qu’il fallait embrasser comme on embrasse une religion avec dévotion et abnégation. Avec leur arabisme exultant et leur islamisme éructant, ces pays se voulaient la troisième voie face à l’Occident décadent et au camp soviétique mécréant. Le panarabisme était auréolé de toutes les gloires, surtout porteur d’espoir. Et l’islamisme rampant, puis galopant, s’était affermi en se développant. Cette nouvelle idéologie arabo-islamiste vivra ainsi ses heures de gloire, avant de connaître ses heurts et ses déboires.
Dès son indépendance, l’Algérie s’était arrimée idéologiquement à l’Orient. Elle s’était grimée de l’idéologie arabo-islamiste pour orienter la culture algérienne vers ce modèle identificatoire oriental, à l’orientation culturelle attentatoire à notre identité algérienne.
En vertu d’une politique de déracinement de la culture locale, l’Algérie s’était évertuée à puiser ses sources dans ces pays désertiques féodaux, érigés en parangons des vertus. Pour mieux accomplir cette mission de civilisation de l’Algérie, le régime postindépendance confia la tâche aux coopérants arabes, érudits en leur Unique Livre Vert, livrés clé en main par les pays de l’Orient, pays connus pour leur économie hautement développée et leur technologie avancée, inventée dans leurs laboratoires islamiques désertés par la science.
L’Algérie, pour l’instruction de ses écoliers, livrée intellectuellement à ces nouveaux missionnaires enturbannés, se dota rapidement d’une brillante génération d’Algériens transformés en mercenaires de l’arabo-islamisme, en sicaires du wahhabisme, formés pour terroriser les patriotes jugés par trop nationalistes et mollement musulmans, mais également pour subvertir les institutions, renverser les autorités.
Ainsi, après avoir soldé la culture algérienne, l’Algérie se mit à la solde de l’Orient. La Révolution des grands soldats se mua en réaction au service de la soldatesque islamiste. Le grand peuple algérien se métamorphosa en petite peuplade orientalisée.
L’Algérie à la grandiose culture millénaire fut réduite en minuscule pays acculturé. La diversité culturelle algérienne laissa place à l’adversité culturelle contre l’Algérie. La verdoyante richesse culturelle algérienne disparut sous les sables monolithiques et monothéistes bellicistes de l’Orient.
Plus tard, au tournant des années 1980-1990, la dictature idéologique islamiste inique succédera au despotisme étatique du parti unique : ces deux faces hideuses de la même pièce dramatique politiquement tueuse, coupables de crime culturel contre le peuple algérien pris en tenaille par cette hydre tyrannique confectionnée dans les coulisses de l’Orient.
Ainsi, arraché à ses racines dès l’indépendance, élevé dans le berceau oriental, nourri au biberon islamique, habillé de force de langes intellectuels archaïques, éduqué sous la férule d’une pédagogie islamisée, gavé aux féodaux médias inféodés, musclé doctrinairement par les salles de prières salafisées, notre Algérien made in oriental était devenu un véritable mutant. Un mouton que l’Orient avait tondu à sa guise, aiguisé comme un couteau prêt à sacrifier les enfants de l’Algérie, en guise d’offrande aux puissances monarchiques orientales pour témoigner de sa vassalité.
Etranger à son propre pays, impropre à servir son pays, l’Algérien s’était dénaturé au point de transformer son pays en poubelle de l’Orient, déversoir des détritus de la funeste idéologie salafiste conquérante.
Aujourd’hui, l’Orient s’est éteint. Et les chimériques «Lumières islamiques» ont dévoilé leur vrai obscur archaïsme. Ce phare culturel du désert arabique, supposément laboratoire de la modernité islamique, s’est effondré sous les coups de boutoir des guerres impérialistes et fratricides, transformant cette région en abattoir. L’Irak, la Syrie et les pays du Golfe se sont enlisés dans les sables mouvants des conflits interreligieux, disloqués comme châteaux de cartes.
L’Algérien est orphelin. Après la disparition de son modèle oriental, il est désormais désorienté. Il ne sait plus à quel saint religieux se dévouer. Ni à quel sein politique se vouer pour nourrir sa personnalité embryonnaire embrouillée. D’aucuns opèrent un virage à 180 degrés en découvrant leurs origines berbères après les avoir vouées aux gémonies, les avoir considérées comme de vieilles momies, tout juste bonnes à remplir les musées et les galeries.
L’Orient encensé est maintenant dénoncé. L’Orient adoré est aujourd’hui abhorré. L’Orient, berceau de la «grande culture arabe», s’est mué en immense tombeau de la putride contemporaine civilisation arabe. L’Algérien, orphelin de son mirage oriental, veut aujourd’hui accomplir un mariage avec son pays natal. Ce pays, qu’il a longtemps piétiné, il veut l’habiller d’une culture autochtone satinée. Ce pays de Satan devient, à ses yeux enfin lucides, pays de Satin. Et pour réaliser avec la nouvelle Algérie ses nouvelles fiançailles, il fait appel patriotiquement à toutes les alliances, pour fêter les retrouvailles, organiser les épousailles.
Les forces obscures de la nation sortent de l’ombre orientale pour s’éclairer aux lumières de la modernité algérienne, longtemps demeurée enténébrée, voilée. Elles sont revenues enfin à leur authentique bercail, après s’être longtemps fourvoyées en paissant l’étrangère culture politique toxique avec le salafiste bétail.
L’Algérie algérienne redevient aujourd’hui à la mode. Car le modèle oriental sur le déclin vit son dernier historique épisode. L’idéologie arabo-islamiste orientale aux abois ne nourrit plus la foi. La foi en l’Algérie commence à supplanter la foi de l’Orient. Le retour aux sources algériennes asséchera-t-elle enfin la fontaine de l’arabo-islamisme oriental ?
K. M.
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