L’adhésion de l’Algérie aux BRICS : un rendez-vous à ne surtout pas manquer !
Une contribution d’Ali Akika – Pour comprendre la raison de la naissance des BRICS en 2009, il faut avoir à l’esprit une autre date, 2008. Cette date fut l’année noire d’une tempête financière connue sous le nom de crise des «Subprimes». C’est aussi la date du passage de la mondialisation «heureuse» au crépuscule d’un système que des analphabètes de l’histoire ont vite appelé indépassable. Evidemment, des pays comme la Chine, la Russie, l’Inde qui connaissent un brin en histoire tragique de l’Humanité, ont deviné que cet «indépassable» risquait de les entraîner dans l’abîme. Comme ces trois pays avaient en plus les moyens politiques et économiques de ne pas se mettre au garde à vous devant l’arrogante mondialisation, ils créèrent les BRICS, vite rejoints par le Brésil de Lula et l’Afrique du Sud de Mandela. Les calamiteux experts biberonnés au Coca-Cola de l’Oncle Sam prédirent l’échec de ces BRICS en se moquant de leur Produit national (1). Ils avaient oublié que les financiers qu’ils chérissaient n’étaient en vérité que des colosses aux pieds d’argile (2).
Lesdits experts doivent rire jaune aujourd’hui quand ils voient des pays comme l’Argentine, l’Iran, l’Arabie Saoudite, la Turquie sont sur le point de poser leur candidature. L’Algérie, qui n’a pas les mêmes contraintes politiques ou d’alliance militaire comme la Turquie (OTAN), a posé officiellement sa candidature. Les deux grands pays du BRICS, la Chine et la Russie, ont chaleureusement salué sa candidature. Cet accueil n’est pas étranger évidemment aux liens historiques entre eux et l’Algérie. Il y a aussi l’immensité du territoire de l’Algérie avec balcon sur l’Europe mais aussi en direction des profondeurs de l’Afrique, un pays dont le sol recèle du pétrole et du gaz, ce qui n’est pas négligeable de nos jours. Ces caractéristiques lui procurent des atouts géopolitiques et géostratégiques qui ne laissent pas indifférents les acteurs de la scène internationale.
La qualité de ces atouts n’ouvre pas automatiquement les portes des BRICS. Cette organisation ne ressemble pas à l’Union européenne, pas plus à l’Union africaine et encore moins à celle des Etats américains où cohabitent l’Oncle Sam et les barbus guérilléros de Cuba. Les BRICS ne sont donc pas une organisation régionale, ni politique au sens étroit du terme. Les BRICS «ignorent» l’appartenance régionale des adhérents. Ils leur préfèrent les notions de la solidarité et de la non-ingérence dans les affaires des Etats membres. Ils militent pour que les relations internationales ne souffrent plus de l’hégémonie de quiconque. Bref, ils prônent le multilatéralisme, un gage pour que les voix des pays petits et grands aient le même poids ou simplement écoutées. Ces déclarations de principe doivent être accompagnées par des actes et pratiques sur le terrain économique.
Aussi, pour échapper ou résister à la domination du dollar, qui fait la loi dans les circuits financiers, bancaires et de la circulation des marchandise, les BRICS doivent avoir des économies qui «roulent», comme on dit. Ce bon fonctionnement favorise les échanges de toutes natures, garantit les investissements et, pour finir, constitue une base pour une monnaie d’échange entre pays membres sans passer par les fourches caudines du dollar. Cet exploit a été réalisé par la Chine avec son yuan et la Russie qui a profité de la bêtise des sanctions occidentales pour exiger le paiement du gaz en rouble. D’ores et déjà, l’Iran et l’Arabie Saoudite vendent leur pétrole par le biais de la devise chinoise. Aussi l’adhésion de l’Algérie aux BRICS devra-t-elle opérer de profondes transformations de l’appareil de production et de distribution du pays. Une nécessité si elle veut à la fois bénéficier du gigantesque marché de ses partenaires mais aussi pour apporter ses potentialités dans le panier de la solidarité afin de remplir les obligations du contrat des BRICS…
Avant de survoler la nature des chantiers à ouvrir pour que l’Algérie apporte sa pierre au noble et gigantesque dessein des BRICS, revisitons deux époques. La première a débuté après la mort de président Boumediene, en 1978. Cet événement entraîna la fin du socialisme «spécifique» algérien dans un monde agité par la tempête politique qui traversait l’URSS et le capitalisme financier symbolisé par Thatcher en Angleterre (1979) et Reggan aux Etats-Unis (1981). Le successeur de Boumediene, le président Chadli, ouvrit la voie à l’infitah, ce «libéralisme made in bledi» se traduisit par le démembrement des grandes entreprises nationales et leur vente pour 1 dinar symbolique à des privés. Cette première période ouvrit la porte aux émeutes d’Octobre 88, on connaît la suite…
La deuxième époque débuta avec l’élection de Bouteflika. Son mandat se déroula avec un baril de pétrole qui fit entrer dans les caisses du Trésor quelque 1 000 milliards de dollars. Le monde vivait alors sous le règne de l’argent facile du capitalisme financier. La cupidité ambiante accoucha des fameux «Subprimes» déjà cités, qui furent à l’origine d’une crise financière qui mit à genoux, entre autres, la Grèce.
Les 1 000 milliards engrangés ont plus aiguisé les dents d’une nouvelle caste d’arrivistes que de consolider ou construire le socle d’une société riche de bases scientifiques et technologiques et d’une culture capable de naviguer et de résister dans un monde ouvert à tous les vents. Les exemples des pays d’Asie comme la Corée, la Chine, l’Inde et l’Indonésie sont des preuves que l’on peut surmonter les affres et retards engendrés par la colonisation quand on investit dans les connaissances et qu’on se débarrasse des archaïsmes, surtout, quand on peut s’appuyer sur un héritage historique qui ne demandait qu’à aller à la conquête des étoiles, comme dit le poète. A l’évidence, les 1 000 milliards engloutis durant cette deuxième période, la société en a retenu un président malade, accroché au pouvoir, et l’émergence du Hirak qui a fait sortir dans les rues le peuple.
Le Hirak ouvrit la troisième période qui n’est pas moins agitée que les deux premières. En effet, la période actuelle flirte avec de grands dangers de guerre dans une mondialisation en crise et en déclin, contrairement à la période du triomphe du capitalisme avec la chute de l’URSS de Gorbatchev. Le monde de nos jours ne traverse pas une simple crise mais est rongé par des contradictions qui ont créé une situation où tous les coups sont permis. Le tableau est clair, le monde actuel est au bord d’un précipice.
Comment et que faire pour un pays comme l’Algérie pour qu’elle ne manque pas son rendez-vous avec les BRICS ? Son adhésion offre des opportunités pour réparer les blessures du passé et rattraper les retards du présent. Ces deux objectifs devraient booster l’énergie de la société, invitée à participer à une aventure avec un horizon tant rêvé et qui tarde à montrer son nez. Pareille aventure est noble et exaltante car les BRICS ont pour dessein de stopper les méfaits d’institutions économiques et politiques mises en place pour le seul bénéfice de l’Occident chaperonné par l’Oncle Sam. Ces institutions, enfants de la réunion de Bretton Woods (1946), ont pour noms Banque mondiale, FMI dotés de l’arme du dollar.
Mais l’aventure des BRICS nécessite de l’intelligence politique et du souffle. Une aventure où le pays est confronté à la gestion des contradictions de la société et aux rapports de forces politiques de la scène internationale. La guerre en Ukraine a révélé les fragilités, aussi bien des pays développés et ceux qui le sont moins. Ces fragilités sont dues aux sanctions qui mouillent aussi bien l’arroseur que l’arrosé. Elles sont dues aussi et simplement à la géographique qui ferme le passage au commerce pour des raisons géopolitiques. Toutes ces contraintes doivent inciter le pays à construire une économie qui résiste à des situations de guerre ou simplement à la «colère» de la nature (inondations des campagnes, incendies monstres, etc.). En dépit de leurs richesses, on assiste au spectacle de grands pays handicapés par l’absence de produits ou matières premières faisant appel à la sobriété et à la sagesse de la population. Revenons à l’Algérie qui doit bâtir un socle solide de l’économie, nourrir la population, la soigner, construire un réseau de transport dense et ouvert sur le voisinage pour éviter l’isolement engendré par des aléas des guerres et autres bouleversements qui se déroulent à des milliers de kilomètres.
A côté des problèmes techniques et financiers de ce nouveau paysage économique, il y a un autre facteur qui conditionne son succès. Ce facteur n’est autre que l’ensemble des rapports sociaux qui régissent une société. Ces rapports se nourrissent des lois (pouvoir politique) mais aussi des pratiques culturelles de la société. Celle-ci invente un mode de vie, un type de relations pour se débarrasser de tous les codes caducs, des mentalités et des archaïsmes qui bloquent l’épanouissement de la collectivité et des citoyens. Par exemple, dans le champ du travail, il est inadmissible qu’un patron se conduise avec les travailleurs comme au moyen-âge. De même, l’égalité homme-femme est une nécessité, non pas uniquement sur le plan moral et philosophique mais aussi pour des raisons économiques afin d’assécher les puits des violences multiples. (3). De toute manière, il vaut mieux prendre en charge les changements que de laisser l’histoire les imposer.
Depuis l’Antiquité à aujourd’hui, l’histoire s’est débarrassée des esclavagistes, des suzerains moyenâgeux qui ont été délaissés de leur serfs, et les patrons d’aujourd’hui sont à la recherche de bras qui ne veulent plus travailler la nuit et le dimanche et ce pour des clopinettes. Il est vrai que le coronavirus, la guerre en Ukraine et la baisse de la natalité sont passés par cette Europe qui se croyait à l’abri de tout. En Algérie, on n’est pas encore là. D’autres problèmes sont à résoudre avant qu’un Brésilien, un Russe, bref un membre de BRICS ne vienne investir dans le pays et s’aperçoit du malin plaisir d’une bureaucratie qui le fait balader d’un bureau à un autre.
Une phrase pour conclure, l’engouement des pays à rejoindre les BRICS n’est pas passé sans bruits en Occident. Des pays commencent à entendre la sourde oreille des 3-4 de l’Humanité. Ces pays pousseront-ils l’audace jusqu’à abandonner leurs pouvoirs au FMI, à la Banque mondiale et à cette ONU qui pratique les deux poids de mesures ? L’attaque et l’occupation de la Palestine, est-ce une broutille ou bien l’expression de la servilité de l’ONU à l’égard de ceux qui détiennent les cordons de la Bourse, avec un B majuscule ? Au vu de l’histoire qui a enregistré tant d’«exploits» et de mensonges, on est en droit de douter que les bonnes âmes retrouvent les chemins d’une rédemption et apaisent ainsi leurs consciences.
A. A.
1- Ces experts ont pris la fâcheuse habitude d’évaluer la puissance d’un pays à l’aune du Produit national brut des pays capitalistes. Ils se gargarisent en se moquant du PNB de la Russie qui serait du niveau de l’Espagne. Sauf que leur Espagne est incapable de produire le centième de l’aviation de guerre des Russes, de sa marine, de ses blindés et artillerie. Leur Espagne et tout autre pays européen aurait été à court de munitions au bout de trois semaines de guerre. Au bout de neuf mois de guerre, leur Espagne aurait capitulé avec armes et bagages. Les experts ont cessé de nous bassiner avec leur Espagne. Il est vrai que leur maître, l’Oncle Sam, court derrière un cessez-le-feu dont sa créature de Kiev ne veut pas entendre parler. D’où les élucubrations et mensonges sur le S300 tombé en Pologne.
2- Un de ces financiers, Bernard Madoff, acteur de la crise des «Subprimes», va terminer sa vie en prison après sa condamnation en 2021. En effet, il est décédé le 14 avril 2021.
3- Sur ce plan, il n’y a pas de complexe à avoir. Ceux qui donnent des leçons peuvent regarder leur propre histoire. En 1970, les femmes mariées n’avaient pas le droit d’avoir un compte bancaire personnel. Depuis cette date, cette loi est devenue caduque parce qu’elle était un frein à l’économie et introduisait des ferments de crise dans les couples, ça coûtait cher à la famille et les conséquences sociales tout autant aux services sociaux de l’Etat.
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