Plumitives aux ordres ou les maladroits trébuchements de Jeune Afrique
Par Mohamed K. – Malgré les appels et les rappels de Staffan de Mistura, l’envoyé personnel du SG de l’ONU, visant à relancer le processus politique au Sahara Occidental, qui se trouve dans l’impasse en raison de l’intransigeance de la partie marocaine, de ses entraves et de ses conditions rédhibitoires pour perpétuer le fait accompli colonial, Jeune Afrique, le magazine pro-marocain, édité à Paris, insiste en Une sur la fausse information et le mensonge.
Selon l’hebdomadaire, le conflit entre le Maroc et l’Algérie est de nature bilatérale, évacuant ainsi toute tentative sérieuse prenant en compte l’impératif incontournable du libre exercice par le peuple sahraoui de son droit imprescriptible à l’autodétermination et occultant aveuglement l’importance de réactiver le plan de règlement conjoint de 1991 en tant que seul accord accepté par les deux parties au conflit et endossé, à deux reprises, par le Conseil de sécurité.
Le titre est éloquent, mais mensonger, et nul besoin donc d’aller plus loin pour saisir le sens du vent tracé par les deux journalistes marocaines Fadwa Islah et Rym Bousmid, notamment lorsqu’elles attribuent arbitrairement à Brahim Ghali le choix des personnalités diplomatiques sahraouies sur la base d’affinités tribales et d’amitiés personnelles.
La mise en scène de ce binôme maintient ses mensonges, en impliquant délibérément notre ministre Ramtane Lamamra, comme l’une des figures de proue de la garde rapprochée du président Brahim Ghali.
Ainsi, Jeune Afrique plante le décor dès l’abord, où il présente maladroitement le chef de la diplomatie algérienne comme le «véritable chef d’orchestre de la diplomatie de la RASD», allant jusqu’à prétendre qu’il se fait l’avocat du dossier sahraoui en le plaçant à la tête des préoccupations des autorités algériennes.
Non seulement par cette attitude peu crédible Jeune Afrique a monopolisé une ligne unidirectionnelle flagrante et n’a pas repris la version sahraouie mais, plus grave, il a continué de distiller la même contrevérité, preuve qu’il s’agit d’un acte de tromperie délibéré à des fins inavouées.
L’égarement des journalistes marocaines, dont Rym Bousmid est une tête parlante de la MAP depuis juin 2015, et Fadwa Islah est une ancienne de Telquel, tendance André Azoulay, a mis en évidence une poussée sans précédent d’un harcèlement médiatique rampant qu’illustre parfaitement leur produit de ce mois de novembre : «Sahara – entre le Maroc et l’Algérie, avec qui Brahim Ghali mène-t-il la diplomatie du Polisario ?»
Que peut-on rajouter à cette ratatouille univoque, sinon rappeler que pour l’instrument Jeune Afrique et ses deux plumitives, la ligne diplomatique (serait) toujours impulsée en concertation avec l’Algérie, soutien historique et indéfectible de l’organisation dont l’enthousiasme pour la cause de la RASD connaît, selon la version marocaine, «un net regain avec Ramtane Lamamra».
Ce mono-journalisme d’une autre époque, figée sur le Sahara Occidental et fixée sur l’Algérie, ne conçoit pas une vérité autre que la sienne que «la diplomatie algérienne soit si multidimensionnelle, multifonctionnelle au service d’objectifs nobles et multiples».
Il surenchérit, sarcastique et dédaigneux : «Pour mettre en place cette politique, Brahim Ghali s’appuie de plus en plus sur des diplomates peu expérimentés. C’est ainsi que plusieurs postes stratégiques, comme celui de représentant du Polisario en Espagne ou celui des Nations unies auraient été pourvus en se fondant sur des affinités tribales et les amitiés personnelles, laissant de côté les critères de compétence.» (sic)
Les deux journalistes marocaines n’en sont pas à leur premier coup. Avant ce brûlot, dans le sillage de la vague propagandiste contre le Front Polisario, elles rebondissaient avec deux autres produits significatifs : «Sahara Occidental : la face cachée du Polisario» ; «Sahara Occidental : de Dakhla à Tindouf, comment je suis devenu séparatiste».
Cette question, devenue récurrente, est à chaque fois ressortie par le très subtile Jeune Afrique pour dénaturer les faits, se positionner ouvertement dans le conflit qui oppose la RASD au régime monarchique de Rabat et faire accroire, in fine, à la possibilité d’une bilatéralité entre le Maroc et l’Algérie, en tentant de marketer des formes de négociation qu’il n’arrive pas à définir.
Nonobstant la posture éditoriale de Jeune Afrique, qui reste grandement connu de tous pour être défavorable au processus de décolonisation du territoire non autonome du Sahara Occidental et à l’exercice du peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination, les exigences professionnelles auraient commandé non seulement l’objectivité, mais aussi la non-monopolisation de l’émission, notamment par rapport à l’alternance des rôles dans la pratique communicationnelle.
M. K.
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