Et la France commit le premier massacre à l’arme chimique de l’histoire en Algérie
Une contribution de Khaled Boulaziz – En ce mois de décembre de l’année 1852, il y a de cela 170 ans jour pour jour, la France des Lumières et des droits de l’Homme commit le premier massacre à l’arme chimique de l’histoire, en Algérie (1). A cette époque, la France est sous le règne de Napoléon III. L’Algérie envahie depuis 1830 vit au rythme d’enfumades, génocides et autres «progrès civilisationnels occidentaux».
Après deux décennies de meurtres et de rapines, l’armée de colonisation, en bute devant une résistance héroïque aux portes du Grand Sahara algérien, ses stratèges génocidaires et maîtres d’œuvre de la politique de la terre brûlée, décident d’innover dans leurs méthodes assassines afin de subjuguer les populations locales.
Dans la ville de Laghouat le 4 décembre 1852 lors de la bataille qui se déroula sur les rives de l’oued M’zi, des d’obus chargés de chloroforme, un composant chimique toxique, devenant fatal à un certain degré de concentration et dont l’inhalation provoque une forte inflammation des poumons et la mort par asphyxie, furent utilisés.
Le bombardement de la cité avec ces charges chimiques, exécuté par l’armée coloniale sous la conduite des généraux Pélissier (1), Puscaren et Joseph, contre les habitants locaux et ses résistants sous la conduite de valeureux résistants, à l’instar de Bennacer Benchohra, Cherif Benabdallah et Telli Belakhal, fit plus de 2 500 morts parmi une population locale estimée alors à quelque 3 500 âmes.
Après cette meurtrière bataille où les tribus de la région montrèrent une farouche résistance en dépit de l’inégalité des forces et des moyens, la soldatesque française entra dans la ville pour y découvrir des corps disséminés à différents endroits et achever les blessés et les personnes agonisantes avec un degré de cruauté tel que même les soldats français ayant pris part au massacre furent stupéfaits de l’effarante sauvagerie avec laquelle ont été décimés les habitants de la ville de Laghouat par l’utilisation de l’arme chimique.
Pour les historiens, l’emploi par l’armée coloniale française de cette méthode inhumaine était la seule manière de faire plier Laghouat, une ville-forteresse ceinte d’un rempart de ses quatre côtés et derrière lequel étaient positionnés des artilleurs.
Un dispositif qui n’a pu être percé que par le recours à l’artillerie lourde et aux obus de chloroforme pour parvenir à l’objectif de prise de cette ville géostratégique, qui constituait la porte vers la conquête du Grand Sahara algérien et de ses richesses naturelles souterraines.
Plusieurs témoignages d’officiers français décrivent la résistance de la ville de Laghouat, dont un est des plus éloquents. Celui-ci raconte : «Une fois débarrassés des corps des morts, il ne restait plus de survivants, hormis les soldats français, dans la ville fantôme où toutes les habitations étaient vides, sans exception. J’entrais dans cette ville silencieuse, frappée d’une mort violente. Le massacre était effroyable, et les habitations, les kheimas et les rues étaient jonchées de dépouilles de plus de 2 500 morts entre hommes, femmes et enfants. La France avait besoin de ce génocide pour prouver sa puissance aux tribus combattantes dans le Sahara.»
Ce témoignage est «un aveu de l’atrocité d’un des pires et violents massacres et crimes contre l’humanité à travers l’Histoire».
Terrible histoire d’une région parmi tant d’autres où des Algériens et des Algériennes, tout le long de la nuit coloniale, préférèrent la mort les armes à la main qu’à une capitulation devant un colonisateur recourant à des méthodes infâmes et barbares pour assouvir ses visées expansionnistes sur leur terre natale.
K. B.
1- https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Laghouat
2- Le général Pélissier initia la méthode des enfumades durant la campagne de pacification de l’Algérie. Il est le principal responsable de l’enfumade du Dahra, en juin 1845, au cours duquel il fait périr un millier de combattants et civils, dont femmes, enfants et vieillards, sans distinction, qui avaient cru trouver asile dans les grottes du Dahra. Une fois son forfait achevé, il eut l’effronterie de déclarer : «La peau de l’un de mes tambours a plus de valeur que tous ces indigènes.»
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