La sueur des exploités
Par Khider Mesloub – La France coloniale n’a rien construit en Algérie. Toutes les infrastructures bâties durant la période coloniale ont été construites par les travailleurs algériens sous commandement tyrannique de dirigeants colonialistes français qui officiaient en qualité d’esclavagistes gaulois. Aussi les vrais bâtisseurs de cette nouvelle Algérie moderne sont-ils les travailleurs et paysans algériens. La France coloniale, après avoir éborgné la Maison Algérie, autrement dit amputé sa souveraineté à coup de baïonnettes, s’est bornée à employer les matières premières de l’Algérie et la force de travail des Algériens. Aussi, peut-on proclamer que tous les édifices et bâtisses de la période coloniale sont l’œuvre des Algériens.
C’étaient les Algériens qui nourrissaient les parasites pieds-noirs, ces pieds nickelés, par leur labeur dans les champs agricoles, par leur travail dans les chantiers et les quelques usines. Et le fruit de leur travail, produits agricoles et infrastructures publiques, était accaparé par les pieds-noirs, ces pieds nickelés, incapables de se dresser debout, sinon sur le dos des Algériens qui les portaient à bout de bras, les engraissaient avec leurs abondantes et riches ressources agricoles et fossiles, extraites de la terre algérienne avec leurs mains viriles. Les pieds-noirs, enfants de bagnards expédiés par la France pour coloniser l’Algérie, furent des femmelettes, mercenaires de l’entreprise coloniale française qu’ils servirent avec dévotion et abnégation contre le peuple algérien. La France leur concéda l’opportunité coloniale de vivre de l’oppression et de l’exploitation du peuple algérien réduit en esclavage au nom de valeurs civilisatrices esclavagistes, encore aujourd’hui éhontément encensées par la République française, nonobstant leurs œuvres génocidaires.
Plus d’un siècle, ces pieds nickelés menèrent la vie de château grâce au peuple algérien qui les alimentait en mourant de faim. Ces esclavagistes gaulois vécurent dans de somptueuses maisons dans des villes algériennes régies par la ségrégation raciale et spatiale, barricadés dans leurs quartiers «européens» cossus pour ne pas subir la proximité et la promiscuité des indigènes «arabes», réduits à survivre dans des taudis plantés dans de sinistres domaines infectés de pollutions microbiennes toxiques et de misères sociales létales. Un siècle et demi durant, ces pieds-noirs privèrent les Algériens de leurs droits juridique, politique, économique, social, médical, culturel et cultuel. Leur interdirent d’accéder à la scolarité, sinon parcimonieusement, favorisée par calcul dans certaines régions berbérophones, dans le cadre de la stratégie de «diviser pour mieux régner».
Les grandes villes construites au profit exclusif des colons renferment encore la sueur et le sang des exploités algériens, véritables bâtisseurs de toutes les infrastructures dont les nostalgiques de l’Algérie française s’attribuent encore aujourd’hui la paternité.
Aussi, il ne faut jamais cesser de le marteler : la France coloniale n’a rien construit en Algérie, mis à part le statut de l’indigénat. Elaboré dans la continuité des lois spéciales visant les esclaves sous l’Ancien Régime (notamment le Code noir), le statut de l’indigénat est un système fondé sur la ségrégation, l’apartheid, le racisme institutionnel, sur fond de génocide culturel et de massacres de masse. Il est utile de rappeler que le code de l’indigénat contenait des règles coercitives et humiliantes (interdiction de quitter sa commune sans permis de voyage, de tenir des propos offensant envers un agent de l’autorité, obligation d’obéir aux ordres de corvées, de transport ou de réquisition d’animaux, règles vestimentaires à respecter ; amendes, prison, internement, séquestration, prononcés initialement par le commandement militaire doté de pouvoirs de «haute police» et le gouverneur général, puis tous les administrateurs des communes, sans passer par la case justice, etc.).
En revanche, la France coloniale a exploité la force de travail des Algériens, profiter gratuitement des matières fossiles algériennes, pour se bâtir une vie de parasite colonialiste, immortalisée par diverses œuvres gauloises dont la statue de Sétif constitue la sinistre vivante illustration.
Par conséquent, en 1962, le jour de son indépendance arrachée de haute lutte, l’Algérie n’a fait que recouvrer la souveraineté et, donc, la propriété de ces (ses) infrastructures (immeubles, gares, chemins de fer, ports, etc.) bâties par les indigènes, mais confisquées, appropriées, accaparées et monopolisées durant 132 ans par les pieds-noirs aux mains maculées de sang algérien. C’est-à-dire récupérer son patrimoine national constitué de toutes les infrastructures façonnées par les Algériens. La statue de Sétif, œuvre d’un sculpteur français métropolitain, érigée pour enchanter le regard triomphal des pieds-noirs fièrement hissés sur le peuple indigène socialement dénudé et dénué de tout statut juridique, fait-elle partie du patrimoine culturel algérien ? La réponse est dans la question. Une chose est sûre, elle mérite de figurer dans un musée dédié à l’Histoire coloniale française, et non parmi le riche patrimoine national algérien. Cette statue ne constitue pas un simple joyau de la culture, elle symbolise la culture du joug colonial.
K. M.
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