Lutte du peuple sahraoui face aux défis de l’année charnière 2023 et au-delà (I)
Par Hocine-Nasser Bouabsa – Après presque cinquante ans de lutte contre l’occupant marocain, le peuple sahraoui fera en 2023 face à des enjeux et rendez-vous déterminants pour son combat. En particulier les jugements attendus de la Cour de justice de l’Union européenne détermineront pour au moins une décennie les stratégies et périmètres d’actions des pays membres de cette Union, et aussi contour de ce combat.
Bien que le bon sens et la logique de la jurisprudence de la Cour aient jusqu’à présent conforté le droit sahraoui à l’autodétermination et le droit international, le risque existe néanmoins, que les juges européens soient soumis à des pressions politiques et au lobbysme des alliés du régime marocain, et finiraient par couver une «bombe» juridique qui déstabiliserait durablement et profondément l’ouest de la Méditerranée, en général, et l’Afrique du Nord, en particulier. Un tel scénario ouvrira sans doute la porte à une confrontation militaire désastreuse pour tous les pays de cette région.
Droit indéniable à l’autodétermination pour l’indépendance
La Conférence européenne de soutien et solidarité avec le peuple sahraoui, Eucoco 2022 – qui a rassemblé plus de 220 participants, dont des représentants de gouvernements locaux, régionaux et nationaux, de parlementaires, d’associations, des comités de soutien au peuple sahraoui, en présence d’une importante délégation sahraouie, présidée par le Premier ministre sahraoui, Bouchraya Beyun, et d’importantes délégations d’Algérie, d’Afrique du Sud et du Timor Leste, réaffirme tout d’abord son soutien indéfectible au droit indéniable à l’autodétermination du peuple sahraoui pour l’indépendance.
Consciente de la particularité du contexte actuel caractérisé par la guerre silencieuse au Sahara Occidental, les tensions régionales, la crise énergétique, le changement de position du président du gouvernement espagnol et les procédures en cours devant la Cour de justice de l’Union européenne, la Conférence de Berlin recommande un programme de travail et d’actions basé sur les discussions qui ont eu lieu au cours de la conférence et particulièrement dans les ateliers de travail.
Pour faciliter la lecture, l’auteur a fait une synthèse des points cardinaux de ces recommandations en les classant en trois différents chapitres : 1. Politique générale et diplomatie ; 2. Consolidation de l’Etat sahraoui ; 3. Sensibilisation de l’opinion publique internationale.
Politique générale et diplomatie
Dans le cadre de la politique générale et diplomatie, la conférence de Berlin recommande de :
1- Continuer d’exiger la mise en place de mécanismes qui garantissent le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, comme l’unique option. En effet, l’autonomie proposée par le régime marocain n’est qu’un paravent pour légitimer l’annexion et l’occupation militaires du Sahara Occidental. La seule solution pour parvenir à une paix durable doit assurer la justice et pérenniser les droits humain et international par le biais d’un référendum tel que déterminé par l’ONU dans le cadre de la décolonisation des territoires non autonomes. En raison de ses propres intérêts dans cette région voisine de l’Europe, cette dernière devrait jouer un rôle actif et proactif pour éviter une nouvelle escalade militaire du conflit. Elle doit aussi éviter de tomber dans la logique malsaine de «deux poids, deux mesures» dans la résolution de ce conflit. A cet effet, elle doit faire pression d’une façon résolue et crédible, à côté de l’ONU, sur le gouvernement du Maroc pour qu’il respecte la légalité internationale et permette la mise en œuvre des résolutions de l’ONU qui garantissent l’option de l’indépendance pour le peuple sahraoui.
2- Reconnaître le rôle central des Parlements dans la création d’un nouvel élan politique dans les pays occidentaux au profit de la cause sahraouie. A ce propos, il est nécessaire d’établir des contacts formels entre le Parlement panafricain et ses homologues européens. En outre, des mesures supplémentaires doivent être prises pour engager le Parlement espagnol et activer son rôle dans le but de faire pression sur le gouvernement espagnol pour qu’il revienne sur sa décision et rétablisse sa position conforme au droit international. La proposition de l’intergroupe européen d’envoyer des missions d’observation dans les territoires occupés du Sahara Occidental et la proposition de la Conférence interparlementaire tenue au Bundestag, le 2 décembre 2022, d’organiser le prochain Réseau international des Conférences des parlementaires pour le Sahara Occidental (RIPSO) à Alger en 2023, sont à saluer et doivent être suivies par des actes concrets sur le terrain.
3- Continuer la campagne de pression sur le gouvernement espagnol, en raison de son statut de puissance administrante du territoire et de sa responsabilité pour qu’il : (i) promeuve la nullité des accords de Madrid de 1975 et la promotion des initiatives politiques nécessaires pour défendre le droit légitime du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, sachant qu’il s’agit d’une question exclusive de décolonisation dans le cadre des Nations unies, (ii) reconnaisse le statut diplomatique de la représentation du Front Polisario en Espagne en tant que seul représentant du peuple sahraoui, tel que défini dans les résolutions des Nations unies, (iii) accroît sensiblement la coopération humanitaire et au développement avec la population sahraouie réfugiée, avec des formules garantissant sa durabilité, afin de garantir les services essentiels à la population réfugiée, (iv) apporte son appui matériel pour neutraliser les effets du Covid-19 et la crise économique actuelle tant dans les camps que dans les territoires libérés.
4- Soutenir et encourager les initiatives politiques qui font pression sur les organismes internationaux (ONU et UE) et les gouvernements du Maroc, de la France et de l’Espagne (puissance administrante du territoire) pour (i) la tenue du référendum d’autodétermination et d’indépendance du Sahara Occidental, conformément aux résolutions de l’ONU, (ii) la cessation du pillage des ressources naturelles au Sahara Occidental, en application des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne de 2016, 2018 et 2021, (iii) la cessation des violations des droits de l’Homme par le gouvernement marocain au Sahara Occidental et la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis dans les prisons marocaines, ainsi que l’ouverture du territoire aux commissions d’observateurs internationaux, défenseuses des droits humains.
5- Mettre en place un plan d’action politique, juridique et populaire inclusif en amont de la décision de la Cour de justice européenne qui garantirait la participation des citoyens et de la base dans les différents pays européens.
6- Améliorer les efforts et les actions pour maintenir la pression sur le système des Nations unies, en particulier le secrétaire des Nations unies général, Conseil de sécurité et 4e Comité spécial de l’Assemblée générale des Nations unies sur la décolonisation.
H.-N. B.
PhD
(Suivra)
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