Comment l’ex-chancelière allamande a planté un caillou dans la botte de l’Otan
Par Amar Djerrad – «Etre un ennemi de l’Amérique est dangereux, mais être un ami de l’Amérique est fatal.» (Henry Kissinger.) La sortie inattendue de l’ex-chancelière allemande Angela Merkel n’est que la confirmation de ce qui en a toujours été chez les atlantistes. Elle n’a fait que reconnaître, en tant qu’ex-chancelière et officielle, l’attitude hypocrite et les turpitudes du «collectif occidental» envers le reste du monde et non seulement la Russie.
Exécrable tromperie ordonnée par les Etats-Unis
Leur orgueil les focalise uniquement sur ce qu’ils pensent et font eux-mêmes et de décider ce qui est valable ou interdit pour les autres suivant cette prétention impériale de supériorité morale, culturelle et militaire sur le monde qui n’est pas occidental. Quand on compte, dit-on, égoïstement seul, on trouve toujours un «bonus» pour soi. La devise amorale des impérialistes se résume ainsi : je mens, je triche, je vole les richesses d’autrui, je provoque pour dominer, si nécessaire, par la force armée, et si ça se gâte, je négocie pour gagner du temps et accumuler afin de pouvoir recommencer plus tard dans d’autres circonstances.
Une exécrable tromperie ordonnée, bien entendu, par les Etats-Unis que met à jour Angela Merkel à propos des accords Minsk 1 et 2. Huit ans après leur signature, sans la moindre tentative de les faire respecter malgré les récurrentes sollicitations de la Russie, sous de multiples provocations en plus. Poutine a dû jouer sur la patience, la rationalité et la sagesse ; en quelque sorte, «suivre le menteur jusqu’à la porte de sa maison» (proverbe algérien). L’ancien président Petro Porochenko l’a dit avant Merkel (avec plus de précisions) en juin 2022 à plusieurs médias occidentaux et personne n’y a donné du crédit parce que la volonté et le pouvoir de les faire appliquer revient à l’Otan en priorité aux Etats-Unis. Comme cette fois, c’est Merkel qui l’a affirmé, cela prouve que la non-application des «deux Minsk» faisait partie incontestablement de la stratégie des Etats-Unis via l’Otan.
On se permet même le culot navrant de l’inversion accusatoire en s’évertuant sournoisement à vouloir porter la responsabilité du non-respect des accords à la Russie !
Un aveu par regret et patriotisme ?
Angela Merkel, certainement à bout et par patriotisme, voyant aujourd’hui son Europe et plus précisément son pays, la puissante Allemagne (que le gouvernement actuel de Olaf Scholz est impuissant à défendre) – le moteur de l’économie européenne – sombrer inexorablement dans la récession et la désindustrialisation, a dû peiner pour trouver une sortie afin de mettre un terme aux pressions américaines, imposant un suivisme aveugle, destructeur, menant vers une faillite énergétique et industrielle, mais ignoblement sans effets significatifs sur l’économie des Etats-Unis qui s’en sont bien prémunis. On cite un montant des programmes de renflouement et de sécurité énergétique de 465 milliards de dollars (soit 12% du PIB). Elle a certainement réfléchi que seule la révélation de la tromperie aura pour effet d’altérer toute la stratégie et la propagande américaine contre la Russie, par le fait que ces accords ont été signés pour la duper afin de gagner du temps pour armer le proxy ukrainien en vue d’une guerre (révélation faite à l’hebdomadaire allemand Die Zeit). Par cette tricherie, la responsabilité de la France, de l’Allemagne et du Conseil de sécurité (qui ont parrainé ces accords en se portant garants) sur ce qui se déroule en Ukraine et la destruction de ce pays est totale. Par cette action, elle confirme ainsi que l’opération militaire tardive russe est entièrement justifiée sur tous les plans, dont moralement. La Russie, qui a respecté ces accords, est donc dans son bon droit en intervenant militairement en Ukraine.
L’autre idée est que l’acte terroriste des «alliés» qui ont détruit le North Stream 2, qui allait permettre la survie de l’Allemagne en tant que puissance, provoquant la colère des Allemands, a certainement suscité la riposte catégorique de Merkel qui a compris les véritables objectifs des Etats-Unis contre son pays. A savoir empêcher l’Allemagne, le moteur de l’Europe et donc l’un des principaux piliers soutenant la puissance américaine, de mettre un pied dans le monde eurasiatique, plus prometteur et sécurisé que le modèle américain. L’Allemagne, aujourd’hui, est obligée d’acheter son énergie aux Etats-Unis trois à quatre fois plus cher qui rendront ses produits plus onéreux que les produits américains, au lieu de l’avoir directement de la Russie à bon marché. Par effets d’entraînement, ce sera tous les produits européens qui ne seront plus compétitifs. Ce n’est pas tout : à l’instigation évidemment de son curateur, les Etats-Unis, la Pologne se permet, en ces moments de crise, de réclamer à l’Allemagne environ 1 300 milliards de dollars en réparation des dommages causés par la Seconde Guerre mondiale. Berlin répond qu’il n’a rien à payer, estimant avoir déjà payé. Ils veulent manifestement son écrasement.
On peut comprendre que la sortie de Merkel, pressentant l’inéluctable victoire de la Russie, vise à annihiler toute idée de «cessez-le-feu» précoce qui ne peut être que ruse et entraver l’action dominatrice et paralysante américaine afin d’accélérer la fin de son hégémonie en Europe qui équivaut à la fin de l’Otan ! Sur le «cessez-le-feu», Kissinger a fait une étrange proposition dernièrement qui va dans le sens des discussions informelles sur les «négociations» et la «trêve de Noël». Une arnaque comme celle que révèle Merkel qui vise aussi à gagner du temps pour renflouer les forces ukrainiennes avec de nouvelles armes et munitions. Kissinger propose carrément un retrait russe sur les lignes d’avant le 24 février puis Donetsk, Lougansk et la Crimée «pourrait faire l’objet d’une négociation après un cessez-le-feu», si impossible alors des «référendums dans ces territoires pourraient s’avérer une alternative». Pourquoi pas ? Quand la sénescence des 100 ans d’âge sera reconnue érudition.
Merkel doit espérer ainsi soit un réveil des peuples européens, seuls à même d’imposer une paix en conformité avec les légitimes craintes et exigences sécuritaires russes, soit donner un prétexte acceptable, le moins humiliant, aux responsables européens pour arrêter la ruine et la débâcle en suivant, unis, la seule voie des négociations sécuritaires mutuelles, qu’excluent bien sûr (pour le moment) les décideurs/tuteurs américains et leur annexe anglaise. Dans tous les cas, son aveu reste un caillou douloureux dans la botte otanesque.
Aveu qui décrédibilise l’Europe en démontrant son «béni oui-ouisme»
Bien que frustrant pour la Russie, cet aveu rend légitimes les arguments de la Russie au sujet de son intervention en Ukraine. Le président russe trouve cela «inattendu», précisant «cela déçoit. Franchement, je ne m’attendais pas à l’entendre de la part de l’ancienne chancelière fédérale. J’ai toujours considéré que les autorités de l’Allemagne étaient sincères avec nous.»
Les révélations de Merkel ont fait réagir l’ancien vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache qui ne semble pas content par cette révélation (il n’est pas le seul), jugeant que «c’est effrayant la franchise avec laquelle Mme Merkel en parle. De cette manière, nous détruisons toute base de confiance.» Il est vrai que cela sape la crédibilité de l’Occident, mais il doit savoir que les atlantistes ne peuvent pas être crédibles et de confiance quand ils réalisent des objectifs égoïstes, malsains, qui sèment la mort, par le mécanisme de corruption américain. Ils n’ont jamais eu vraiment de «fondements» ni de «principes» ni d’actions sérieuses ; du moins lorsqu’ils sont confrontés à un jeu d’intérêts illicites ou à des faits intolérables. C’est bien dans l’adversité que les principes et valeurs s’attestent et non en situation de paix. Grâce à cette guerre chez eux provoquée par eux-mêmes, toutes leurs sournoiseries, leur hypocrisie et leurs boniments, cachés sous un sophisme futile, sont mis au grand jour.
Ce seront tous les pays du monde qui regarderont désormais avec un autre œil plus vigilant, une autre approche plus prudente tout accord avec l’Occident.
C’est à se demander si le Brexit ne serait pas un stratagème américano-anglais visant à détacher le Royaume-Uni d’une Europe prévue lieu d’une confrontation afin de la préserver des éventuelles graves conséquences d’une guerre programmée, par proxy ukrainien, contre la Russie. Au regard des faits et de l’évolution de la situation, c’est certainement le cas. L’Europe, notamment l’Allemagne et la France, est ainsi doublement dupée.
L’Allemagne et la France (dans le sillage, le reste de l’Europe), ainsi ridiculisées pour manquement à la parole donnée (malgré la ridicule et inutile tentative d’Emmanuel Macron de sauvegarder les accords en proposant un 3e Minsk), sont totalement discréditées et disqualifiées pour mener de quelconques négociations de paix ou de médiation et ce, sans évoquer les atteintes graves, récurrentes, aux usages diplomatiques (fuites intentionnelles d’informations aux médias par Macron, par exemple).
Désormais, le maître du jeu, seul, peut engager sa bonne foi en proposant d’autres assurances de façon digne de confiance que celles coutumières. L’Europe n’étant qu’un faire-valoir, par son rôle de subalterne, pour mettre en œuvre les visées de Washington. Même sa pseudo-presse dite «mainstream» (écrite et visuelle) endoctrineuse, fourbe et raciste, est animée par des plumitifs sans dignité, chargés de porter la voix de la «bien-pensance» de leur suzerain américain, lui obéissant en toutes circonstances. L’UE est bien dans la relation «maître-élève» du fait de sa dépendance stratégique, sécuritaire, militaire et économique des Etats-Unis.
Dès lors le «béni oui-ouisme» des temps coloniaux apparaît moins humiliant que le «béni oui-ouisme», d’aujourd’hui, du Conseil de l’Europe sur les questions de souveraineté politique, économique et culturelle, ainsi que sur le cas de l’Ukraine. Les dirigeants européens sont responsables de ce qui arrive sur leur continent. La faute leur incombe pleinement.
La guerre «s’arrêtera si Poutine le veut» ?
Pendant que des voix non officielles, telles celles de Merkel, tentent d’ouvrir des voies pour arranger une solution, d’autres comme celle de sa compatriote la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock rejette tout cessez-le-feu éventuel aux «conditions russes» qui attentent à «l’horreur du peuple ukrainien», selon Sputnik qui rapporte un extrait de son interview à l’hebdomadaire Bild am Sonntag. Elle estime que «si Poutine le veut, alors la guerre sera finie demain», en ordonnant à «ses troupes de se retirer». Ce serait courageux et honorable si c’est le peuple et les soldats ukrainiens, qui sont face à la mort, qui le disent et décident de leur propre sort et non l’Allemande Baerbock depuis son bureau, bien chauffée, à Berlin. Elle ne voit pas le chaudron dans lequel se trouvent les soldats ukrainiens.
Constat venant de l’ancien sénateur et ex-colonel de l’armée américaine Richard Black lors d’une visioconférence. Selon lui : «La bataille en cours pour Bakhmout est progressivement devenue un désastre pour l’armée ukrainienne. Les troupes ukrainiennes sont jetées par milliers dans un chaudron de la mort et elles ne semblent pas avoir de solution. La Russie gagne à Bakhmout.» Elle ne voit pas non plus ce que rapporte son média allemand Bild qui s’est rendu à Bakhmout «avec de l’artillerie et des chars obsolètes, les soldats ukrainiens défendent le secteur le plus difficile du front du pays (ils) ripostent au mieux de leurs capacités. Ils tirent avec tout ce qui fonctionne. Les munitions se font rares». Des experts occidentaux assurent que les pertes des forces armées ukrainiennes près de Bakhmout atteignent 500 à 800 personnes par jour, que les hôpitaux sont surpeuplés et que les écoles sont converties en hôpitaux. Mais Annalena Baerbock n’en a cure des sérieux revers que subit l’armée ukrainienne et des morts qu’elle subit, car ceux qui meurent ne sont pas des Allemands, encore moins ses proches ! Elle n’est pas aussi la seule à débiter ce genre d’absurdités.
Pour le président Poutine, «chat échaudé craint l’eau froide». Il sait qu’il n’y a rien à espérer d’honnête de l’Otan. Il n’accordera plus aucun crédit à leurs paroles. Il continuera sans aucun doute à maintenir la pression militaire et économique tant que les «conditions» sécuritaires maximales ne sont pas atteintes avec la reconnaissance de la réalité sur le terrain, c’est-à-dire que tous les territoires acquis sont russes. L’avis des autorités ukrainiennes actuelles (installées par les Etats-Unis) n’est pas nécessaire ou ne sera que formel. Entre-temps, il poursuivra l’objectif stratégique d’instauration d’un processus multipolaire plus juste et respectueux des valeurs, que souhaitent bien d’autres Etats, avec le concours d’autres puissances, afin de mettre fin à cet impérialisme inhumain qui veut phagocyter le monde.
Les Européens (de l’Ouest) doivent se faire à l’idée que tout a une fin encore plus un monde basé sur la prédation, l’injustice et le mensonge leur permettant une vie paisible, au-dessus de leurs moyens, presque gratuite, au détriment des peuples honnêtes et laborieux.
Une Allemagne novatrice, performante et crédible
Le monde, en particulier l’Afrique, reconnaît toutefois que l’Allemagne est la première économie d’Europe dotée d’un modèle social (réduction du nombre de chômeurs en particulier) et économique (surtout industriel) performants, ainsi que ses capacités d’innovation. On note 85% des exportations allemandes, la part des emplois dans l’industrie et la construction représente, 28% de sa population active. Une analyse commente ainsi : «L’échange de services internationaux évoluant quasiment au même rythme que le commerce des marchandises, l’Allemagne cherche à étoffer ce volet de sa balance commerciale. Le pays y parvient avec une augmentation de 110,5% en dix ans.» Malgré les effets de la crise sanitaire et le recul sur cinq années consécutives, l’Allemagne a enregistré, en 2021, un honorable excédent de la balance commerciale de plus de 181 milliards d’euros avec un taux de couverture de 115% (les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni étant fortement déficitaires) et ce, bien entendu, grâce à un approvisionnement en gaz russe bon marché.
On comprend, dès lors, cet acharnement de Washington à rendre l’Allemagne la moins compétitive en la faisant dépendre de son énergie bien plus chère. En fait, l’économie allemande était visée du temps de Trump lorsqu’il avait dit à Bruxelles (en 2017) devant les dirigeants des institutions européennes que la politique commerciale de l’Allemagne est «très mauvaise». Selon Der Spiegel, il aurait déclaré : «Regardez les millions de voitures qu’ils vendent aux Etats-Unis. Horrible. Nous allons arrêter ça.» Propos nuancés par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne.
Angela Merkel, qui semble avoir compris le «manège» américain en l’Europe et particulièrement en Allemagne, avait fait une déclaration d’importance lors d’un meeting de la CSU en Bavière après avoir passé deux jours au sommet du G7 en Italie : «Les temps où nous pouvions compter les uns sur les autres sont quasiment finis. Je viens d’en faire l’expérience ces derniers jours. C’est pourquoi je ne peux que dire qu’il faut que les Européens prennent leur destin en main, bien sûr en toute amitié avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et comme bons voisins même avec des pays comme la Russie. Mais nous devons savoir que nous devons nous battre pour notre futur nous-mêmes.» Plus de cinq ans après, en 2022, rien de cela n’est réalisé, les choses ont empiré en Europe ; l’Allemagne est en grande difficulté économique et encore plus dépendante des Etats-Unis.
L’Allemagne a toutefois à son actif plus de crédibilité, aux yeux des Africains, que la France et ce, pour son sérieux dans ses relations internationales, d’une part, et, surtout, en comparant leur passé colonial, d’autre part. La France survit grâce à son néocolonialisme sur 14 pays africains (qui utilisent le Franc CFA) contrairement à l’Allemagne. Rappelons que la France est le pays qui a colonisé le plus de pays africains (21 pays).
Les responsables allemands se trouvent à la croisée des chemins dans une situation kafkaïenne ou, comme dit un dicton algérien, «très chaude d’un côté et brûlante de l’autre». Soit ils continuent dans leur entêtement à demeurer les vassaux des forces aveugles des Etats-Unis avec tous les risques existentiels, soit ils affichent clairement leur indépendance et ériger des stratégies audacieuses pour prévenir et faire face aux ripostes agressives éventuelles, tout en nouant rapidement d’autres alliances plus solides et crédibles.
Les Allemands doivent toujours se rappeler la crise dans les années 1930 qui a eu des répercussions désastreuses au niveau économique, social et politique. Retrait de capitaux, surtout américains, qui ont provoqué des faillites, l’effondrement des exportations et de la production industrielle, provoquant un très fort chômage touchant 33% de la population active. Ce qui a engendré la montée du nazisme.
A. Dj.
Comment (24)