Mort suspecte d’un prisonnier algérien en France : un collectif exige la vérité
Par Houari A. – L’association Espoir solidarité Idir se bat pour que soit faite toute la lumière sur la mort suspecte d’un prisonnier d’origine algérienne dans une prison française. Suite à de nombreux contrôles au faciès, le permis de la victime a fini par lui être retiré. Idir Mederres, âgé de 22 ans, a été arrêté par la police suite à une conduite sans ce document. Il a été immédiatement incarcéré le 17 septembre 2019. Le 9 septembre 2021, à deux semaines de sa sortie, il sera retrouvé «pendu», selon les fonctionnaires de justice, dans sa cellule du quartier disciplinaire, communément appelé «mitard» dans le jargon pénitentiaire. «Il se serait pendu avec des draps accrochés à un point d’attache qu’il lui était matériellement impossible d’atteindre et les pieds touchant le sol, c’est-à-dire sans que la corde ne puisse matériellement l’empêcher de respirer», dénonce l’association.
«Dans un premier temps, la famille et les amis de la victime ont créé un collectif pour faire reconnaître ce crime. Ce collectif s’est aperçu que beaucoup de familles algériennes et africaines sont victimes de meurtres en prison maquillés en suicide», souligne l’association dans une déclaration à Algeriepatriotique. «Comme le chahid Larbi Ben M’hidi, les Algériens auraient, selon les fonctionnaires de la justice, une tendance à se pendre avec leur drap aux barreaux de leur cellule et, toujours, comme Larbi Ben M’hidi, il s’agit en réalité de crime déguisé en suicide», dénonce le collectif qui veut prouver par ce parallèle que les pratiques criminelles de certains cercles en France demeurent inchangés plus d’un demi-siècle après l’indépendance de l’Algérie.
C’est en faisant ce constat alarmant que le collectif a décidé de se constituer en association pour, affirme sa présidente, «continuer le combat [qui] est toujours celui de la vérité et de la justice». «Nous voulons que les mensonges cessent et qu’enfin la justice reconnaisse ce crime commis par des fonctionnaires», accuse-t-elle. «Nous demandons aussi la disparition des quartiers dits disciplinaires qui sont des lieux de torture psychologique et physique», s’indigne l’association qui organise une permanence les mercredis à Villeurbanne, à Lyon, où elle reçoit les familles et les conseille.
L’association organise également régulièrement des manifestations comme, celle du 21 novembre 2021 à Lyon qui a été attaquée par des nazis armés et cagoulés qui ont bénéficié de la protection de la police, s’insurge-t-on. «Nous avons déposé plainte et, à l’heure actuelle, nous constatons que les nazis qui ont attaqué les familles victimes de crimes sécuritaires et pénitentiaires n’ont toujours pas été auditionnés et jugés», constate cette association qui dénonce «le harcèlement et la violence» exercés contre ses membres «pour nous faire taire». Elle fustige, dans le même temps, «l’immunité et la protection dont bénéficient [nos] agresseurs».
«En France, il y a un détenu déclaré comme s’étant suicidé tous les trois jours, ce qui montre la tâche importante que notre association s’est engagée à accomplir», alerte l’association Espoir solidarité Idir.
«La matérialité des faits et les marques de violence sur le corps d’Idir contredisent la version de ses geôliers», assurent les membres de l’association qui se réfèrent aux déclarations d’un témoin présent sur place et s’appuient sur les preuves recueillies par la famille. «Idir a été passé à tabac et ce crime a été maquillé en suicide», insistent-ils, en précisant que «ses geôliers lui ont coupé l’eau et l’électricité pendant plusieurs jours, l’obligeant à boire l’eau des toilettes».
«Dans ce dossier, et alors que la famille a déposé plainte, la justice française semble faire preuve de négligence en ne recherchant pas la vérité», poursuit l’association qui s’interroge : «Pourquoi les geôliers impliqués dans cette affaire n’ont pas été suspendus par mesure conservatoire ? Pourquoi n’ont-ils pas fait l’objet d’écoutes téléphoniques ? Pourquoi leurs SMS et leurs courriels n’ont-ils pas été révélés ? Pourquoi le témoin n’a-t-il pas été mis en sécurité ? Pourquoi continue-t-il à subir la pression du système carcéral qui lui a imposé plus de quatre-vingt-dix jours de quartier disciplinaire et six mois d’isolement sous des prétextes imaginaires depuis son témoignage dans cette affaire ?»
«Tous ces éléments nous conduisent à penser que la justice française veut camoufler ce crime, allant jusqu’à violer les droits fondamentaux du témoin en ayant recours à des méthodes de tortures», fait remarquer l’association qui rappelle qu’un récent rapport des Nations unies se dit «préoccupé par le fait que la discrimination raciale systémique, ainsi que la stigmatisation et l’utilisation de stéréotypes négatifs à l’égard de certaines minorités, notamment les Roms, les Gens du voyage, les personnes africaines et d’ascendance africaine, les personnes d’origine arabe et les non-ressortissants demeurent fortement ancrées dans la société française».
«Nous espérons que les meurtres d’Algériens en France fassent l’objet d’enquêtes sérieuses et non bâclées et que les assassins d’Algériens n’échapperont plus aux sanctions pénales», conclut la présidente de l’association.
H. A.
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