Dinar numérique algérien : attention, ne pas confondre avec la crypto-monnaie !
Par Abderrahmane Mebtoul – Le gouvernement a décidé d’introduire progressivement la monnaie numérique en Algérie. La Banque d’Algérie, à travers la numérisation des paiements, assurera l’émission, la gestion et le contrôle sous le nom de «dinar numérique algérien». Non seulement beaucoup de pays ne sont encore qu’au stade de l’expérimentation, mais il ne faut surtout pas confondre avec les crypto-monnaies.
La monnaie émise directement par la Banque centrale circule sous deux formes : les pièces et les billets, qui forment ce qu’on appelle la monnaie fiduciaire et les sommes placées par les banques commerciales sur les comptes qu’elles détiennent auprès de la Banque centrale pour s’approvisionner en billets de banque, mais aussi parce que la Banque centrale lui impose d’y laisser des sommes en réserve – les réserves obligatoires. Ce compte sert également pour les opérations de prêt que la Banque centrale accorde aux banques commerciales dans le cadre de sa politique monétaire.
Une monnaie numérique de Banque centrale est une monnaie émise par cette dernière totalement dématérialisée. C’est une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique. C’est en quelque sorte un équivalent numérique de l’argent liquide pouvant être stocké sur un support électronique – la puce d’un téléphone mobile – ou à distance sur un serveur – un compte en ligne.
Nous pouvons avoir deux formes de monnaie numérique de Banque centrale : une monnaie centrale dite «interbancaire», qui serait utilisée exclusivement par la Banque centrale et les banques commerciales ou d’autres institutions financières, pour les transactions financières entre elles. Cette monnaie centrale numérique pourrait être créée via une technologie de registre distribué, comme la blockchain, ce qui permettrait d’effectuer les transactions financières de manière plus rapide, transparente, sûre, et à moindre coût qu’en utilisant une technologie classique et une monnaie centrale dite «de détail», utilisable par le grand public qui pourrait utiliser cette monnaie centrale numérique soit sous une forme stockée dans un support physique – une carte, un téléphone mobile, etc. –, soit via un compte ouvert en monnaie centrale numérique.
L’objectif ne serait pas que cette monnaie numérique de détail remplace les pièces et les billets. Il s’agit plutôt de proposer une alternative, une monnaie numérique publique émise et garantie par une Banque centrale, permettant d’offrir au public un choix et d’accompagner l’évolution des comportements en matière de paiement.
Les conditions du succès de la monnaie numérique sont la confiance, tant des opérateurs que du citoyen, une refonte totale du système financier qui, jusqu’à présent, s’est cantonné dans un simple guichet administratif, une tendance à la convertibilité du dinar et surtout l’introduction de la masse monétaire en circulation hors banque qui, selon le président de la République, représente un montant évolué entre 6 000 et 10 000 milliards de dinars, entre 33 et 45% du PIB, ce qui explique la différence par l’effritement du système d’information, sphère qui, d’ailleurs, influe négativement sur toute la politique socio-économique du pays.
On ne doit donc pas confondre la monnaie numérique avec les crypto-monnaies qui circulent sur Internet hors de toute institution bancaire. Les crypto-monnaies, plutôt appelées «crypto-actifs», sont des actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain (chaîne de bloc) à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté. Ce n’est pas une monnaie proprement dite. Sa valeur se détermine en fonction de l’offre et de la demande. Les crypto-actifs ne reposent pas sur un tiers de confiance, comme une Banque centrale pour une monnaie, car elle n’a pas d’autorité centrale d’émission ni de régulation, mais utilise plutôt un système décentralisé pour enregistrer les transactions et émettre de nouvelles unités.
Courant 2022, échaudés par les enseignements de la crise économique due à la crise sanitaire mondiale, de nombreux pays engagent des processus pour faire évoluer leur législation. Mais celles-ci peuvent-elles s’appliquer sans risques dans une économie déstructurée et sans lever les verrous technologiques qui freinent encore son adoption massive, tels que les questions de normalisation, d’interopérabilité, de vitesse de traitement ou encore de passage à l’échelle (scalabilité), les incertitudes juridique et réglementaire, force probante des informations issues de la blockchain, loi applicable et compétence juridictionnelle en cas de litige ? Cela implique un niveau élevé de qualification du chargé des opérations financières. La technologie blockchain participe d’une tentative de redéfinir la notion de confiance par sa capacité intrinsèque à gérer les transactions de façon innovante directement de pair à pair, sans intermédiaire, sur une base consensuelle et sécurisée.
Cependant, l’utilisation des crypto-monnaie est assez controversée, largement critiquée pour sa volatilité, son utilisation dans des transactions potentiellement malhonnêtes. On observe notamment ce phénomène dans les pays en développement dont la monnaie fiduciaire est faible et plutôt instable. Ce qui explique que certains Etats interdisent ou restreignent l’utilisation du Bitcoin et de toute autre crypto-monnaie.
Ainsi, le gouvernement indien a décidé de restreindre l’utilisation des crypto-monnaies privées, mais avec l’accélération de sa monnaie digitale contrôlée par la Banque centrale. En Russie, s’il est possible d’acheter des crypto-monnaies ou des NFT en tant qu’actif spéculatif, il n’est pas possible de les utiliser en échange de biens et de services. Selon le Financial Times, le Bitcoin est actuellement considéré comme illégal dans six pays : la Bolivie, le Maroc, l’Algérie, l’Egypte, le Népal et Bangladesh. D’autres Etats, comme la Turquie et la Chine, ont récemment pris la décision de restreindre l’utilisation des crypto-monnaies, tandis que le Parlement européen a voté, le 14 mars 2022, la loi MiCA (Market in Crypto Assets) visant à réglementer le marché des crypto-monnaies.
La majorité des pays, y compris dans certains gouvernorats aux Etats-Unis, dont celui de New York, poussés par la crise énergétique, envisagent d’interdire le minage des crypto-monnaies. En cinq ans, la consommation d’énergie liée aux crypto-monnaies a augmenté de 900% en 2021, ce qui représente 0,4% de la consommation électrique au niveau mondial
A. M.
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