Le pain de la colère
Par Mrizek Sahraoui – S’ouvre en France une semaine de tous les périls sur la cohésion nationale et la paix sociale dans un pays sous la menace sinon d’un embrasement, à tout le moins d’un blocage total. Pour décrire l’état d’exaspération des Français en proie à une paupérisation généralisée, se peut-il qu’il faudrait paraphraser John Steinbeck : Dans les fours des boulangers, la baguette de la colère se gonfle et cuit, annonçant une explosion sociale prochaine et des plus probables.
Avec les Gilets jaunes, le prix des carburants avait été le déclencheur d’une révolte inédite qui mit la France à feu et à sang. Cette fois, c’est le coût de l’énergie qui risque d’être le vecteur d’une forte contestation de l’action du gouvernement Macron. Dont beaucoup de Français lui reprochent d’avoir fait un mauvais choix politique, une stratégie dictée par les Etats-Unis jugée contraire aux intérêts de la France, donc des leurs. Les spécialistes lucides et qui observent la neutralité dans le conflit en Ukraine sont unanimes : les sanctions contre la Russie ont eu des conséquences contreproductives sur les économies occidentales, déjà en proie à une inflation galopante. Excepté l’économie américaine, bien évidemment, parce qu’elle a tiré son épingle du jeu de cette guerre par procuration à moindre coût en vie de soldats.
Les boulangers, qui risquent des fermetures très rapidement si rien n’est fait, se mobilisent – un appel de la profession pour une grande manifestation est lancé pour le 23 janvier prochain à Paris. Ils dénoncent une flambée des prix de l’électricité et du gaz générant des situations dramatiques malgré les aides publiques, pour l’heure estimées en deçà des espérances. Le risque bien réel et, surtout, bien compris par Emmanuel Macron, c’est de voir cette grogne des boulangers s’agréger aux autres luttes sociales – les syndicats sont vent debout prêts pour une mobilisation générale ; les médecins en grève depuis plusieurs semaines, au moment où le gouvernement s’apprête à présenter la réforme des retraites, toute aussi explosive car contestée par une majorité de Français. Ils sont 79% d’entre eux à penser qu’une explosion sociale est inévitable dans les prochains mois.
Si Emmanuel Macron, dont on dit être d’assurance d’un stratège entendu, a pris la mesure de la menace qui pèse sur le pays en distribuant des chèques tous azimuts, il n’en reste moins que, selon ses détracteurs, il ne semble pas avoir tiré les leçons des crises passées, notamment le mouvement des Gilets jaunes toujours en état de veille et la pandémie liée au Covid-19, les deux raisons principales de la victoire en demi-teinte d’Emmanuel Macron en 2022.
Si, d’un côté, la guerre en Ukraine a renfloué les caisses de l’Etat, permis à l’industrie de l’armement d’engranger des bénéfices astronomiques, de l’autre, en revanche, elle laisse sur le carreau les secteurs d’activité les plus vulnérables, tels le secteur hospitalier en effervescence et sous tension en permanence, les PME/PMI qui enregistrent des faillites en série, les artisans et les petits commerces de proximité en voie d’extinction. Plus encore, les pans entiers de la société – la classe moyenne et les plus précaires – qui ont vu leur pouvoir d’achat s’éroder par une politique plus favorable aux plus riches ; ceux que la crise frappe de plein fouet qu’Emmanuel Macron exhorte d’être «au rendez-vous de la sobriété énergétique», la dernière duperie rhétorique d’Emmanuel Macron, le président de la vacuité, fustigent ses adversaires.
M. S.
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