Le but caché de l’interview sur l’Algérie commandée par Emmanuel Macron
De Paris, Mrizek Sahraoui – Le président Emmanuel Macron s’est longuement confié au Point dans une interview parue ce mercredi. Dans cet entretien réservé aux abonnés du magazine de droite, le président français s’est épanché sur les thématiques de la colonisation, de la repentance et de l’immigration. Mais il a aussi voulu insister sur l’avenir des relations complexes entre la France et son ancienne colonie. Pour cela, Emmanuel Macron dit «espérer que le président Tebboune pourra venir en 2023 en France» dans le but de poursuivre le «travail d’amitié» initié à la suite et sa visite en Algérie en août 2022.
Tous les médias français en général ont titré sur le fait qu’Emmanuel Macron «ne va pas demander pardon à l’Algérie». Même si les articles sont construits sur la base de la dépêche de l’AFP, il n’en demeure pas moins que cette unanimité pose question. Dans tous les cas, elle donne dans le même temps un éclairage sur les vrais objectifs de cet entretien : le choix, loin d’être anodin, du timing et de l’intervieweur vise clairement à frapper un grand coup médiatique au moment où se profile une contestation sociale qui risque de déboucher sur un embrasement généralisé de la France.
Cette énième déclaration du président Macron ne surprend pas, compte tenu de sa versatilité légendaire même sur des sujets aussi banals que le temps qu’il fait. Il a été, un matin de novembre 2018, capable de rendre hommage au maréchal Pétain, puis d’encenser dans la foulée Guy Moquet, avant d’aller, dans l’après-midi même, se recueillir sur la tombe du général De Gaulle au cimetière de Colombey-les-Deux-Églises. C’est dire.
Emmanuel Macron a admis que «prendre la parole sur l’Algérie est potentiellement périlleux mais indispensable». Oui, indispensable vu le contexte et le scénario noir que l’on voit poindre à l’horizon. La menace de voir ce quinquennat virer au chaos comme l’a été le premier est palpable. Le spectre d’une révolte similaire à celle déclenchée en octobre 2018 par les Gilets jaunes n’est pas éloigné avec, cette fois-ci, la possible agglomération de l’ensemble des acteurs sociaux, syndicats, associations diverses et même des commerçants et des petits entrepreneurs.
Force est bien de déduire que cet entretien n’est que la suite logique des attaques des journaux Le Monde et Libération jumelées à celles de l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt. Il était prévisible, la ficelle étant un peu grosse, que les déclarations de l’ancien diplomate rappelé à la demande des autorités algériennes, dont l’amitié avec le clan de l’ancien président algérien défunt, avec certains oligarques aujourd’hui sous les verrous et quelques journalistes qui avaient le code secret de la porte dérobée de l’ambassade de France à Alger, c’est une évidence donc que ses déclarations – qui relèvent de la voyance à prix discount – sur «l’effondrement de l’Algérie» ne sont en réalité que la première étape d’une opération de diversion visant à éclipser la grogne sociale de plus en plus en ébullition.
Une telle sortie du président Macron ne vise-t-elle pas, par ailleurs, à satisfaire le parti de la droite, les Républicains, dont les rênes sont désormais entre les mains des plus hostiles à tout débat sur la repentance, ceux qui ont toujours loué et vanté les «bienfaits» de la colonisation mais qui feignent oublier les crimes commis et les souffrances de tout un peuple. N’est-ce pas là, également, le meilleur moyen d’amener les quatre-vingt-neuf élus de l’extrême droite à voter la réforme des retraites, vu que toutes les grandes lois votées à l’occasion de ce second mandat l’ont été par la grâce de l’article 49/3 de la Constitution qui permet le passage en force de tous les textes soumis sans l’avis du Parlement ?
Reste à comprendre pourquoi Kamel Daoud s’embarque à chaque fois dans des galères inutiles qu’il peut éviter. Tout juste s’il fallait un peu de bon sens et un brin de patriotisme ?
Lui seul le sait.
M. S.
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