Think tank français : «Une guerre entre l’Algérie et le Maroc est peu probable»
Par Nabil D. – L’Institut français des recherches internationales stratégiques (IRIS) exclut la possibilité d’une confrontation armée entre les deux voisins du Maghreb. Dans une analyse sur les enjeux internationaux pour l’année 2023, réalisée sous la conduite de Pascal Boniface, l’Institut, fondé par ce dernier, estime, en effet, que «l’hypothèse d’une guerre est peu probable» même si «la situation prévalant entre le Maroc et l’Algérie s’est considérablement dégradée, aboutissant à la rupture de leurs relations diplomatiques au mois d’août 2021 et à un préoccupant accroissement des tensions». «Les blocages structurels affectant les pays du Maghreb s’avèrent radicalement contre-productifs et ne paraissent pas en voie d’être résolus», constate l’IRIS.
Abordant le conflit armé en Ukraine, le think tank note que «l’Algérie est tiraillée entre sa traditionnelle proximité avec Moscou, source de près de 70% de ses achats d’armements, et les pressions occidentales, particulièrement explicites lors de la visite du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, le 30 mars 2022». «En proie à une crise intérieure multiforme, Alger cherche à prouver qu’il peut encore jouer un rôle sur le dossier des hydrocarbures», fait remarquer l’analyse qui revient sur le vote de mars 2022 à l’Assemblée générale de l’ONU concernant la condamnation de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine, en soulignant que, «finalement, seuls l’Algérie, l’Irak, l’Iran et le Soudan se sont abstenus, le Maroc ne participant pas au vote et la Syrie votant contre».
Toujours sur la guerre en Ukraine et l’attitude de l’Occident, Pascal Boniface s’applique, tel un écolier discipliné, à respecter avec une jalouse minutie les éléments de langage répétés à l’envi dans les médias français, propageant les mêmes mensonges sur une déroute de l’armée russe sur le terrain, pendant que cette dernière avance inexorablement jusqu’à atteindre la frontière avec la Pologne, objectif que s’est assigné Moscou qui veut terminer les opérations d’ici le printemps. L’auteur de L’Atlas des relations internationales se surprend à fantasmer sur une «unité occidentale renouvelée», mais avertit qu’il serait illusoire de «penser qu’un front commun mondial contre la Russie s’est constitué dans le cadre de la guerre». «Si cette dernière a été lourdement condamnée à [l’ONU], […] seuls les pays occidentaux et leurs proches alliés (Japon, Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Australie, Nouvelle-Zélande) ont adopté des sanctions contre Moscou», relève Pascal Boniface qui admet, toutefois, que «la responsabilité de la non-application des Accords de Minsk est partagée». «Forte du soutien états-unien, l’Ukraine avait plus que freiné leur mise en œuvre», précise-t-il.
Le géopoliticien français s’interroge : «Faut-il accepter que l’Ukraine bénéficie d’une procédure accélérée d’admission à l’Union européenne ?» Et de répondre : «Les différences de niveau économique, d’autant plus conséquentes pour un pays si peuplé, posent problème.» «Des garanties doivent également être données sur le fait que la lutte contre la corruption passe du stade de programme à celui de réalité. Il y a, enfin, le risque de faire entrer dans l’UE un pays qui soit totalement dévoué aux Etats-Unis et dont la vocation européenne serait plus liée aux fonds structurels et aux aides économiques qu’au projet de souveraineté européenne», met-il en garde, en se disant persuadé que «les Etats-Unis sont les grands bénéficiaires des évolutions stratégiques induites par la guerre en Ukraine».
N. D.
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