«Guerre de quatrième génération», tomate, caillou et muraille

guerre quatrième génération
La guerre de quatrième génération consiste à vassaliser les nations. D. R.

Une contribution de Kaddour Naïmi – Considérations générales. Deux lapalissades. D’abord, Quelle que soit la nation, elle n’a que deux choix : être indépendante dans ses décisions ou vassale d’une nation dominante. Ensuite, entre les nations, l’«amitié» ou l’«alliance» signifie la communauté d’intérêts nationaux soit dans une relation de vassalité (système unipolaire du bloc impérialiste (1)), soit de parité «gagnant-gagnant» (système multipolaire) que s’efforcent d’instaurer les nations des BRICS et candidats à cette organisation.

Anecdote antique. A un étranger, surpris, qui demandait : «Mais où sont vos murailles ?» Le roi de Sparte indiqua des paysans qui travaillaient aux champs, à la périphérie de la cité, et répondit : «Ce sont eux nos murailles.»

Citation moderne. Dans ses écrits, Mao Tsé Toung évoqua, dans le style traditionnel chinois, une image, ainsi synthétisée : si un coup de poing frappe une tomate, qui donc est brisé ? La tomate. Si le même coup de poing frappe un caillou, qui donc se brise ? La main. En termes de confrontation stratégique, ces métaphores signifient : la contradiction (conflit) interne (sociale, nationale, par exemple) est plus déterminante que la contradiction externe (conflit d’une nation par rapport à une autre).

Autrement dit, une nation dont les contradictions internes (entre gouvernants et gouvernés) sont inférieures aux contradictions externes (entre cette nation et une nation impérialiste), que la première nation donc sera non pas une tomate mais un caillou en cas d’agression par la nation impérialiste (le coup de poing). Et, pour reprendre l’anecdote antique, les vraies «murailles» d’une nation, c’est son peuple de travailleurs, et non pas un mur. La Muraille de Chine n’empêcha pas l’invasion du pays : il a suffi de corrompre les militaires qui gardaient des portes de la Muraille.

Corruption ! L’argent ! Fourni par qui ? Par une oligarchie qui domine une nation, en accaparant ses richesses et en exploitant sa population. La corruption, donc, est le nerf de la guerre. L’argent ne finance pas uniquement la production d’armes de guerre, les salaires des combattants et un stimulant à l’économie ; il sert tout autant à la production-achat des cerveaux des citoyens par des moyens de guerre psychologique.

Guerre de «quatrième génération»

C’est le nom actuel de cet aspect de la guerre. Le terrain de combat, l’enjeu est la population, d’abord celle de la nation impérialiste, ensuite celle de la nation à vassaliser, pour conditionner ces deux sortes de populations dans leur manière de penser et de considérer les faits. Examinons la stratégie des oligarchies du bloc impérialiste (2).

But ? Assurer ou renforcer sa domination, en vassalisant une autre nation ; autrement dit, exploiter ses ressources naturelles, utiliser militairement son territoire, faire adopter les «valeurs» culturelles de la nation dominante car ces trois aspects se conditionnent réciproquement.

Arguments ? D’une part, justifier la domination oligarchique au sein même de la nation impérialiste. Les gouvernants, à leur manière et avec tous les moyens que permettent la puissance financière et le potentiel intellectuel, entretiennent les cerveaux de leur population pour lui faire croire qu’elle vit dans «la meilleure des nations», la «nation modèle» de la «liberté» et de la «démocratie», «voulue et bénie par Dieu», «garante de la paix mondiale», sinon «gendarme contre les Etats voyous» qu’elle s’arroge de définir comme tels. Comme au «glorieux» hollywoodien vieux temps où les autochtones d’Amérique étaient définis des «sauvages» à exterminer par les «bons Blancs, croyants, civilisés» qui avaient droit à «leur terre promise» par Dieu. La propagande impérialiste ose jusqu’à l’imposture de reprendre le conventionnel argument de défendre la «civilisation» contre la barbarie (Samuel Huntington), en recyclant le même argument, auparavant évoqué par les nazis ainsi que les fascistes japonais et italiens. Et voilà le drapeau national partout (surtout aux Etats-Unis), de toutes les dimensions, les cérémonies et commémorations à grand spectacle télévisé et diffusé sur internet, les visites de lieux «symboliques», les productions culturelles et artistiques, jusqu’aux étiquettes de multinationales et aux slogans sur les vêtements, les sacs, les lunettes et autres gadgets et mots sur des casquettes, du genre «Etats-Unis», «NYC». Que des individus portent des casquettes, dans le «monde libre», où on lirait «Moscou» et «Russie» ou «Pékin» et «Chine», et on constaterait la réaction des gens.

D’autre part, il faut justifier la domination impérialiste dans les nations à vassaliser. Comment ? En stigmatisant leurs gouvernements de tous les adjectifs infamants possibles, adroitement choisis : dictature, répression de toute forme de liberté d’expression, massacres, etc. Il ne s’agit pas de nier ces aspects mais la propagande impérialiste les présente de manière telle qu’il semble qu’on ne peut pas faire plus abject, plus scandaleux, plus horrible, plus contraire à l’humanité.

Il est vrai que les problèmes de démocratie sont réels dans certaines nations susceptibles de vassalisation mais, de quel droit une autre nation, de surcroît impérialiste, s’immisce-t-elle dans les problèmes internes d’une autre nation ? En outre, les représentants d’une nation qui prétendent défendre et répandre les principes de liberté d’expression et de démocratie les pratiquent-ils réellement ? Deux seuls exemples suffisent pour démasquer l’hypocrisie et les mensonges. Le journaliste le plus courageux et combatif du «monde libre» et «démocratique» est illégalement emprisonné depuis des années, soumis à une torture psychologique visant à sa mort, pour avoir révélé les crimes de l’impérialisme états-unien, notamment en Irak : Julian Assange. Et le lanceur d’alerte le plus important de notre époque, citoyen du même «monde libre» et «démocratique», s’est vu contraint de s’exiler en… Russie, pour ne pas être emprisonné à cause de ses révélations sur l’immense et totalitaire système états-unien de contrôle des citoyens, aussi bien dans le «monde libre» que dans le reste de la planète : Edward Snowden.

Voici le comble. Dans les nations impérialistes, les actions sur les cerveaux de la population sont considérées comme «hautement patriotiques», «libres», «démocratiques», y compris les agressions militaires contraires au droit international, par exemple contre la Yougoslavie, l’Irak et la Libye. Par contre, les actions de patriotisme réalisées dans des nations pour se défendre d’une éventuelle agression impérialiste ou d’une action pour changer le régime par une «révolution colorée» sont dénoncées par les médias des nations impérialistes et leurs laquais indigènes comme des actions «chauvines», «dictatoriales» qui «détournent des problèmes internes», qui «menacent l’ordre et la paix mondiaux».

Agents de la propagande impérialiste : outre ceux qui appartiennent à la nation impérialiste, également ceux qui, dans la nation à vassaliser, partagent ses intérêts et la soutiennent.

Moyens utilisés par l’oligarchie impérialiste… Ils sont multiples, plus ou moins maquillés, toujours dotés de mots convenables et nobles (démocratie, droits, liberté, culture, éducation, civilisation, valeurs judéo-chrétiennes, etc.), dotés d’argent illimité et plus ou moins occulté, avec recours à toute forme de mercenariat et de corruption, finement conçus jusqu’à s’inspirer des méthodes de guérilla citadine (Black Bloc, par exemple) et de résistance citoyenne non violente (Gandhi, Martin Luther King) : voir les documents et actions des diverses agences, ONG, associations, instituts, clubs, fondations et autres «institutions» créés à cet effet.

Tactique. Provoquer des changements de régime, dits «révolutions colorées» ou «Printemps arabe». Oh ! Les jolis mots ! De quelle manière ? En recrutant, moyennant finance plus ou moins occultée, des individus («influenceurs» sur internet, «leaders» charismatiques au sein de la population, «Young Leaders», etc.), d’une part, dans les nations impérialistes (du type l’individu «philosophe» français à la chemise blanche ouverte sur la poitrine) et, d’autre part, dans les nations à vassaliser (voir des exemples cités par le déjà mentionné Ahmed Bensaada).

Si l’action de changer de régime ne réussit pas, reste l’agression militaire, même au mépris du droit international, au nom de cette très jolie et émouvante expression : «Action humanitaire» (Irak, Libye). Là, Joseph Goebbels est dépassé en cynisme ! Toutefois, depuis le XVe siècle, on sait quel fut le cynisme des «civilisés» dans les pays colonisés : extermination des indigènes (en présentant la Bible !) puis exploitation de leurs ressources naturelles et plus ou moins esclavage de la population survivante. Cependant, dans les livres scolaires et dans les médias du «monde de l’expression libre», les Européens n’ont fait que «découvrir» l’Amérique et répandre la culture, la science et la civilisation dans le monde, ce qu’ils continuent à faire contre les «barbares» du reste de la planète dont le crime consiste à s’opposer à toute forme de domination impériale.

Venons-en aux nations susceptibles de vassalisation. Selon les moyens qu’ils utilisent pour l’éviter, on distingue divers cas.

Des nations ont été victimes de changement de régime, sous forme de coup d’Etat déguisé (Ukraine) ou d’élections truquées (Roumanie) 2. D’autres nations furent victimes (Irak) ou le sont actuellement d’agressions impérialistes directes (Libye) ou indirectes, par l’emploi de mercenaires (Syrie, Sahel).

Chine

Examinons un cas particulier, où l’auteur de ce texte a séjourné plusieurs années. Cette nation dispose de moyens pour contrecarrer ceux des oligarchies impérialistes (3).

Les gouvernants veillent à entretenir l’esprit patriotique du peuple afin qu’il demeure vigilant pour contrecarrer les actions de propagande et d’emploi d’agents étrangers ou indigènes payés (corruption) pour, sous prétexte de «démocratie et liberté d’expression», remplacer les dirigeants nationaux par d’autres, soumis aux intérêts des oligarchies impérialistes.

Cette action vigilante est permanente, systématique et multiforme. Elle va de l’usage de moyens technologiques les plus avancés (internet, réseaux sociaux, etc.) à ceux traditionnels. Parmi ces derniers, citons les musées et leurs qualités pédagogiques, leur présence dans le maximum de localités, les cérémonies commémoratives, la production de qualité et la diffusion la plus large d’œuvres culturelles, littéraires et artistiques. Leur but est de rappeler les crimes impérialistes, la résistance armée pour s’en libérer et, donc, le maintien d’un esprit patriotique anti-impérialiste.

Des objections se présentent.

«Ouais ! Ainsi, les gouvernants chinois, en évoquant la vigilance patriotique, occultent les problèmes internes !» Première réponse : des dirigeants sachant gouverner agissent pour résoudre les problèmes internes, considérés comme l’un des moyens pour affronter les problèmes extérieurs (être un «caillou» et non une «tomate», faire du peuple la «muraille» de défense). Seconde réponse : le peuple chinois, tout en se confrontant à ses gouvernants pour obtenir des droits légitimes, manifeste un patriotisme absolu et une unité indéfectible avec ses gouvernants, en cas d’agression de la nation par un quelconque impérialisme. Bien entendu, des traîtres indigènes au service de l’impérialisme existent partout et toujours, mais les gouvernants et les peuples sont là pour les neutraliser.

«Ouais ! En Chine existe la dictature d’un Parti unique, communiste !» Considérons la nation impérialiste en chef, les Etats-Unis. Quels partis se partagent toujours le pouvoir politique ? Deux : républicain et «démocrate». Le système électoral est fermé de telle manière qu’un autre parti politique ne peut naître et parvenir à participer aux élections. On est de fait en présence d’un parti politique unique, de forme bicéphale. Cependant, dirait-on, les citoyens choisissent librement leurs représentants. Question : quelle est la valeur réelle de cette liberté quand on sait combien elle est soumise à un tentaculaire appareil de conditionnement, constitué par tous les médias existants, de ceux prétendument d’information à ceux de «loisirs» ? Ignore-t-on que le peuple des Etats-Unis est, sur la planète, le moins informé, le moins cultivé, le moins politisé par rapport aux autres peuples ? Comment expliquer cette carence dans la nation qui se targue d’être «le modèle d’information libre» et de «culture» ?

«Ouais ! En Chine, les citoyens sont totalement contrôlés par les services de sécurité gouvernementaux». Réponse. Dans toute nation, le gouvernement dispose de services d’information et de contrôle de sa population. En outre, est-ce que la Chine dispose du système de contrôle totalitaire états-unien dénoncé par Edward Snowden ? Si la Chine a instauré ouvertement une «barrière électronique» qui bloque certains sites du web (mais que des VPN parviennent à neutraliser), les gouvernants états-uniens et leurs vassaux dans les autres pays sont plus malins : ils laissent croire à la liberté d’internet, tout en contrôlant et filtrant le web, notamment les sites les plus populaires (Facebook, Twitter, etc.), jusqu’à l’imposture de créer des agences, apparemment indépendantes mais qui, financées de manière plus ou moins occulte, sont chargées de décider qui fournit des informations vraies et qui répand les «fake news». La crise sanitaire et l’actuelle guerre en Ukraine permettent de se rendre compte jusqu’où ce système de contrôle et de manipulation est occulte et puissant.

Algérie

Examinons ce cas particulier. Les documents officiels états-uniens (doctrine Rumsfeld/Cebrowski) déclarent, entre autres, que l’Afrique du Nord fait partie des nations d’intervention en vue du «remodellement» de la zone en faveur de l’«American New Century», autrement dit un prochain siècle de domination impérialiste états-unienne. Déjà, le Maroc est sous la coupe sioniste-impérialiste. Restent la Tunisie et, surtout, l’Algérie, détentrice de ressources naturelles et de territoires stratégiques, et disposant de relations de coopération avec les adversaires du «mondialisme» unipolaire du bloc impérialiste : Russie et Chine. Cela explique pourquoi l’Algérie a fait partie de l’opération «Printemps arabe», et risque de voir cette tactique renouvelée, sous une forme plus ou moins semblable de changement de régime, comme par ailleurs le Venezuela, le Kazakhstan, l’Iran et, dernièrement, le Brésil (4).

Les risques d’intervention impérialiste, notamment de tentatives de «changement de régime», sont d’autant plus probables que la tendance multipolaire, indépendantiste, donc anti-impérialiste, se renforce avec les nations qui se proposent de rejoindre l’alliance des BRICS : Iran, Algérie, Argentine, ou encore Arabie Saoudite, Turquie, Egypte, Afghanistan, Indonésie. La domination impérialiste est entrée en zone de tempêtes et ne s’avouera pas vaincue sans recourir à tous les moyens disponibles. Elle a déjà eu recours à la bombe atomique au Japon, a menacé de l’utiliser lors de la guerre de Corée, s’est contentée du napalm et des bombardements massifs au Vietnam pour le «réduire à l’Age de la pierre» et, dernièrement, a laissé un de ses représentants menacer du recours au nucléaire (l’ex-Premier ministre britannique Liz Truss). Sans oublier le recours à l’arme biologique, où l’avantage est d’occulter le responsable de l’action, cette arme déjà utilisée par l’armée états-unienne durant la guerre de Corée (5), ni oublier les laboratoires clandestins découverts en Ukraine par l’armée russe.

Qu’en est-il donc de la situation actuelle en Algérie ? On constate une légitime préparation militaire, des nécessaires alliances internationales et une indispensable vigilance en ce qui concerne les agences et les agents indigènes (au pays ou de l’étranger) qui veulent le changement de régime, voulu par leurs sponsors du bloc impérialiste, qui sont divers. On note également un effort pour résoudre les problèmes internes, d’ordre économique, social et culturel, en neutralisant tous les agents et toutes les actions qui les créent ou les perpétuent afin de favoriser une éventuelle intervention impérialiste de changement de régime, sinon d’intervention militaire.

Les prétextes existent : «Défendre la démocratie, la liberté d’expression et les droits de l’Homme» en Algérie, défendre la «minorité amazighe», en reconnaissant son indépendance du «joug arabe algérien», défendre le Maroc qui serait menacé par l’Algérie, briser l’alliance entre l’Algérie, d’une part, et, d’autre part, la Russie et la Chine afin de protéger la «sécurité du flanc sud de l’Europe», éliminer le soutien de l’Algérie au mouvement de libération palestinien, mettre fin à l’émigration clandestine à partir de l’Algérie, qui menace l’«identité» de l’Europe et vise au «remplacement» de population, et, enfin, un non-dit : prendre sa revanche sur la victoire des Algériens qui ont conquis leur indépendance.

Face à toutes ces réelles menaces, l’effort d’instauration d’une «Algérie nouvelle», autrement dit indépendante et développée dans tous les domaines, exige davantage de décisions et, surtout, d’actions concrètes et conséquentes pour rendre le peuple algérien toujours plus «caillou» et «muraille» de défense.

Notons que certains «intellectuels» sont allés jusqu’à laisser croire que l’époque coloniale avait du bon et que les combattants de la Guerre de libération étaient des imposteurs profiteurs. Et, malheureusement, des Algériens, surtout dans la jeunesse, croient à ces contrevérités, qui dévalorisent la glorieuse Guerre de libération anticoloniale. Pourtant, la Guerre de libération nationale fut une épopée reconnue par les peuples épris d’indépendance. Comment a-t-elle pu devenir un objet de stigmatisation et de rabaissement ? Parce que les gouvernants de l’Algérie indépendante, malgré leur bonne volonté subjective, n’ont pas su concrétiser les idéaux sociaux de la Guerre de libération patriotique, notamment le principe fondamental «Par et pour le peuple», ni les caractéristiques de l’Algérie comme «démocratique et populaire». Ainsi, il devenait, et reste, relativement facile à tout individu qui sert les intérêts du bloc impérialiste d’évoquer les carences en Algérie pour justifier un changement de régime. D’où la nécessité pour les gouvernants en Algérie, non seulement de neutraliser ces allégations, mais de mettre fin aux carences qui laissent le peuple susceptible d’être une «tomate» face au «coup de poing» des manipulateurs.

 

C’est dire l’importance fondamentale, outre toutes les actions à concrétiser de raviver et entretenir l’esprit patriotique davantage dans tous les domaines, dans tous les aspects, avec le maximum de qualité, dans tous les lieux, y compris les plus reculés (les villages et douars sont stratégiquement importants). La situation géostratégique urge !

A ce sujet, la Chine, déjà citée, est une source d’inspiration.

L’autre est un fruit de l’expérience algérienne. Une anecdote. Durant la Guerre de libération nationale, mon enfance fut soumise, dans le quartier où j’habitais, aux haut-parleur de l’armée coloniale (ancêtres des médias actuels), qui diffusaient quotidiennement de la propagande colonialiste, accompagnée de musiques et, de temps à autre, des militaires passaient dans les rues, encore en fanfare musicale, pour nous distribuer du pain et des bonbons (ancêtre de l’«intervention humanitaire»). Cependant, nous, la nuit tombée, nous écoutions clandestinement la radio qui, du Caire, transmettait les informations patriotiques du Front de libération nationale pour la résistance au colonialisme (ancêtres des moyens de véritable information actuelle). Et, en fin de semaine, nous étions quelques enfants à nous s’asseoir près d’un retraité algérien qui lisait des journaux et nous fournissait discrètement des éléments de conscience patriotique.

Que tirer de cette anecdote ? Que le système colonial avait un puissant moyen matériel de propagande mais, nous, enfants du peuple, disposions de l’écoute clandestine d’une simple radio et d’un vieil homme pour contrer la propagande colonialiste.

Cette anecdote signifie que, face à la puissance matérielle de la propagande impérialiste (internet, agences et agents indigènes harkis, corruption par le «pain» et les «bonbons») pour vassaliser l’Algérie, les gouvernants de cette nation ont les sources d’inspiration, internes et internationales, pour créer et maintenir vigilante la conscience patriotique.

Bien entendu, il s’agit pour les gouvernants de faire confiance au peuple non seulement en paroles mais en actes, de créer avec lui les relations complémentaires nécessaires, de faire appel à toutes les bonnes volontés patriotiques à l’intérieur du pays et dans la diaspora, de remplacer au plus vite et avec le maximum de rigueur, dans tous les domaines d’activité sociale, les opportunistes et les médiocres par de vrais patriotes et professionnellement compétents, qui servent la patrie et le peuple, au lieu de s’en servir pour «faire carrière», au risque même de faire le jeu impérialiste.

Certes, concernant la guerre de «4e génération», l’Algérie ne dispose pas de la puissance matérielle des nations impérialistes, mais possède l’intelligence de ses patriotes pour transformer la faiblesse matérielle en force spirituelle. Les Algériens disposent déjà de l’expérience : l’armée française, l’une des plus grandes armées impérialistes, fut vaincue par un peuple majoritairement de paysans, parce que ce peuple disposait des dirigeants compétents, d’une doctrine efficace et d’une organisation sociale adéquate où les opportunistes, les médiocres et les traîtres n’avaient pas de place.

A propos du champ de bataille que sont les cerveaux, pour l’Algérie, comme pour toute nation en danger de vassalisation, il ne s’agit pas de maîtriser uniquement internet, ce champ de bataille électronique. Il faut encore neutraliser les diverses «agences» impérialistes et leurs agents indigènes, pas uniquement à l’aide des services de sécurité, mais également en fournissant à la population les informations, la culture, l’organisation et les relations complémentaires gouvernants/citoyens afin d’assurer la capacité de défense patriotique.

A ce sujet, posons des questions. L’efficacité consiste-t-elle à interdire les voix dissidentes, au service de la propagande impérialiste, ou, plutôt, à les laisser s’exprimer, tout en fournissant aux citoyens les éléments d’information qui leur permettent, par eux-mêmes, de distinguer le vrai du faux ? Est-ce la version officielle unique, ou la confrontation entre les versions opposées, qui garantit un esprit citoyen critique et efficace ? Ne doit-on pas reconnaître la supériorité de l’adversaire impérialiste ? Chez lui, la neutralisation des informations dissidentes n’est pas officiellement déclarée et pratiquée, à l’exception des mesures d’interdiction de certains sites d’information anti-impérialistes, et de manipulations des médias. Cela prouve le degré d’emprise des oligarchies impérialistes sur leurs populations.

Par conséquent, dans les nations anti-impérialistes, pratiquer la censure de l’information, parce qu’elle menace la stabilité socio-nationale, n’est-il pas un signe de faiblesse, car il manifeste une insuffisance de confiance des gouvernants dans leur population, jugée incapable de discerner le vrai du faux ? Ne faudrait-il donc pas que les gouvernants trouvent la solution pour rendre les citoyens capables d’accéder librement à toutes les informations vraies comme à la propagande impérialiste, tout en sachant distinguer le vrai du faux dans ce domaine de la guerre des cerveaux ? Bien entendu, ce choix n’est pas facile, mais n’est-il pas indispensable si l’on veut disposer d’un peuple «muraille» et «caillou», ainsi qu’éliminer toute justification à la propagande impérialiste sur la limitation de la liberté d’information ?

Pour conjurer sinon affronter et neutraliser tout risque de vassalisation, faut-il attendre que l’action impérialiste se manifeste par des démonstrations sociales de rue ou par une agression militaire, ou la prévenir en faisant appel aux citoyens, de l’intérieur et de la diaspora, dotés d’esprit patriotique et de compétences professionnelles, d’une part, et, d’autre part, mobiliser le peuple de manière adéquate, comme suggéré plus haut ?

Les réponses à ces questions dépendent du degré de confiance que les gouvernants ont pour les authentiques patriotes et pour le peuple. Rappelons la déclaration du général Van Nguyen Giap, faite à Alger : «Le colonialisme américain est un mauvais élève. Il n’apprend pas les mauvaises leçons de l’histoire.» Les faits confirment cette déclaration. Il reste aux gouvernants, aux patriotes et aux peuples menacés de vassalisation d’apprendre correctement les leçons fournies par les nations qui ont vaincu les impérialismes, quelle que soit leur force matérielle, notamment les peuples chinois, vietnamien, algérien et cubain.

K. N.

1- Curieusement nommé «Occident collectif», voir https://www.algeriepatriotique.com/2022/11/29/une-contribution-de-kadour-naimi-occident-collectif-ou-bloc-imperialiste/

2- Voir les ouvrages d’Ahmad Bensaada, https://ahmedbensaada.com/

3- Voir https://www.algeriepatriotique.com/2018/04/18/contre-lideologie-harkie-pour-la-culture-libre-et-solidaire/

4- https://reseauinternational.net/pourquoi-la-cia-a-tente-un-soulevement-de-type-maidan-au-bresil/

5- «Les armes biologiques de la guerre de Corée», https://www.monde-diplomatique.fr/1999/07/ENDICOTT/3116

 

Comment (2)

    Chaoui
    15 janvier 2023 - 0 h 44 min

    Y’a si Kaddour Naïmi :

    A notre époque, pour nous défendre et assurer notre sécurité on ne va ni aller loin, ni vivre longtemps avec simplement « des cailloux, des tomates et des paysans » …

    De nos jours (comme depuis bien des millénaires déjà), sans une armée vaillante, robuste et patriote pourvue d’armes efficientes point de salut.

    Si on avait pas fait fissa dans les années 2000 (au sortir de la tragédie des années 90′ qu’on nous a orchestrée..) pour consolider notre ANP et la doter du matos nécessaire crois bien qu’on nous aurait depuis fait notre « fête » autant que les néocons’ sionistes, promoteur du « chaos créateur », nous avons mis sur leur liste des pays à ‘reconfigurer’….(le nain sioniste sarko le criminel et voleur de nous l’annoncer depuis Tunis en clamant publiquement : « après la Syrie et l’Iran, ce sera dans 1 ou 2 ans au tour de l’Algérie…).

    Mais on n’en disconvient pas : une armée n’est forte qui si elle se repose sur le peuple dont elle est issue. Et c’est ce que fait notre ANP. Par les temps qui courent, elle serait peut-être bien avisée de cimenter encore davantage le lien peuple-armée (et même de mettre en alerte tous ceux retraités qui ont déjà servis tout en leur faisant faire des formations fussent sommaires de mises à jour…).

    Le Chat Botté
    14 janvier 2023 - 19 h 53 min

    La guerre des Zombies serait plus approprié dans les circonstances avec des corps humains sans esprit perdu dans un desert d’illusions.
    Le contenant, avec une cervelle souillée par les vicissitudes de la vie, est vide comme du bétail qui se dirige droit vers les abattoirs sans le savoir.
    Deux choses avec lesquelles Satan avait séduit Adan et Eve; l’éternité et le pouvoir sans limite donc si on fait une retrospective de la situation dans laquelle on patauge actuellement on retrouve derrière tous dictateurs l’argent et le pouvoir. Les esprits maléfiques/diaboliques ne s’arrêtront devant aucun obstacle pour arriver à leurs fins et malheureusement la ratatouille ne fait que suivre la cadence.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.