Aveu d’un eurodéputé sur le texte voté par le Parlement européen contre Rabat
De Paris, Mrizek Sahraoui – Il aura fallu «plus de vingt ans et un scandale de corruption comme le Marocgate pour que le Parlement européen puisse enfin parler du Maroc et des droits de l’Homme», a admis Miguel Urban Crespo, du groupe de la gauche unitaire, à l’origine du texte voté contre le régime monarchique de Rabat, cité par les médias européens.
Le scandale de corruption qui a éclaté mi-décembre au Parlement européen, dont le Maroc est partie prenante, a, au moins, le mérite de permettre à cette auguste institution de recouvrer, ce jeudi en tout cas, sa souveraineté et son indépendance après tant d’années sous influence de groupes de pression étrangers, marocains notamment. En effet, pour la première fois depuis plus d’un quart de siècle, l’Assemblée de Strasbourg vient d’adopter, ce jeudi donc, un texte défavorable au Maroc.
Cette résolution succincte, votée en séance plénière par 356 voix pour, 32 contre et 42 abstentions, critique les atteintes à la liberté d’expression au sein du royaume de l’Ouest. Il y est demandé qu’un «procès équitable avec toutes les garanties d’une procédure régulière» soit assuré aux journalistes emprisonnés, notamment Taoufik Bouachrine, Omar Radi, et Soulaimane Raissouni, par les autorités marocaines qui doivent «respecter les libertés d’expression et des médias».
Par ailleurs, le texte condamne avec la plus grande fermeté «l’utilisation abusive d’allégations d’agressions sexuelles» à l’encontre des journalistes farouchement critiques à l’égard du Makhzen.
Soutenu par quasiment toutes les tendances représentées au sein du Parlement européen, des groupes de gauche, des écologistes, en passant par les libéraux et les souverainistes, le texte va encore plus loin. Il y est indiqué que les eurodéputés sont «préoccupés par les allégations selon lesquelles les autorités marocaines auraient tenté de corrompre des élus du Parlement européen», ont rapporté les médias.
Ce scandale qui met à nu la diplomatie marocaine, laquelle a, manifestement, confondu entre la valise diplomatique en usage dans les Affaires étrangères et la diplomatie de la valise (remplie de billets) mise en œuvre afin d’acheter des voix favorables au Maroc (au moins une demi-douzaine de textes favorables au Maroc ont été adoptés depuis ces vingt-cinq dernières années, notamment sur les accords de pêche et de partenariat et d’association avec le royaume), cette scandaleuse affaire donc n’a pas encore livré tous ses secrets. Une chose est certaine : le Maroc a bel et bien «financé» ses entrées au sein du Parlement européen, Parlement au sein duquel des diplomates, des représentants, des agents de renseignement marocains gambadaient, et gambadent toujours en toute insouciance. «Allez voir au bar des eurodéputés, il y a plus de Marocains que de parlementaires», s’est amusée une députée socialiste française, dont les propos sont rapportés par un journal belge.
L’eurodéputé italien personnage clé du scandale de corruption, Pier Antonio Panzeri, après qu’il a passé un deal avec la justice belge, est décidé de passer à table et de coopérer avec les enquêteurs. En contrepartie d’une peine négociée, il est prêt à informer le parquet fédéral sur «les arrangements financiers avec des Etats tiers». De toute évidence, le Maroc sera nommément cité par ce député présumé coupable d’être le cerveau d’un vaste réseau de corruption qui a sévi pendant longtemps sous la couverture de l’ONG Fight Impunity.
Tout finit par se savoir, y compris ce qu’il se dit et se passe dans les bureaux feutrés et insonorisés du temple de la démocratie européenne.
M. S.
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