Justice pour tous !
Par Mrizek Sahraoui – Le Parlement européen est sorti de sa torpeur habituelle. Ladite institution, que beaucoup d’Européens ignorent jusqu’à l’existence au regard des taux de participation ayant depuis toujours marqué les élections européennes, reprend même du poil de la bête. Chose surprenante tout de même après le scandale de corruption qui l’a secouée. Scandaleuse affaire qui a touché le Maroc, dont les opinions publiques européenne et internationale attendent toujours des explications claires qui, franchement, tardent à venir.
Ainsi, les parlementaires européens viennent d’adopter à une écrasante majorité un texte visant à créer un «tribunal spécial pour juger les crimes de Vladimir Poutine, de ses adjoints et même des dirigeants de la Biélorussie», pays frère de la Russie. Ils sont 472 eurodéputés à voter ce texte en faveur de la «création d’une cour spéciale» compétente à juger les «crimes commis en Ukraine» mais aussi à «enquêter sur Vladimir Poutine, ses adjoints politiques et militaires, ainsi que sur le président du Biélorusse Alexandre Loukachenko». Pas un mot sur les exactions commises depuis 2014, et qui se poursuivent, dans le Donbass par l’armée ukrainienne, pourtant rapportées par plusieurs journalistes indépendants.
Cette nouvelle sortie du Parlement européen est tout à fait compréhensible pour plusieurs raisons. Dans un souci, d’abord, de motivation des électeurs à quelques encablures des élections européennes, qui devraient se tenir a priori en mai 2024, rien de mieux que donner le sentiment que cette assemblée sert à quelque chose.
Ensuite, pour étouffer le scandale de corruption qui a sérieusement terni l’image d’un Parlement hors sol, totalement déconnecté des réalités, des difficultés quotidiennes des 450 millions d’Européens, il faut recourir à la tactique du contre-feu, une stratégie souvent utilisée par les pouvoirs politiques en difficulté. Pour cela, le conflit en Ukraine est tout indiqué en pareille situation.
Mais enfin, demeurent posées ces questions dont on n’aura sans doute jamais de réponses. A commencer par demander où était le Parlement européen quand les Etats-Unis refusaient catégoriquement que leurs soldats fussent traduits devant le TPI ? L’on a en mémoire cette déclaration de l’ambassadeur américain à l’ONU, John Negroponte : «Nous refusons que nos soldats chargés du maintien de la paix prennent le risque de tomber sous le coup de procès politiques de la part d’une cour dont le gouvernement des Etats-Unis refuse la juridiction.»
C’est à se demander par ailleurs où étaient les eurodéputés lorsque, en avril 2018, Donald Trump, Theresa May et Emmanuel Macron avaient décidé des frappes combinées contre la Syrie, qui avaient fait plusieurs morts, au mépris du droit international et de la légalité internationale. Y eut-il été décidé la création d’un tribunal spécial pour juger les responsables du scandale de la prison d’Abou Ghraïb ? Le même tribunal eut-il été réclamé pour juger les responsables (qui courent toujours) de la mort tragique de Mouammar Kadhafi, laissant un pays en proie à une guerre civile interminable ?
Qu’en est-il de l’enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Afghanistan ouverte tout récemment, en mars 2020, par la Cour pénale internationale (CPI), dont les Etats-Unis ne sont pas membres, à l’encontre des forces présentes dans ce pays dévasté par tant d’années de guerre ? Les exemples sont légion.
Le Parlement européen serait mieux inspiré de balayer d’abord dans les locaux du siège à Strasbourg, siège qui n’en finit pas d’être squatté par les envoyés très spéciaux du régime monarchique marocain, bien que ces mêmes envoyés spéciaux aient été pris en flagrant délit d’influence des eurodéputés, pour un certain nombre grassement payés afin de venir en aide à un régime monarchique aux abois.
M. S.
Comment (9)