Le rapport pas neutre d’un institut officiel américain pro-Maroc sur l’Algérie
Par Nabil D. – «Pour les Etats-Unis, la nouvelle politique étrangère de l’Algérie est une opportunité d’élargir la coopération bilatérale et de construire la relation que Washington recherche depuis longtemps. L’automne dernier, plusieurs délégations d’officiels algériens de niveau intermédiaire ayant des liens avec les ministères de l’Armée et du Renseignement se sont rendus à Washington et ont discrètement exprimé leur désir d’élargir la coopération entre les Etats-Unis et l’Algérie», écrit le très officiel Institut américain pour la paix (USIP), relevant du département d’Etat. «L’administration Biden a été désireuse d’établir et d’étendre des alternatives à l’énergie russe pour les nations européennes dépendantes, l’Algérie est désormais une composante essentielle de cet effort», ajoute-t-on, en faisant remarquer que «cela donne à l’Algérie beaucoup d’influence auprès de Washington».
«Les Algériens vont-ils demander à Washington de revenir sur la proclamation de 2020 sur le Sahara Occidental ? Demander l’accès à des systèmes d’armes avancés ? Ou demander une approbation des efforts algériens en Libye ?» s’interroge l’Institut, pour lequel «l’Algérie devra réfléchir stratégiquement aux demandes à faire à Washington car il y a maintenant une opportunité de donner un nouveau cap à la trajectoire de la relation entre les deux pays». «Il serait dommage que l’Algérie tente de maximiser les gains à court terme au détriment de la coopération et de la collaboration à long terme», pense l’USIP qui perçoit des signes que «l’Algérie est en train de changer». «L’Algérie s’affirme également de plus en plus au sein de l’Union africaine et de la Ligue arabe, intensifie ses efforts de lobbying dans les capitales étrangères et approfondit ses liens avec Pékin», ajoute l’USIP, en s’interrogeant si notre pays «est prêt à assumer la responsabilité qui accompagne le rôle qu’elle se positionne à jouer».
L’analyse américaine revient sur les relations solides qu’entretiennent Alger et Moscou, en soulignant que de 2009 à 2018, les ventes d’armes entre la Russie et l’Algérie ont augmenté de près de 129%, que les armées algérienne et russe «participent régulièrement à des exercices militaires conjoints» et que «les navires russes font fréquemment escale dans les ports algériens». «Politiquement, le soutien historique non interventionniste et absolutiste de l’Algérie à la souveraineté de l’Etat et à l’anti-occidentalisme a permis l’alignement sur Moscou», ajoute l’USIP, en rappelant que l’Algérie «s’est abstenue à plusieurs reprises lors des votes aux Nations unies condamnant l’invasion russe de l’Ukraine».
L’Institut américain s’est intéressé à la position algérienne vis-à-vis du rapprochement marocain avec Israël dans le cadre des Accords d’Abraham. «Du point de vue d’Alger, une coopération sécuritaire accrue entre le Maroc et Israël donnerait à Rabat un avantage militaire qualitatif vis-à-vis de l’Algérie», note l’étude qui peine à cacher un certain tropisme pour le régime monarchique de Rabat, au moment où un scandale de corruption l’éclabousse pourtant. Washington ne nie pas, par ailleurs, qu’«aux dires de tous», le Sommet des Etats membres de la Ligue arabe qui s’est tenu à Alger «a été un succès complet», en relevant que le président Tebboune avait «pu négocier une réunion d’unité entre le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le chef du Hamas, Ismail Haniyeh». «Bien que tous les chefs d’Etat n’aient pas assisté au Sommet, ceux qui l’ont fait ont adopté un ton harmonieux dans leur communiqué, qui était fortement pro-palestinien et subtilement critique des Accords d’Abraham», note l’USIP.
«En mars 2022, le secrétaire d’Etat Antony Blinken et la secrétaire d’Etat adjointe, Wendy Sherman, se sont rendus à Alger, séparément, et ont rencontré Tebboune. Les deux réunions se sont terminées sans annonces ou engagements significatifs, signalant peut-être que Tebboune n’a pas acquiescé à ce que Blinken et Sherman ont demandé. Le contenu de ces discussions n’a été rendu public par aucun des deux gouvernements, mais Tebboune a pu, une fois de plus, affirmer l’autonomie de l’Algérie, peut-être enhardi par la récente promesse de soutien qu’il a reçue de Pékin», suppute l’USIP, qui confirme ainsi les propos tenus par le président Tebboune au sujet de la souveraineté de la décision algérienne qu’aucune pression n’ébranle.
Sur le plan économique, l’Institut américain précise qu’en 2022 «le FMI estime que l’Algérie a enregistré son premier excédent budgétaire en neuf ans, et cet excédent budgétaire est à nouveau attendu en 2023». «La nouvelle présence solide de l’Algérie dans la région et son influence sur les marchés européens de l’énergie s’accompagneront de nouvelles attentes. Alors qu’auparavant l’Algérie était considérée comme un acteur marginal dans la résolution des conflits régionaux, on attend désormais d’elle qu’elle joue un rôle constructif et central en Libye et au Sahara Occidental», fait constater l’analyse, en se demandant si l’Algérie «peut tirer parti de son influence croissante en Europe […] pour faire pression sur les Marocains afin qu’ils obtiennent des concessions sur le Sahara Occidental».
«Pour réussir, l’Algérie devra être plus transparente sur ses intérêts au Sahara Occidental et fournir des propositions concrètes qui font avancer les négociations plutôt que sa stratégie obstructionniste actuelle», conseille-t-on à Washington.
N. D.
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