Affaire Bouraoui : ces interrogations sur l’opération d’exfiltration par la DGSE
Par Abdelkader S. – L’affaire de l’exfiltration d’Amira Bouraoui, faisant l’objet d’une interdiction de sortie du territoire national (ISTN), par les services secrets français via l’appareil diplomatique basé en Tunisie, pose un certain nombre d’interrogations. D’abord, sa nationalité française. La concernée l’avait-elle à l’origine par l’un de ses ascendants ou l’a-t-elle obtenue in extremis pour faciliter sa fuite vers la France via Tunis ? Ensuite, pourquoi la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service d’action et d’espionnage dirigé par l’ancien ambassadeur de France à Alger, Bernard Emié, qui a succédé à un autre ex-ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, a-t-il choisi de «rapatrier» l’agent Bouraoui à partir d’un pays tiers et n’a pas mené son opération directement d’Alger vers Paris ou toute autre ville française ?
Une autre interrogation concerne la médiatisation de cette affaire par les médias français qui ont été relayés par quelques sites dits d’opposition réputés proches de l’ambassade de France à Alger. Le Monde a donné le là avant que l’information devienne virale sur les réseaux sociaux et soit reprise, un peu en retard, certes, par l’outil de propagande marocain Al-Magharibia, animé à partir de la capitale française par un magma de militants du FIS et du MAK. Pourquoi les services français n’ont-ils pas choisi de mener l’opération discrètement, sachant qu’ils étaient capables de «réceptionner» leur agent en toute discrétion à la frontière tunisienne et d’éviter ainsi les phases interrogatoire par les services tunisiens de la sécurité intérieure et audition par le procureur qui aurait, selon certaines indiscrétions, ordonné la convocation d’Amira Bouraoui une seconde fois par la justice tunisienne dans deux semaines ?
Cette façon de procéder est-elle un message aux responsables politiques algériens dans ce contexte marqué, pourtant, du moins en apparence, par un réchauffement dans les relations entre l’Algérie et la France, le président Tebboune devant effectuer une visite d’Etat à Paris en mai prochain, information révélée suite au dernier entretien téléphonique entre les chefs d’Etat algérien et français ? Tout porte à croire que ce nouvel épisode dans cette relation en dents de scie pourrait avoir pour conséquence sinon l’annulation du moins le report sine die du déplacement du locataire d’El-Mouradia en France, d’autant qu’aucun signe positif n’est venu de Paris qui eût pu rapprocher les points de vue des deux capitales sur les sujets brûlants d’actualité, au premier rang desquels les demandes rejetées par les autorités françaises de remettre les personnes réclamées par la justice algérienne, sous couvert de défense des droits de l’Homme. Au lieu de cela, Paris a préféré ajouter un nouvel agent à la liste déjà longue des cyber-agitateurs qui agissent sur le territoire français et sous haute protection française.
Le rôle joué par André Parant, ex-ambassadeur de France à Alger au moment du lancement du mouvement Barakat par Amira Bouraoui, en 2014, confirme l’implication flagrante de la France dans les manifestations contre le quatrième mandat de feu Bouteflika, bien que ce dernier ait choisi de se faire soigner dans un hôpital militaire parisien en 2013 et d’y subir ses contrôles périodiques, même après la campagne visant à l’empêcher de rempiler. Cette implication s’est vérifiée davantage en février 2019, à l’occasion du mouvement populaire contre le cinquième mandat, mouvement détourné par deux organisations au service de la France, du Maroc et d’Israël : Rachad, succédanée du parti extrémiste du FIS, dissous, et le MAK, le mouvement autonomiste de Ferhat Mehenni à la solde du régime criminel de Tel-Aviv.
Quelle va être la réaction de l’Algérie face à ce nouvel affront de la France ? Au moment où nous rédigeons ces lignes, aucune réaction officielle directe ou par le biais des médias n’a été rendue publique(*), mais il va sans dire que cette bruyante affaire ne manquera pas d’être discutée secrètement avec le tortueux interlocuteur français.
A. S.
(*) Le quotidien gouvernemental El-Moudjahid a publié un éditorial sur le sujet, qualifiant d’«énième acte inamical» l’attitude d’une France «arrogante».
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