Ahmed Attaf : un revenant armé pour réussir ses nouvelles missions ardues
Une contribution de Nouredine Farhi – En apprenant la nouvelle du remaniement ministériel opéré par le président Tebboune, jeudi 16 mars, certains ont regretté le départ du chevronné Ramtane Lamamra du poste de ministre des Affaires étrangères, mais d’autres encore ont aussi été très heureux d’apprendre le choix judicieux porté sur Ahmed Attaf, un homme au long parcours diplomatique et dont la compétence est largement connue et avérée. A cet égard, il y a lieu de relever que son entrée – plus précisément son retour – au gouvernement n’est pas une surprise, tant son savoir-faire solide et son entregent reconnu sont unanimement salués par ses pairs, en Algérie comme à l’étranger.
Sa culture opérationnelle et son background linguistique montrent aisément que son parcours est aussi nourri que celui de son prédécesseur. De ce point de vue, ce département régalien ne lui est pas inconnu, puisqu’il a été chef de la diplomatie du temps de l’ancien président Liamine Zeroual, de 1996 à 1999, et ne devrait pas lui poser de difficultés à l’entame de sa nouvelle mission, laquelle consiste, entre autres, à explorer d’autres voies dans l’effort de redéploiement de la diplomatie algérienne sur la scène internationale.
Cette nomination marque donc le retour d’Ahmed Attaf aux Affaires étrangères après une longue période de retrait de la vie publique durant laquelle il s’est notamment consacré pleinement à la réflexion et à la pédagogie universitaire.
Né le 10 juillet 1953 à Aïn Defla, le quasi-septuagénaire a débuté sa carrière lorsqu’il a décroché son diplôme de l’Ecole nationale d’administration (ENA) en 1975. A vingt-deux ans, il est recruté par le ministère des Affaires étrangères. Il a d’abord géré la division des traités multilatéraux en 1977. Il a, par la suite, occupé des postes importants, tels que chef de la division des Affaires politiques de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) de 1977 à 1979, secrétaire à la mission permanente de l’Algérie auprès des Nations unies de 1979 à 1982, directeur adjoint des Affaires stratégiques et de désarmement des Nations unies (1982-84) et directeur des Affaires politiques internationales au ministère des Affaires étrangères (1984-89). Il a été ambassadeur d’Algérie en Inde (1992-94), en ex-Yougoslavie (1989-92) et au Royaume-Uni entre 2001 et 2004, avant de rentrer au pays.
En 1994, il a commencé à s’occuper des vraies questions à la tête du secrétariat d’Etat à la Coopération et aux Affaires maghrébines (1994-96), avant d’être désigné comme porte-parole du gouvernement à partir d’octobre 1994. Deux ans plus tard, il prendra la tête du ministère des Affaires étrangères du début 1996 à la fin de 1999.
Dans un contexte international instable et mouvant, des dossiers chauds attendent sur son bureau. A commencer par le dossier malien, la crise libyenne, le dossier sahraoui, la crise avec le Maroc – relations diplomatiques rompues en août 2021 et dont le président Tebboune a dit qu’elles ont atteint un point de non-retour –, mais surtout la question des relations chancelantes avec l’Espagne et ses impacts sur les liens entre l’Union européenne (UE) et l’Algérie. Le renforcement des liens avec l’Afrique et le redéploiement de la diplomatie économique devraient également figurer sur l’agenda d’Ahmed Attaf.
Le nouveau chef de la diplomatie, qui a pris ses fonctions samedi passé, s’est illustré par un discours de haute voltige dont certains cadres présents ont été émerveillés tant par la forme que par le fond. Avec cette teneur, il a incontestablement marqué des points. On peut finalement affirmer que le ministre est sorti victorieux de sa première apparition officielle et semble désormais armé pour mener à bien sa nouvelle mission.
Indiquant avoir rencontré, il y a quelques jours, le président de la République qui lui a donné des orientations afin de hisser la politique extérieure à de hauts niveaux d’efficacité et d’influence, Attaf, qui a retrouvé sa tonalité posée et une sémantique en langue arabe recherchée, n’en a pas trop fait pour affirmer avec force que l’intérêt national est la boussole qui oriente le président de la République dans l’analyse, l’évaluation, l’extrapolation et la prospective, ajoutant que la politique étrangère du pays va lui permettre de réaliser de nouveaux progrès qualitatifs, à la hauteur de la place de l’Algérie, de ses valeurs, de son poids et de ses aspirations légitimes.
Pour servir l’intérêt national, il a déclaré que le président de la République avait défini les priorités, les approches et la méthodologie à suivre, soulignant que son département ministériel aura dans un avenir proche l’occasion de déterminer chaque chantier pour le transformer en plan d’action qui s’adapte aux exigences de chacun des dossiers classés par le président de la République comme prioritaires et urgents.
Au plan national, le pays connaît des mutations importantes, desquelles la politique extérieure doit être au diapason et s’adapter à toutes leurs exigences, de même qu’au plan régional et dans les espaces auxquels nous appartenons connaissent des mutations profondes qui appellent la politique extérieure à davantage de vigilance face à leurs répercussions, a-t-il fait remarquer.
Concernant les crises interconnectées et la mondialisation, ainsi que les déséquilibres de la structure de la sécurité collective dans le système des relations internationales, il estime que la conjoncture actuelle, marquée par les défis et les risques, requiert la mobilisation de notre politique étrangère en vue d’assurer la sécurité et la stabilité auxquelles nous aspirons.
Outre le fait de maîtriser les questions diplomatiques, Ahmed Attaf est un fin-connaisseur des questions économiques internationales. Imprégné de la réalité des économies africaines, des atouts et avantages comparatifs dont disposent les entreprises algériennes, énergétiques, notamment, le chef de la diplomatie s’était déjà exprimé, par le passé, sur la nécessité de pénétrer efficacement le marché africain. «C’est toujours par temps de crise que l’Algérie redécouvre l’Afrique», déclarait-il déjà en 2017.
Entre-temps, le nouveau ministre des Affaires étrangères aura fort à faire pour préparer les déplacements annoncés du président Tebboune à Paris et Moscou, au cours du mois de mai prochain.
C’est probablement dans sa bibliothèque et son expérience personnelle que le ministre Ahmed Attaf va apporter une connaissance intime des grands enjeux internationaux et des crises régionales, un prérequis puisé de ses lectures fondamentales qui encadrent sa pensée actuelle.
N. F.
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