Printemps français : le macronisme ou l’art de gouverner contre le peuple
De Paris, Mrizek Sahraoui – La parole d’Emmanuel Macron, qui a mis beaucoup de temps pour s’adresser à la nation en pleine ébullition, n’aura pas permis l’apaisement de la situation, bien au contraire. Celle-ci a, de facto, mis de l’huile sur le feu, davantage exacerbé la colère, plus convergé les luttes, encore amplifié le ressentiment et, surtout, attisé grandement la haine envers la personne du Président. S’ouvre, en conséquence et en perspective, le printemps français qui fait sérieusement planer le spectre d’un embrasement généralisé, courir le risque de la dislocation du pays et d’un mandat qui se termine alors qu’il vient tout juste de commencer.
Après l’adoption au forceps de la loi sur les retraites grâce à l’article 49-3 de la Constitution, adoption qui a mis le feu aux poudres ; à la suite de l’échec de la motion de censure introduite par les partis opposés au projet ; au lendemain de l’interview accordée par Emmanuel Macron aux médias français, la réforme des retraites a quitté l’enceinte des institutions républicaines. Son sort se jouera désormais dans la rue. Une rue qui est loin d’avoir décidé de céder d’un iota au forcing de l’Exécutif, ni dit son dernier mot. L’intersyndicale prévoit d’ailleurs une nouvelle journée de grèves et de manifestations le 28 mars prochain.
Donc une mobilisation sans faille des syndicats et des Français lambda, plus que jamais déterminés à faire fléchir par tous les moyens, comprendre y compris par la violence et le chaos, Emmanuel Macron qui, lui, n’est plus en droit de dire comme dans Jacques le fataliste de Diderot : fussent-ils cent (des millions), le nombre n’y fait rien, s’il est écrit là-haut (chez les Léviathan de la finance) qu’ils ne sont pas assez. Les centaines de manifestations organisées, ce jeudi, partout sur le territoire (3,5 millions de manifestants, selon les syndicats) en réponse à Emmanuel Macron pour qui la «foule n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain au travers de ses élus», illustrent, on ne peut plus clair, une volonté manifeste d’aller jusqu’au retrait pur et simple de cette réforme.
Selon un sondage de l’institut Elabe, réalisé à l’issue de l’interview accordée par Emmanuel Macron, 70% de Français disent ne pas être convaincus par les arguments développés par leur Président. Ils sont 65% à estimer que ce dernier est un mauvais Président. Selon cette même étude, Emmanuel Macron inquiète 61% des sondés, et ils sont 69% à le trouver arrogant et autoritaire. Autoritaire, puisque la doctrine du maintien de l’ordre est désormais pointée du doigt, des vidéos rapportant en effet des violences policières tournent de façon virale.
Venant d’observateurs, de politologues, d’écrivains, de professeurs d’université, d’hommes politiques à la retraite ou du peuple français lui-même, plusieurs définitions du macronisme que l’histoire retiendra sans doute ont été suggérées depuis qu’Emmanuel Macron s’est installé au palais de l’Elysée. Une parmi la nuée récolte plus de suffrages : le macronisme, c’est l’art de gouverner sans et contre le peuple. C’est la démocratie autoritaire, dira Tocqueville.
M. S.
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