Le patrimoine culinaire algérien menacé de l’intérieur
Par Kahina Bencheikh El Hocine – Sur les réseaux sociaux, Algériennes et Algériens poussent des coups de gueule depuis le début du Ramadhan contre certains chefs cuisiniers algériens dont la célébrité est beaucoup plus liée au nombre d’abonnés qu’à leurs compétences culinaires.
Cela ne suffit pas de combattre le pillage de notre patrimoine immatériel par le voisin de l’Ouest, voilà qu’il faut, aussi, surveiller ces pseudo-chefs qui pullulent, en ce moment, sur le Net.
Les tentatives du Makhzen de s’approprier notre histoire et patrimoine vont crescendo et cet acharnement ne date pas d’aujourd’hui et la société civile algérienne milite depuis des années pour la préservation de notre patrimoine. Fort heureusement, les autorités locales ont pris conscience des enjeux de cette guerre culturelle déclarée à notre pays. Cela étant, nous n’avons pas besoin d’un autre front, intérieur cette fois-ci.
Des chefs cuisiniers qui ont pignon sur rue présentent en vidéos des recettes de plats traditionnels ancestraux, en dénaturant complètement les plats, ce qui a valu à ces chefs de violents commentaires sur les réseaux sociaux. Ignorant la portée désastreuse sur les générations à venir d’un côté et sur le combat de l’Algérie pour la préservation de ses us et coutumes d’un autre, ces cuisiniers continuent dans le déni, balayant d’un revers de la main l’importance de préserver le patrimoine et les traditions tels que hérité de nos ancêtres.
Tout chef algérien a le droit, voire le devoir de montrer le patrimoine culinaire de telle ou telle région de l’Algérie, mais à condition de ne pas travestir la composition et la manière de faire. Deux récents exemples de plats dénaturés qui ont fait bouger la Toile, à savoir el-jari (soupe constantinoise), cuisiné dans l’est du pays et dont la recette présentée était tout sauf el-jari que nous connaissons. Des ingrédients étrangers à la recette ont été incorporés sous les yeux incrédules des femmes de l’Est lesquelles ont appelé la cheffe à revoir ses feuilles.
L’autre plat traditionnel célèbre dans le constantinois, c’est ch’bah essafra, à base d’amandes douces et de viande. Ce plat a été altéré de manière à choquer les abonnés de la cheffe qui l’a exécutée. Aucun rapport avec le plat original que les familles de l’est cuisinent pendant les grandes occasions.
Les médias nationaux privés ne sont pas en reste. L’un d’eux avait publié une recette du même plat avec un ingrédient étranger à sa composition. Un sacrilège pour les centaines d’internautes qui suivent cette chaîne.
Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres. Des plats d’autres régions ont été dénaturés, également, parce que ces chefs ont pensé que leur touche personnelle amènerait un plus à ces plats alors qu’ils ne font que les triturer car, pour revisiter un plat, il faut beaucoup de recherches et d’essais pour espérer y arriver.
Il est inadmissible d’altérer de la sorte des plats traditionnels du terroir algérien et célèbres de plus est. La cuisine algérienne a perduré dans le temps grâce aux anciens, les templiers du patrimoine matériel et immatériel. Les anciens ont tout fait pour préserver cet héritage afin de le transmettre intact aux générations à venir.
Inconsciemment ou délibérément, en triturant notre patrimoine culinaire ces pseudo-cuisiniers jouent le jeu des ennemis du pays qui volent nos us et coutumes à tout-va. En effet, ils sont suivis par des milliers de personnes, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur du pays et censés être les porte-parole de nos traditions culinaires. Seulement, si les traditions ne sont pas reproduites fidèlement, elles disparaîtront en un laps de temps pour le grand plaisir de notre voisin de l’Ouest.
K. B. E. H.
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