Comparaison entre le dinar algérien et les devises arabes : démystifier le mythe
Une contribution de Ben Youcef Bedouani (*) – «La monnaie est trop importante pour être laissée aux banquiers centraux. Vous devez ouvrir cette question à un public plus large, à tous ceux qui sont intéressés par la monnaie et sa stabilité.» Milton Friedman. Cet article vise à analyser l’information rapportée par le journal économique saoudien Al-Eqtisadiah, selon laquelle le dinar algérien est la devise la plus élevée parmi tous les pays arabes. Un examen approfondi de divers facteurs économiques révèle que cette affirmation est discutable. Dans cet article, nous explorerons les principaux facteurs influençant la valeur du dinar algérien (DZD) par rapport à cinq autres devises arabes. En outre, nous envisagerons également d’ajouter quelques autres points clés à l’analyse pour une compréhension plus complète de la position du dinar algérien parmi les monnaies arabes.
Taux de change et inflation : le dinar algérien (DZD) fonctionne selon un système de taux de change flottant, contrairement aux taux de change fixes du Koweït (KWD), des Emirats arabes unis (AED), de l’Arabie Saoudite (SAR) et du Qatar (QAR) rattachés au dollar des Etats-Unis. La livre égyptienne (EGP) est un flotteur géré. Par conséquent, le DZD est soumis aux fluctuations du marché. En février 2023, les taux de change pour 1 USD sont : Algérie (111,30 DZD), Koweït (0,30 KWD), Emirats arabes unis (3,67 AED), Arabie Saoudite (3,75 SAR), Qatar (3,64 QAR) et Egypte (15,72 EGP). Quant au taux d’inflation, en 2023, l’Algérie a un taux d’inflation élevé à 9,3%, inférieur à celui de l’Egypte (34,3%) mais bien supérieur à celui du Koweït (3,31%), des Emirats arabes unis (3,8%), de l’Arabie Saoudite (3%) et du Qatar (4,41%). Ces taux d’inflation plus faibles indiquent un meilleur pouvoir d’achat pour leurs devises.
Politiques financières, monétaires et fiscales : l’Algérie a mis en œuvre diverses politiques financières pour soutenir son économie, mais fait face à des défis tels qu’une forte dépendance aux hydrocarbures, un important secteur informel et un faible investissement direct étranger. En revanche, d’autres pays ont des économies diversifiées, des systèmes financiers stables et des niveaux d’investissement direct étranger plus élevés. Les Banques centrales de ces pays du Golf ont pris diverses mesures pour maintenir la stabilité financière et contrôler l’inflation. En Algérie, la masse monétaire M2 a augmenté, comparativement aux pays arabes du Golfe qui, en outre, ont gardé le niveau d’inflation régulièrement maîtrisé et faible. En Egypte, la Banque centrale s’est concentrée sur le maintien de la stabilité des prix et le soutien de la croissance économique. Pendant ce temps, les pays du CCG ont largement maintenu un rattachement au dollar américain, ce qui influence leurs politiques monétaires. Un aspect positif, l’Algérie n’a aucune dette extérieure et un peu plus de 63 milliards de dollars de réserves de change. Une réserve de change bien moins conséquente de celles que possèdent les pays du Golfe.
Influence du marché informel et transition énergétique : le vaste secteur informel algérien a un impact significatif sur le taux de change du DZD, ce qui rend difficile le contrôle du taux de change et le maintien de sa valeur par rapport aux devises des autres pays arabes. De plus, la forte dépendance de l’Algérie aux hydrocarbures pour ses revenus la rend vulnérable aux fluctuations des prix du pétrole. D’autres pays arabes, particulièrement les monarchies du Golfe, sont plus avancés dans la diversification de leurs économies et se tournent vers les sources d’énergie renouvelables, renforçant potentiellement leurs devises à long terme.
Autres points clés à considérer
Croissance économique et diversification : il est crucial d’examiner le taux de croissance du PIB et la composition sectorielle de ces économies. Une économie diversifiée avec un taux de croissance élevé peut se traduire par une devise plus forte. L’Algérie a rencontré des difficultés pour diversifier son économie au-delà des hydrocarbures. En revanche, les pays du CCG ont investi activement dans des secteurs tels que la finance, le tourisme et la technologie.
Réserves de change : l’examen des réserves de change détenues par les Banques centrales permet de mieux comprendre la stabilité d’une monnaie. Un niveau plus élevé de réserves de change peut aider à maintenir la stabilité du taux de change et à instaurer la confiance dans la monnaie d’un pays. A titre d’exemple, les réserves de change de l’Algérie sont bien inférieures à celles des autres pays du CCG.
Solde du compte courant : le solde du compte courant est un indicateur essentiel de la santé économique extérieure d’un pays. Un solde positif du compte courant (excédent) peut contribuer à une devise plus forte, tandis qu’un solde négatif du compte courant (déficit) peut affaiblir une monnaie. En septembre 2022, le solde du compte courant de l’Algérie était de -2 970,0 (millions de dollars américains) tandis que le solde du compte courant des Emirats arabes unis était de +47 978,2 (millions de dollars américains), de l’Arabie Saoudite à +47 343,1 (millions de dollars américains), du Koweït à +17 098,1 (millions de dollars américains), le Qatar à +17 259,9 (millions de dollars américains), et enfin l’Egypte à -3 192,3 (millions de dollars américains). A l’exception de l’Egypte, les pays du Golf ont une monnaie beaucoup plus forte que le dinar algérien.
En outre, nous pouvons également comparer l’Algérie aux pays du Golf pour la facilité de faire des affaires. En tant que tel, un environnement favorable aux affaires peut attirer les investissements étrangers, ce qui peut renforcer la monnaie d’un pays. La facilité de faire des affaires en Algérie est classée bien en dessous des pays du CCG. En outre, les taux d’intérêt jouent un rôle important dans la détermination des entrées et des sorties de capitaux qui, à leur tour, peuvent influencer les taux de change. Les taux d’intérêt dans les pays du CCG sont très attractifs par rapport à l’Algérie et qu’ils affectent directement les flux de capitaux, ce qui donne une image plus claire de la position du dinar parmi les monnaies arabes.
Conclusion
L’affirmation selon laquelle le dinar algérien est le plus élevé de toutes les monnaies arabes n’est pas étayée par les preuves disponibles. Des facteurs tels que les taux de change déterminés par le marché, une inflation élevée, la dépendance aux hydrocarbures, un secteur informel important et un potentiel limité d’économie numérique ont un impact négatif sur la valeur du dinar algérien (DZD) par rapport à la monnaie des monarchies du Golfe. Alors que l’Algérie a fait des progrès dans certains domaines, il est essentiel de prendre en compte un plus large éventail de facteurs économiques avant de déclarer le dinar le plus élevé parmi les monnaies arabes.
B-Y. B.
(*) Analyste financier sénior et économiste.
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