De Guernica à Gaza
Une contribution d’Aziz Ghedia – Ces derniers jours, en Palestine, rien ne va plus. Cela a commencé par l’empêchement, à coups de grenades et de gaz lacrymogènes, par les soldats de Tsahal, des fidèles palestiniens à accomplir la prière des Taraouih dans la Mosquée d’Al-Aqsa. Puis, pour quelques roquettes tombées côté israélien et dont on n’a même pas déterminé avec précision l’origine de la provenance, Israël envoie, en pleine nuit, une salve de missiles sur Gaza. L’histoire est une perpétuelle répétition dans cette région du Moyen-Orient compliqué. Pour soutenir encore une énième fois la cause palestinienne qui ne réclame que son droit à un Etat libre et indépendant, il me tient à cœur de partager cet article que j’ai écrit en 2008.
Aujourd’hui, en faisant les mots croisés [d’un quotidien algérois], je suis tombé sur deux mots qui n’ont aucun rapport l’un avec l’autre. Et ça m’a donné l’envie de donner libre cours à mon imagination. A mon verbiage. Ça m’a donné l’envie de tapoter sur mon clavier, entre deux interventions chirurgicales, conscient cependant du fait que n’est pas chroniqueur qui veut ! Mais, comme le jeu en valait la chandelle, je me suis alors laissé bercé par le bruit des touches de mon clavier.
Le premier mot est anglo-saxon et n’est autre que le fameux «Watergate», scandale pour lequel le président américain Richard Nixon a été contraint de démissionner. Mais, je ne compte pas m’étaler là-dessus car, en matière de scandales, l’Amérique en a connu ! Avec les «quelque chose+ gate», il est aisé, à un journaliste d’investigation tel que Bob Woodward, par exemple, de remplir des pages et des pages. Mais rien ne dit que, comme par le passé, ça se termine forcément par l’accusation, le jugement et la démission de leur poste de responsabilité ou carrément la mise aux arrêts de leurs auteurs. Les temps ont changé. L’Amérique aussi. «La loi et l’ordre», ce concept des années Nixon n’est plus de mise dans le pays de l’Oncle Sam ! Ou plutôt de l’oncle Bush. Le 11-Septembre a tout chamboulé. L’Amérique est aujourd’hui fière de pratiquer «la baignoire». Sur les bougnoules.
Quant au second mot de ma grille géante du Soir d’Algérie, il a une origine ibérique ; autrement dit, beaucoup plus près de nous et a rapport avec la guerre d’Espagne de 1936.
En fait, il s’agissait de trouver le nom d’une toile célèbre du non moins célèbre peintre espagnol Pablo Picasso. Bien que je ne sois pas un cruciverbiste confirmé, il ne pas fallu beaucoup de temps pour trouver : Guernica ! Reconnaissez que ça rime avec… Eurêka ! Sauf que votre chroniqueur n’était pas dans une baignoire et ça ne risquait donc pas de déborder ! Votre chroniqueur ne risquait pas de s’étouffer non plus !
Guernica, c’est l’atrocité absurde de la guerre. Guernica, c’est la destruction sous les bombes de l’aviation allemande de tout un village du Pays basque. Mais avec l’aval de Franco. Guernica, c’est la folie meurtrière des hommes. Guernica présageait déjà les drames qui attendaient l’Europe et qui allaient aboutir à la Shoah. Picasso en a été très ému, très choqué à tel point qu’il lui a consacré toute son énergie et tout son génie. Et, il l’immortalisa sur un bout de toile.
On a dit que Guernica est le premier village bombardé par l’aviation dans toute l’histoire des guerres que l’homme inflige à l’homme, c’est-à-dire à son espèce. Mais, l’industrie aéronautique et la technologie aidant, il y a eu d’autres Guernica par la suite. Et pas seulement en Europe.
Sakiet Sidi Youcef, ce village situé sur la frontière algéro-tunisienne, a, lui aussi, connu les affres des bombardements aériens. Par l’armée française lors de la Guerre d’Algérie. Sauf que ce village est resté longtemps dans l’ombre. Il n’a pas eu la chance d’être immortalisé, ni par une toile ni par autre chose. Et pour cause : nous n’avions pas de Picasso ni d’écrivains de la trempe d’Ernest Hemingway. Ça n’existait pas non plus chez nos voisins tunisiens.
Je ne saurais vous dire pour quelle raison chaque fois que j’évoque cette guerre, la guerre d’Espagne, il me vient à l’esprit Ernest Hemingway et son fameux Pour qui sonne le glas. Est-ce parce que, lui aussi, avait participé à cette guerre ? En tant que reporter, bien sûr. Mais, honnêtement, à part Le Vieil Homme et la Mer, je n’ai lu ni le livre que je viens de citer ni d’autres œuvres de cet auteur ô combien prolifique !
Watergate. Guernica. Monicagate. Il ne manque qu’un autre scandale pour aboutir à un Picasso ! Un tableau et non pas l’homme. A accrocher dans une vaste salle d’un musée dédié à la mémoire des enfants de Palestine : Gazagate.
Gazagate est, pour ceux qui ne connaissent pas encore ce terme, la dernière trouvaille d’un journaliste du Soir d’Algérie (1) pour rendre compte de la dernière visite de Condoleezza Rice en Israël : alors que les enfants de Gaza, cette immense prison à ciel ouvert, périssaient sous les bombes israéliennes, comme jadis les enfants de Guernica sous les bombes allemandes, celle-ci n’a pas trouvé mieux que de faire endosser la responsabilité, toute la responsabilité, aux seuls Palestiniens. Et, j’aimerais bien lui répondre poliment et diplomatiquement, que les enfants, qu’ils soient de Guernica, de Tel-Aviv ou de Gaza ne méritent pas de périr atrocement mutilés, atrocement brûlés sous un déluge de bombes ou… de pétards. Quelle qu’en soit la cause. En effet, dans ce cas précis, force est d’admettre que les forces sont disproportionnées. La communauté internationale l’a reconnu. Comparées à la technologie de l’armement de l’Etat hébreu, les roquettes tirées par les Palestiniens ne sont rien d’autre que des «pétards mouillés». On l’a dit et répété à maintes reprises : il n’y a aucune commune mesure entre les pierres lancées par des enfants et la riposte par armes lourdes à visée chirurgicale des soldats du Tsahal.
Malheureusement, les Etats-Unis, avec leur politique de «deux poids deux mesures» ne le voient pas ainsi et ne l’entendent pas de cette façon-là.
Hillary Clinton est à deux doigts de se faire désigner comme candidate des démocrates à la présidentielle américaine du mois de novembre prochain. Elle commence à ravir la vedette à Barack Obama. L’obamamania s’essouffle ; elle peine ; elle ne semble pas résister au temps et aux critiques qui fusent de toutes parts dans la presse américaine sur les origines soi-disant musulmanes de ce candidat, ni vraiment noir ni tout à fait blanc. Ni chocolat ni vanille pour reprendre l’humour de Molly et de ses petits copains noirs dans le film Corinna, Corinna passé récemment sur la chaîne franco-allemande Arte.
Une femme à la tête de la première puissance mondiale est tout le mal qu’on souhaite à l’Amérique. Peut-être changera-t-elle de cap et de politique vis-à-vis du monde arabe. Peut-être sera-t-elle plus encline à entendre les cris de douleur des enfants palestiniens.
Mais sachant que la société américaine est misogyne dans son ensemble, même si, par ailleurs, elle s’en défend, ce n’est pas demain la veille qu’une chose pareille puisse se produire.
A. G.
1- Enfin, c’est ce que je suppose car je n’ai lu nulle part ailleurs cette expression.
Comment (6)