Comment la Russie a ridiculisé les onze services de renseignements américains
Une contribution d’Ali Akika – On a l’impression que les services de renseignements russes ont attendu la bonne occasion pour ridiculiser les onze services américains de renseignement dont les fameuses NSA et CIA. La fuite des documents top secret qui s’étalent sur la place publique semble être une réponse du berger russe à la bergère américaine, laquelle abreuve la cohorte des «experts» et de journaleux qui dissertent sur les maladies de Poutine, sur les complots qui le menacent et sur Wagner de Prigogine dont les «victoires à la Pyrrhus masquent la débâcle» de l’armée russe. A cette grossière, imbécile et infantile propagande, le FSB (ancêtre du KGB) semble être, je dis semble être, à l’origine des fuites des documents américains. La véracité et l’importance de ces documents expliquent la mobilisation de tout l’appareil américain, politique, diplomatique, militaire et de renseignement, qui tente d’éteindre le feu et de rassurer leurs alliés et poulains, notamment ukrainien et sud-coréen. Les premiers ont affaire à la Russie et les seconds avec leurs frères et néanmoins ennemis nord-coréens. Remarquons que ces alliés ont des services de renseignements puissants et les fuites les concernant doivent être solides pour les inquiéter. Le grand protecteur américain qui ne protège pas ses protégés en prend un coup sur sa crédibilité, encore une après l’Irak.
C’est pourquoi les services américains sont en train de s’échiner à trouver la source et le coupable des fuites parmi leurs innombrables services secrets. Mais comment trouver une aiguille dans une botte de foin ? A cette question, un souvenir a traversé mon esprit. C’est la méthode russe consistant à interdire l’utilisation de l’ordinateur et l’obligation impérieuse de communiquer les infos top secret oralement ou bien par écrit, à condition de détruire le document une fois le message lu. Ainsi, la source des fuites sur la guerre en Ukraine, qui ont rendu malade les Américains, ne sera pas révélée de sitôt. Si la fuite a pour origine le renseignement humain, bonjour l’aiguille dans le foin des centaines de responsables qui accèdent aux documents des services secrets. Mais si le coupable se cache derrière la monstrueuse toile d’araignée de la cyberguerre navigant dans l’espace virtuel 24/24, comment remonter jusqu’à lui ? L’hackeur en question, qu’il soit américain pas loin du siège de la CIA ou bien au fin fond de la Sibérie, on peut toujours le chercher et le trouver, mais le mal est déjà fait. Ce mal ne peut se répéter, à condition de se passer de l’informatique et de revenir aux messages transportés par les pigeons dans les guerres de jadis. Mais c’est trop demander aux Américains pour qui le temps, c’est de l’argent.
Revenons aux choses du terrain. A l’heure actuelle, personne n’est en mesure de désigner l’auteur de ces fuites. Personne, sauf deux Etats, celui qui voit ses secrets à la portée de n’importe quel quidam, les Etats-Unis, et celui dont les services ont brisé les coffres forts de pareil trésor, la Russie peut-être. Les services russes espionnent les Américains chez eux, mais quelle aubaine aujourd’hui ! Ils voient de leurs propres yeux et écoutent avec leurs oreilles grandes ouvertes les Américains armant, conseillant, finançant, présents qu’ils sont dans tous les ministères et l’état-major ukrainiens. Le porte-parole du Pentagone dit ignorer d’où le coup peut venir et s’est dit surpris de cette fuite. On est donc dans l’épais brouillard de l’intoxication. Dans la guerre de l’intoxication, on glisse des infos réelles au milieu de mensonges habillés de «vérités» pour appâter l’ennemi et l’inviter à prendre un chemin pavé de fausses infos. Gonfler, par exemple, les pertes russes ne va pas leurrer les Russes, ni leur faire perdre le moral. Ils ne vont donc pas tomber dans ce piège grossier.
Reste que si ce sont les Russes à l’origine de la capture et de la fuite des documents américains, on peut supposer qu’ils veulent dire à l’Oncle Sam de cesser de se vanter d’avoir infiltré le Kremlin. Avec les documents fuités, les Russes leur prouvent qu’ils peuvent aussi les infiltrer, sans leur permettre d’identifier avec certitude le renseignement humain et les techniques de pénétration de leurs réseaux de communication. Attitude normale pour ne pas griller leurs agents et donc les protéger.
Les services américains ne disent rien mais utilisent le prestige du journal le Washington Post pour éviter que les Russes ne bénéficient des fuites en question, un coup fumant, un exploit qui révèle tant de secrets susceptibles de malmener les relations des Etats-Unis avec leurs amis et alliés. Le Washington Post révèle l’auteur de ces fuites. C’est un jeune doué en informatique et travaillant dans une base militaire américaine. Il est donc bien placé pour voir passer dans la Toile Internet des infos et autres secrets. Ce que ce jeune a fait, certes doué et mû par une passion, un service de renseignement peut le faire. Il ne faut pas nécessairement être dans le pays pour espionner le pays en question. Dans le vaste monde virtuel de la cyberguerre, on peut pénétrer les codes d’un appareil et l’origine de l’auteur de ces codes. Avec la guerre en Ukraine, on apprend beaucoup de choses sur les miracles des technologies nouvelles. Ainsi, les Russes arrivent à neutraliser les défenses aériennes de l’ennemi, paralysent les appareils volant en lisant les puces des appareils. Pour pénétrer des ordinateurs d’entreprise, les hackeurs naviguent autour d’entreprises et autres lieux stratégiques et rendent visite à des ordinateurs riches en infos politiques ou technologiques. Le Hizbollah a réussi ce genre d’exploit, en envoyant un drone qui a échappé à la défense aérienne israélienne.
Pourquoi un tel tollé provoqué par pareilles fuites ? D’abord, ces fuites prouvent les limites de la protection des secrets par la technologie trahie par la même technologie. Ensuite, elles ont étalé devant le monde des évaluations des forces militaires en présence, le déficit en matériel et en hommes de l’armée ukrainienne et les différends et autres appréciations de la situation à l’intérieur de l’Europe. Ainsi, il est révélé que l’armée ukrainienne n’a pas les moyens de faire sa fameuse et attendue contre-offensive, que la couverture aérienne n’existera plus à partir du 23 mai, etc. Ces infos sont à mettre en relation avec les déclarations Mark Miley, chef d’état-major américain, qui, le premier, osa avancer le chiffre des 100 000 morts et blessés ukrainiens. Et Miley d’ajouter que les Ukrainiens ne peuvent chasser les Russes des territoires conquis. Quant à la conquête de la Crimée, Zelensky, laissons-le rêver !
On remarque que ces fuites ont donné l’occasion, au regard des évaluations des forces sur le terrain, de retarder tous les quinze jours le début de l’offensive ukrainienne qui ressemble de plus en plus à une Arlésienne. (2). Les alliés et amis commencent à douter desdites offensives, d’autant qu’aucune armée n’annonce à l’avance la préparation de telles grandes opérations. Un vrai général garde un silence de cimetière, aussi bien sur le lieu que la date et laisse transparaître de fausses informations sur la fausse préparation. C’est un principe de l’algèbre : le moins multiplié par le moins donne un résultat positif. Et zéro multiplié par zéro donne toujours zéro. Dans l’art de la guerre, le faux multiplié par le faux donne toujours du faux. C’est ce qu’ont fait les Alliés pour tromper Hitler en diffusant des infos bidon sur Calais mais en protéger par tous les moyens les préparations du vrai débarquement en Normandie.
En vérité, les experts, les vrais, des anciens officiers qui ont accès à des renseignements par leurs réseaux, et grâce à leur capacité d’analyse de la chose militaire, avaient vu l’inéluctable effondrement de l’armée ukrainienne. Les pertes de cette armée lors de ses deux offensives à l’est, Kharkiv, et au sud, à Kherson, se sont révélées des pièges. Les pertes colossales pour un gain de terrain modeste ont affaibli les Ukrainiens. Mais le piège tendu par les Russes à Bakhmout, où des brigades ukrainiennes ont été englouties par l’artillerie russe efficace et qui ne coûte pas cher, a fonctionné à merveille. Le piège de Bakhmout a fonctionné car le général Sourovikine a reposé son analyse sur des éléments tactiques solides qui concourent à un objectif stratégique, celui d’épuiser l’adversaire qui prépare son effondrement. Les facteurs tactiques sont partagés par les deux adversaires, l’importance militaire et politique de Bakhmout comme carrefour de communication et ligne de défense pour Kramatorsk, siège de l’état-major ukrainien. Une fois le piège refermé sur les Ukrainiens, l’armée des imbéciles et des serviles de la propagande ont retourné leurs vestes. Bakhmout, de ville stratégique, devient simple symbole pour finir par devenir une forteresse pour attirer et broyer l’ennemi. Ces serviles reprennent à leur compte le piège de Sourovikine à une différence, c’est l’armée ukrainienne qui est décimée et qui se retire sous le feu au prix de milliers de morts. Mais pour les petits soldats, les morts des Ukrainiens ne comptent pas. Pour toutes ces raisons, l’offensive ukrainienne ressemble au personnage de théâtre En attendant Godot. Et si offensive il y a, ça sera comme dans la chanson, faire un petit tour et puis s’en vont.
Pour conclure, on a l’impression que l’Occident, à défaut d’appliquer l’art de la guerre dans une vraie guerre d’intensité face à un ennemi coriace, a choisi de se «contenter» et de privilégier la guerre de la désinformation pour atteindre son objectif. Le spectacle qu’il offre chaque jour sur les plateaux de télé et l’apport de journaux prestigieux en Europe et aux Etats-Unis ne portent pas ses fruits. La preuve ? Du premier jour de la guerre à aujourd’hui, les trois-quarts des habitants du monde ont compris que la guerre en Ukraine n’est pas faite pour les habitants du Sud. Et en Occident même, des voix et des gens ne partagent pas les buts de cette guerre.
A. A.
1- Le célèbre journal The Washington Post vient au secours du Pentagone et de la CIA en publiant une enquête qui désigne un jeune amateur fou des armes et de la guerre, travaillant dans une base américaine. Ce jeune est-il tombé par hasard sur des documents qu’il a partagés avec des adhérents d’un même club ? L’enquête du célèbre journal ressemble étrangement à un film américain que j’ai dernièrement vu où un adolescent féru d’informatique tombe par hasard sur les données et les codes du déclenchement d’une bombe atomique de l’armée américaine. Cette possibilité non seulement existe mais c’est le travail de la chasse permanente des cyberattaques de tous les hackers qui sillonnent l’espace virtuel pour dénicher l’entrée du bon client.
2- Arlésienne, personne que l’on attend mais qui ne vient jamais.
Ndlr : Le titre est de la rédaction. Titre originel : Brouillard sur les fuites des documents secrets américains.
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