Autour du théâtre de rue à Oran
Une contribution de Rachid Brahmi – «Le théâtre, c’est la poésie qui sort du livre pour descendre dans la rue.» (Frederico Garcia Lorca.). Le Théâtre régional d’Oran (TRO) Abdelkader-Alloula, semble renaître de ses cendres et active ces derniers temps, en organisant diverses manifestations culturelles dont des représentations théâtrales sur scène, des conférences sur divers thèmes culturels, des expositions, des ventes-dédicaces d’ouvrages, des concerts de musique, des visites guidées du TRO, ainsi que des représentations théâtrales dites «théâtre de rue».
Nous limitant au théâtre de rue, une manifestation qui exige moins de moyens matériels et financiers que le théâtre sur les planches, le TRO Abdelkader-Alloula a ainsi monté Othello le jaloux, adaptée par Samir Bouanani, enseignant des arts à l’université d’Oran et comédien. Cette pièce qui est une adaptation de l’œuvre Othello ou le maure de Venise du dramaturge, poète et acteur anglais William Shakespeare, constitue l’une des expériences probantes du théâtre de rue montée par le TRO et interprétée par de jeunes comédiens, des artistes en herbe dont des étudiants. La pièce, qui a connu un franc succès et destinée à un large public, est jouée depuis maintenant environ une année dans plusieurs espaces publics à Oran et ailleurs sur le territoire national. Afin d’amener les badauds vers la halqa, un espace destiné à la représentation de la pièce, le groupe de comédiens a fait souvent appel à Amine Missoum pour le rôle du goual.
En outre, la représentation de cette pièce a permis notamment d’aménager un espace en escalier menant vers le vieux quartier de Sidi El Houari, situé tout près du TRO et qui fut peint, puis orné de tags , alors qu’auparavant il servait de dépotoir. Excellente initiative de préservation et d’embellissement de l’environnement en exploitant des techniques de ce que l’on appelle le «street art». La pièce a été présentée aussi dans plusieurs centres de détention de la région d’Oran, mais également à Mostaganem, lors du Festival de théâtre amateur, puis à Alger pour la clôture du Festival de théâtre professionnel.
D’autre part, selon un dictionnaire usuel, le théâtre de rue est une «représentation théâtrale donnée dans la rue ou dans un lieu public en extérieur». Ce type de représentations pris en charge par des institutions est généralement gratuit, que ce soit en Algérie ou ailleurs et permet aux couches défavorisées d’accéder à cette forme d’art, puis inciter les diverses couches sociales à fréquenter les salles de théâtre. Cela permet également le brassage social et contribuerait au renforcement de ce que nous pourrions appeler la «démocratie culturelle», puis briser la morosité ou la monotonie ambiante.
Le théâtre de rue, une ancienne manifestation culturelle au Maghreb qui fait partie du spectacle de rue à travers la halqa, le goual, le berrah et autres expressions artistiques, remonte néanmoins à la Grèce antique et refait surface à partir de ces deux derniers siècles, un peu partout aux quatre coins du globe, notamment chez nos deux plus proches voisins du Maghreb. Pour la Tunisie, dont la création de son théâtre sur les planches ne remonte qu’à l’année 1983, donc relativement récente par rapport à l’Algérie (8 janvier 1963), nous relevons l’organisation d’au moins un festival annuel du théâtre de rue.
Nous pouvons également noter, selon les sources disponibles sur la Toile, l’existence de plusieurs festivals du théâtre de rue, nationaux, régionaux et internationaux dans un certain nombre de pays. Il existe, par exemple, plus d’une dizaine de festivals du théâtre de rue en France, tous les ans et répartis sur plusieurs régions et localités, puis l’organisation de représentations de théâtre de rue au Burkina Faso, au Mali, dans d’autres pays d’Afrique noire et au Canada, au Japon, en Russie, aux Etats-Unis…
D’autre part, à partir d’une référence bibliographique (1) récupérée sur la Toile, «le théâtre de rue est une forme de spectacle et de représentation théâtrale exécutée dans un espace public, généralement extérieur. Les artistes jouent avec la rue, l’utilisent comme décor et incluent dans leur prestation les impulsions venant de l’extérieur, en particulier du public. Dans le cas contraire, ils ne font que transporter en plein air leurs créations destinées à la scène». Nous pouvons alors remarquer qu’il serait intéressant, pour des productions à venir, d’impliquer les spectateurs dans la représentation afin de mieux saisir ces «impulsions», un tel type d’implication étant fréquent de par le monde.
En guise de conclusion pour ce papier succinct concernant un art, un hobby par excellence, et pour paraphraser une citation (2) d’une célèbre adaptation théâtrale, nous pouvons dire, concernant le théâtre de rue, que «si le spectateur ne vient pas au théâtre, le théâtre ira à lui».
R. B.
(*) Enseignant retraité, département de physique, Université d’Oran 1
1- Michel Corvin et coll., Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Paris, éditions Bordas, 1991, 940 p. (ISBN 2-04-018456-2), Entrée d’Agnès Pierron «Intervention (théâtre d’)», p. 434.
2- «Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi», citation de plusieurs adaptations théâtrales, télévisuelles et cinématographiques (en de multiples versions et durant plus d’un demi-siècle) du roman de Paul Féval, Le Bossu (1858). Cette formule est parfois utilisée quand on veut évoquer l’idée d’une ferme résolution.
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