Un politologue français : «Macron est un enfant immature, narcissique et incompétent»
Par Kahina Bencheikh El-Hocine – Emmanuel Macron aggrave l’aporie dans laquelle est tombée la France, juge Jean-François Bayart, professeur à l’IHEID à Genève, dans une tribune «Où va la France ?», publiée dans le journal suisse Le Temps, et pour qui l’exercice du pouvoir de Macron est celui d’un enfant immature, narcissique, arrogant et sourd à autrui.
Emmanuel Macron se réclame de l’«extrême centre» et, selon Bayard, Macron en serait le dernier avatar en date de ce que l’historien Pierre Serna nomme le «poison français», un mode de gouvernance brutal et policier.
«Le conflit des retraites est le symptôme de l’épuisement de ce gouvernement de l’extrême centre. Depuis trente ans, les avertissements n’ont pas manqué, que les majorités successives ont balayés d’un revers de main, en criant aux corporatismes, à la paresse, à l’infantilisme du peuple», a-t-il fait savoir, affirmant que la pandémie du Covid-19 a «servi de test crash auquel n’ont pas résisté les services publics car administrée de manière autoritaire et souvent grotesque».
Pour Bayard, il n’y a aucun doute : «Emmanuel Macron aggrave l’aporie dans laquelle est tombée la France. Il n’a jamais rien eu de nouveau, et sa posture d’homme providentiel est une figure éculée du répertoire bonapartiste. Il n’imagine pas autre chose que le modèle néolibéral dont il est le pur produit, quitte à le combiner avec une conception ringarde du roman national, quelque part entre le culte de Jeanne d’Arc et la fantaisie réactionnaire du Puy-du-Fou.» Et de renchérir : «Son exercice du pouvoir est celui d’un enfant immature, narcissique, arrogant, sourd à autrui, plutôt incompétent, notamment sur le plan diplomatique, dont les caprices ont force de loi au mépris de la loi ou des réalités internationales».
Pour le politologue, la France est bel et bien en train de rejoindre le camp des démocraties «illibérales». Il l’explique par «d’une part, l’érosion des libertés publiques, au nom de la lutte contre le terrorisme et l’immigration, depuis au moins trois décennies ; d’autre part, les dangers que revêtent de ce point de vue les innovations technologiques en matière de contrôle politique et l’imminence de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national auquel les gouvernements précédents auront fourbi un arsenal répressif rendant superflues de nouvelles lois liberticides».
Il n’est pas question, ici, de «bonnes» ou de «mauvaises» intentions de la part du chef de l’Etat, poursuit-il, mais «d’une logique de situation à laquelle il se prête et qu’il favorise sans nécessairement la comprendre», indique Bayart, pour lequel la politique de Macron est «celle de Viktor Orban : appliquer le programme de l’extrême droite pour éviter son accession au pouvoir».
«Emmanuel Macron, ignorant de par son éducation et son itinéraire professionnel les réalités du pays profond, primo-élu à la magistrature suprême sans jamais avoir exercé le moindre mandat local ou national, a entendu faire prévaloir la combinaison schmittienne d’un Etat fort et d’une économie saine, en promulguant ses réformes néolibérales par voie d’ordonnances, en court-circuitant les corps intermédiaires et ce qu’il nomme l’Etat profond de la fonction publique, en s’en remettant à des cabinets privés de conseil ou à des conseils a-constitutionnels tels que le Conseil de défense, en réduisant la France au statut de start-up nation et en la gérant comme un patron méprisant ses employés, Gaulois réfractaires», assène Jean-François Bayart.
«Macron provoqua le plus grave mouvement social depuis Mai 68, celui des Gilets jaunes dont le spectre continue de hanter la macronie… Il promit avoir changé… De nouvelles petites phrases assassines prouvèrent aussitôt qu’il en était incapable. Il maintint son cap néolibéral et fit alliance avec Nicolas Sarkozy en 2022 pour imposer une réforme financière de la retraite en dépit de l’opposition persistante de l’opinion et de l’ensemble des forces syndicales, non sans faire fi de leurs contre-propositions».
Le professeur à l’IHEID rappelle le mouvement social massif qui s’ensuivit. «Emmanuel Macron s’est enfermé dans le déni et le sarcasme. Comme en 2018, Emmanuel Macron répond à la colère populaire par la violence policière, laquelle a entraîné la condamnation de la France par les organisations de défense des droits de l’Homme, le Conseil de l’Europe, la Cour européenne de justice, les Nations unies».
Face à ces accusations, poursuit Bayart, Macron s’enfonce dans une réalité parallèle et radicalise son discours politique. Enumérant les mille et une tares de la macronie, qui, selon lui, «n’aime pas les pauvres», «siphonne du bien public au profit d’intérêts privés», et distribue du «pognon de dingue aux entreprises et aux contribuables les plus riches», le politologue affirme que «dans cette fuite en avant, un pas décisif a été franchi lorsque le gouvernement s’en est pris à la Ligue des droits de l’Homme. Ce faisant, la macronie s’est de son propre chef placée en dehors de l’arc républicain… Oui, la France bascule».
Jean-François Bayart est un politologue français de renom, le premier qui a dénoncé la corruption de la France en Afrique, dans les années 1980.
K. B.-H.
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