Un échantillon du colonialisme de peuplement

45 commémoration
Un échantillon de la civilisation française. Un certain 8 mai 1945 à Sétif. D. R.

Une contribution de Saadeddine Kouidri – Les historiens français, de gauche comme de droite, contextualisent rarement un événement algérien comme celui de la commémoration, cette semaine, du 8 mai 1945. C’est une façon d’alimenter la majorité de leurs parlementaires qui prétendent que le colonialisme est positif dans le but d’entretenir l’amnésie sur l’histoire du peuple algérien et laisser sous-entendre que le massacre du 8 mai 1945 est un événement exceptionnel, alors qu’il n’est qu’un maillon dans la chaîne des crimes perpétrés par la France en Algérie durant toute l’occupation.

Dire que le «Rassemblement national qui, à l’Assemblée, se pare des habits de la République», n’est que cet effet de boomerang que la députée écologiste Eva Sas constate aujourd’hui. Son alarme me semble un peu tardive mais dangereuse si on continue à ignorer les causes

L’une d’elles relève de l’histoire qui doit nous rappeler que la colonisation de peuplement de l’Algérie a été un projet de génocide. La résistance de l’Etat algérien conduite par l’Emir Abdelkader a vaincu ce projet colonial puisque le peuple a survécu au prix de plusieurs millions de morts. L’historien, particulièrement l’historien français proche du pouvoir, de gauche comme de droite, s’attelle à biaiser l’histoire avec le déni de la première victoire qui est la survie du peuple algérien.

Ce dernier massacre, avant la Révolution, a révélé le mensonge entretenu, qui était l’octroi de l’indépendance en contrepartie de l’engagement d’Algériens dans l’armée française pour participer à la libération de l’Europe des mains des nazis. D’autre part, cette tuerie de 45 000 Algériens le 8 mai 1945 mit fin à l’illusion qu’avait une minorité des deux rives dans le projet assimilationniste, à l’image de celui que prônent l’Association des Ouléma du cheikh El-Ibrahimi (celle fondée par Cheikh Ibn-Badis mort en 1940) ou le réformiste Ferhat Abbas. C’est aussi, ce jour-là, que les futurs dirigeants de la Révolution avaient compris qu’il ne restait au peuple algérien que la Révolution armée pour chasser l’occupant.

Il a fallu l’exemple de Diên Bien Phu de l’oncle Hô aux révolutionnaires algériens pour oser entamer leur lutte le 1er Novembre 1954. Didouche Mourad, le benjamin des six dirigeants initiaux, disait que «le premier danger à surmonter était l’incompréhension du peuple à un tel engagement». Vu que la France était la 4e puissance du monde et eux étaient peu nombreux, mal armés, sans expérience et sans leader charismatique. Ils venaient de donner naissance à leur organisation, le FLN/ALN par un «Appel au peuple» qui ne comporte pas à son en-tête «Bismillah» (au nom d’Allah), qui s’adresse au «Peuple algérien, militants de la cause nationale», et qui commence par «A vous qui êtes appelés à nous juger…»

Qualifiés de terroristes, d’aventuriers, de nationalistes, de fellagas… alors qu’ils étaient des révolutionnaires, chacun de ces faux qualificatifs enrichit le discrédit dont le principal bénéficiaire était le pouvoir colonial, tout en servant les différentes forces politiques hésitantes ou ennemies à la Révolution. Pourquoi les communistes français et algériens, par exemple, qualifient-ils ces révolutionnaires de nationalistes si ce n’est pas de la jalousie, tout simplement ?

Les dénis de tous bords et pendant des décennies finissent par porter préjudice à l’éclatante victoire de l’Algérie sur le colonialisme et introduisent du faux dans l’histoire, non seulement celle de l’Algérie mais dans toutes les colonies occidentales à ce jour et depuis des siècles. Les lacunes introduites dans notre histoire donnent aux ennemis du tiers-monde, aux néocolonistes, aux réactionnaires et à leurs politiciens l’occasion de déverser leurs ressentiments et leur racisme sur les émigrés, comme on le constate chaque jour.

Les situations en Libye, en Syrie, au Yémen, en Somalie, au Mali… sont dues à l’absence de la condamnation des criminels des guerres coloniales. Sur l’annonce, une projection-débat à Paris organisée par trois associations, intitulée «L’Autre 8 Mai 1945», on peut lire cet extrait : «Le porteur du drapeau algérien est abattu par la police, des Européens sont agressés par des hommes fuyant la répression massive qui s’est poursuivie dans toute la région.» Dans ce court paragraphe, c’est l’affirmation «des Européens sont agressées» qui est la mieux retenue pour la postérité comme dans tous les débats où le colonialisme n’est pas qualifié de crime contre l’humanité. Ces «défenseurs» des droits de l’Homme et non des Nations vont jusqu’à confondre islamistes et musulmans et perçoivent ces derniers comme des terroristes. Ils sont pour la sécularisation, seulement dans leur propre pays. Ailleurs, particulièrement en Algérie et en Tunisie, ils la considèrent comme une hérésie !

Quand je constate que Patrick Baudoin, président de la LDH par exemple, participe à la table animée par I. R. sur «Face aux haines ordinaires» de Médiapart, je me demande si ce dirigeant d’ONG qui affiche sa haine ordinaire n’est pas pour une haine extraordinaire envers l’Algérie. Ces militants qui clament le slogan «Vous n’aurez pas notre peau», à juste titre, demeurent aveugles aux luttes dans les pays dits «musulmans» contre l’islamisme et la Réaction. Ils participent à durcir ce confinement qui nous est imposé par les forces obscurantistes et rétrogrades. Nous paraphrasons votre slogan pour vous dire que «vous n’aurez pas une seconde fois notre pays». Votre «démocratie» n’est qu’un cheval de Troie tant que vous ne jugerez pas vos criminels des crimes commis contre de millions d’Africains.

Lors d’un débat, l’exemple du massacre de Madagascar pour rappeler que le massacre du 8 mai n’était pas circonscrit à l’Algérie fait sursauter l’animateur l’historien Gilles Manceron, qui fait remarquer que ce massacre a été commis en 1947, l’air de dire qu’il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes. L’erreur de cet historien est de croire qu’ils sont étrangers l’un de l’autre. Les crimes jalonnent toute la période coloniale. Ils sont identiques. Tuer des indigènes en 1945 ou en 1947, les tuer tous si possible et tout le temps. Pour ceux qui pensent que le colonialisme et particulièrement le colonialisme de peuplement n’est pas un crime contre l’humanité écrivent sans arrêt sur des situations où l’indigène n’est pas une victime du colonialisme mais son «vis-à-vis». Ils parlent de justice envers l’indigène alors que ce dernier en est complètement dépourvu. Sans avoir vécu la situation du juif dans les camps, ils arrivent à comprendre la Shoah mais ils n’arrivent pas à comprendre la vie de l’indigène. Ils tentent de faire croire que le massacre à l’est de l’Algérie en 1945 est un fait sans lien avec tous les massacres commis sans interruption depuis le premier jour de la colonisation dans toute l’Afrique pendant des siècles et à ce jour dans les pays qui sont toujours colonisés.

Manceron se déclare de gauche, une gauche qui est dans de beaux draps, comme il l’avouera lui-même sans pouvoir en donner la raison. Je lui en fournis ici la raison capitale du marasme de sa famille politique car, moi, je me sens agressé par toutes celles et tous ceux qui continuent à ignorer ce qu’est la vie sous le code de l’indigénat, et particulièrement quand cette ignorance habite un historien de l’envergure d’un Manceron. Le pouvoir colonial assassinait des hommes et des femmes après les avoir réduits à des indigènes. L’assassin peut être un général ou un quidam. Il n’y a pas de loi qui protège l’indigène de ces meurtres et cela a duré plus de 130 ans dans mon pays. Mostefa Lacheraf parle de millions de morts algériens et de 100 000 soldats français tués entre 1830 et 1847. La moitié de la population a donné sa vie dans la résistance au colonialisme de peuplement pour permettre à l’autre moitié du peuple de demeurer vivant. L’historien, pour qui la colonisation de peuplement n’est pas un génocide, est, à ses yeux, un acte de civilisation, à l’image de la droite et de l’extrême droite qui règnent au Parlement français.

On doit savoir que la torture a été une pratique courante, depuis le premier jour de l’occupation. Le triste fait est de voir des historiens méconnaître ces méfaits de la colonisation, et le comble est d’entendre des historiens réduire les drames de nos populations à des anecdotes.

La victoire sur le colonialisme n’a pas aidé les anticolonialistes à l’étranger et particulièrement en France où c’est l’extrémisme de droite qui en a bénéficié. Aucun anticolonialiste français n’a été reconnu comme un héros par le pouvoir français, ni par la société civile.

Pourtant, ils étaient nombreux les militants de la cause algérienne, les déserteurs de l’armée et autres porteurs de valises. Ils ont tous été marginalisés. Le communiste offensé et l’extrémisme de droite honoré. C’est cela qui est désolant et non pas un rappel d’un fait historique. L’agression, c’est quand la gauche emprunte le même langage que l’extrême-droite. La gauche, des deux rives, est dans de beaux draps car ni l’un ni l’autre ne qualifie les colonialistes et les islamistes (ceux qui utilisent la religion en politique pour assassiner ou faire assassiner l’autre) de criminels.

S. K.

Comment (5)

    Anatole France
    15 mai 2023 - 0 h 13 min

    La république française se vautre dans l’apologie du Crime contre l’Humanité concernant la colonisation du monde et des guerres coloniales, tandis que la république française se repent, se flagelle, se prosterne pour des crimes de plus faibles importances mais qui concerne son éminence la communauté qui tire les ficelles.

    z
    14 mai 2023 - 17 h 53 min

    d ailleurs le fis et les terros ne se sont jamais revendiques des chouhadas et ils haissaient le drapeau algerien ca il faut l expliquer aux jeunes generations

    dz
    14 mai 2023 - 14 h 07 min

    exactement la france avait pour but de transferer toute la population autochtone algerienne vers la nouvelle caledonie a la fin du 19EMME SIECLE ce projet fut abandonne car les colons avaient besoin de cette population corveable a merci les oulemas etaient aussi pour le colonisateur et zeles c est la verite les preches etaient favorables a la france (comme la france est bonne il faut lui obeir) ferath abbas etait assimilisionites tout comme messali hadj seule une voie arriva a la lutte armee le front de liberation national sous les oulemas sous ferat abbas sous messali nous serions une autonomie ont peut rendre hommage a larbi ben mhdi ali la pointe et tous les chouhadas d avoir rendus la dignite aux algeriens par leur sacrifices il ne faut jamais les oubliers et l espoir de novembre d ailleurs le fis etait une emanation de la france puisquil recevait ces directive de paris de mithe errant

      Elephant Man
      14 mai 2023 - 16 h 12 min

      @Dz
      Et oui le monde entier sait parfaitement QUI TUE QUI et qui a créé finance et arme le terrorisme dit islamISTE plus exactement occidentalosioniste et le terrorisme berbériste également.
      D’ailleurs s’ils étaient effectivement Islamiques, ils auraient libéré la Palestine OCCUPÉE depuis toujours….Un Détail De l’Histoire…
      Excellent rappel que la « gauche française » dans le FIS GIA et cie ….de l’extrême gauche à l’extrême droite française aucune différence dans les faits et l’idéologie.

      Elephant Man
      14 mai 2023 - 19 h 33 min

      Allah Yarham EL CHOUHADAS AL ABRAR
      TAHIA EL-DJAZAÏR

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