Ali Al-Hilali : «La Libye n’a pas vocation à accueillir les migrants voulant gagner l’Europe»
Par Mourad Rouighi – Ali Al-Hilali est un journaliste installé à Tripoli, qui, pour avoir dirigé un chaîne de télévision indépendante, s’est fait apprécier par son professionnalisme, mais surtout par ses enquêtes courageuses portant sur tout ce qui tourne autour de son pays. A cet effet, tout récemment, sollicité par une radio italienne pour dresser un état des lieux sur la situation en Libye, il a saisi l’occasion pour fustiger un projet lancé par l’UE, en collaboration avec l’organisation (non) gouvernementale Ara Pacis, doté d’un fonds de 5 millions d’euros, visant de prime abord à financer un projet agricole dans le sud de la Libye.
Or, Al-Hilali est sceptique : «Vous savez que le sud est une région pleine de richesses mais aussi affichant un déficit démographique évident, sans oublier que la population de la Libye ne dépasse pas les sept millions d’habitants, répartis sur une zone géographique équivalente à la taille d’un continent.»
«Pour tous ceux qui ont approfondi la question, poursuit Al-Hilali, le projet apparaît comme étant de la promotion du secteur agricole du Fezzan. Mais comme vous le savez, cette dénomination n’est pas innocente et renforce la question de la division ou l’idée que la Libye est composée de macro-régions. C’est une conception erronée car le nom correct est sud-libyen.»
Ara Pacis, qui a lancé ce projet et a déclaré qu’elle agit est en collaboration avec l’Institut agricole de la ville italienne de Bari et avec un financement de l’Union européenne, a également précisé que le but premier est de renforcer le secteur agricole, mais aussi, à terme, de créer le Desert Peace Center.
Un centre, qui a été dépeint comme «centre polyvalent» et visant à agir comme un instrument pour la paix et le développement social et économique dans le sud de la Libye.
Et c’est là que le projet, selon Ali Al-Hilali, intègre certaines projections floues et notamment le besoin de main-d’œuvre pour une région sous-peuplée, d’où l’intérêt d’acheminer des milliers de migrants des centres de transit vers le sud de la Libye et leur accorder – via des de mesures incitatives – des «résidences de peuplement» !
Or, au-delà des difficultés à prévoir, liées à la cohabitation, qui se sont vérifiées ailleurs, point besoin de minimiser l’intégration de la population locale avec les groupes immigrés de la région sud et en premier lieu les migrants illégaux.
Pour ce journaliste, la Libye a été jusqu’à ce jour une zone de transit pour les migrants des pays africains vers les côtes du sud de l’Europe, comme l’Italie, la France et d’autres, qui ont décidé ces dernières années de lutter de manière plus ferme sur la question de l’immigration clandestine.
Cela dit, la solution, en aucun cas, ne saurait d’installer des immigrés dans cette région, fut-elle sous-peuplée, car cela créerait un précédent pernicieux qui risque d’affecter toute la région.
L’immigration est un thème trop sérieux pour cautionner des solutions loufoques, déstabilisatrices et injustes, a-t-il conclu.
M. R.
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